Il y a fort longtemps, les humains auraient domestiqué certaines espèces de loups gris, et ce serait ainsi, selon la principale hypothèse, que les premiers ancêtres des chiens sont apparus et ont évolué. Une nouvelle étude menée par des chercheurs japonais avance qu’une espèce de loup éteinte depuis plus d’un siècle, appelée « loup japonais » (ou loup de Honshū), serait plus étroitement liée à l’ancêtre des chiens que toutes les autres espèces de loups recensées jusqu’à présent.
La découverte a été réalisée entre les murs de la Graduate University for Advanced Studies au Japon, après le séquençage génomique de neuf spécimens de loups dont les restes reposaient dans un musée.
Si de nombreuses études suggèrent bien que le chien descend du loup gris, aucun loup vivant n’est suffisamment proche du chien pour le confirmer directement — bien que leur ADN soit à 99,9% identique. Selon l’hypothèse dominante, les chiens auraient donc évolué à partir d’une espèce de loups aujourd’hui disparue.
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Une découverte inattendue
Les spécimens de loups étudiés appartenaient à l’espèce Canis lupus hodophilax, caractérisée notamment par une taille plus petite que la majorité des loups gris et une morphologie plus fine. Selon de précédentes études, la rage, la chasse et le déboisement de son habitat seraient les principales causes de son extinction — mis en conflit avec l’homme, il serait devenu la cible des agriculteurs. Le dernier spécimen enregistré date de 1905, mais plusieurs musées au Japon et en Europe en possèdent plusieurs spécimens.
« Je ne m’attendais pas du tout à cette conclusion », déclare Yohey Terai, professeur et chercheur à la Graduate University for Advanced Studies. Avec ses collègues, Terai a pu obtenir des échantillons de tissus conservés par un musée japonais, principalement des os.
Après avoir extrait l’ADN des échantillons, l’équipe a pu comparer les génomes avec ceux d’autres loups et chiens. Les résultats montrent que le loup japonais, aussi appelé loup de Honshū — du nom de la plus grande île japonaise, sur laquelle repose notamment Tokyo —, se situe sur une branche évolutive distincte de loups apparus il y a 20 000 à 40 000 ans. Les détails ont été publiés sur le serveur de préimpression bioRxiv.
Selon les chercheurs, il est possible que certains de ces loups aient évolué vers le loup japonais tandis que d’autres ont donné naissance à des chiens en Asie de l’Est. Les conclusions suggèrent donc que Canis lupus hodophilax est le plus proche parent sauvage connu des premiers chiens d’Asie de l’Est, et peut-être même de tous les chiens.
Chercher plus loin dans le passé pour confirmer les résultats
Maintenant, Terai espère extraire de l’ADN d’anciens ossements de loups trouvés dans cette région (bien plus anciens que ceux traités ici) pour confirmer les conclusions de l’étude, mais la préservation de l’ADN dans des os aussi vieux serait probablement insuffisante pour obtenir des résultats significatifs.
« Même s’il est confirmé que l’ancêtre loup des chiens vivait en Asie de l’Est, cela ne signifie pas nécessairement que les chiens y ont été domestiqués », précise Terai. « Il n’est pas possible de déterminer quand les chiens ont commencé à avoir une relation avec les humains à partir des données sur le génome ». En effet, pour cela, des preuves archéologiques sont nécessaires.
Les génomes montrent également qu’après la séparation initiale, il y a eu des croisements entre la lignée des loups japonais et les premiers chiens. Selon les estimations, cela s’est produit il y a au moins 10 000 ans. Terai et ses collègues pensent que ce croisement a probablement eu lieu avant que les loups n’atteignent le Japon.
En raison de cette introgression — un terme désignant le transfert d’un gène d’une espèce à une autre après une hybridation, suivie de rétrocroisements répétés avec l’une des espèces parentes —, l’ascendance du loup japonais « a été transmise à de nombreux chiens par le biais d’un mélange entre les lignées de chiens d’Eurasie orientale », écrivent les chercheurs dans leur document. « Jusqu’à 5,5% des génomes de chiens modernes dans toute l’Eurasie de l’Est sont dérivés d’une ascendance de loup japonais », concluent-ils.