La guerre de l’espace entre les États-Unis et la Russie se résumait récemment à SpaceX d’Elon Musk et Roscosmos, la société spatiale d’État russe. La Russie s’était même moquée de l’agence spatiale privée de Musk alors qu’elle n’en était qu’à ses débuts. Mais la situation a bien changé depuis, et pour preuve, Dmitry Rogozin, directeur général de Roscosmos, a récemment déclaré qu’il prévoyait d’affecter, dès 2022, des cosmonautes aux vols du vaisseau spatial Crew Dragon de SpaceX, dans le but de rejoindre plus régulièrement la Station spatiale internationale.
Selon un communiqué, les vols en question seront mixtes et impliqueront également des astronautes de la NASA, qui partageront le Crew Dragon avec les cosmonautes de Poutine. Ce revirement de stratégie est pour le moins étonnant sachant que Rogozin n’était pas en très bons termes avec la NASA et, surtout, Elon Musk.
Sans compter que cela semble se faire dans les règles de l’art précédant tout bon contrat commercial : Rogozin a récemment invité Musk à prendre le thé chez lui, en Russie, marquant le début d’un remarquable changement de comportement.
« À notre avis, SpaceX a déjà acquis suffisamment d’expérience […] »
Selon les informations disponibles à ce jour, la date la plus proche à laquelle un cosmonaute russe pourrait se rendre à l’ISS à bord d’une capsule Crew Dragon serait au deuxième semestre 2022, dans le cadre de la mission Crew-5.
« À notre avis, SpaceX a déjà acquis suffisamment d’expérience pour que nous puissions placer nos cosmonautes sur Crew Dragon », a déclaré Rogozin par l’intermédiaire d’un traducteur lors d’une conférence de presse lundi, cité par SpaceNews. « Je pense que nous serons en mesure de discuter des candidats qui pourraient voler vers la station spatiale à bord de Crew Dragon – des cosmonautes russes, et des astronautes américains qui voleront vers la station spatiale à bord de vaisseaux spatiaux russes », a-t-il ajouté.
L’avantage majeur du vaisseau spatial russe Soyouz, c’est sa longue expérience. En effet, le véhicule est en service depuis plus d’un demi-siècle, son premier lancement avec équipage ayant eu lieu en 1967. Bien que ses configurations et ses technologies aient été mises à jour à de nombreuses reprises depuis son voyage inaugural dans les années 1960, la plate-forme globale semble dépassée de plusieurs décennies.
Des intentions difficiles à cerner ?
Cette nouvelle arrive à un moment incertain pour l’avenir spatial de la Russie, les responsables du pays ayant révélé plus tôt cette année qu’ils envisageaient d’abandonner l’ISS, après deux décennies d’occupation et de coopération internationales. En agissant ainsi, la Russie veut peut-être finalement s’assurer que ses cosmonautes resteront à bord de la station en fin de vie jusqu’à ce qu’elle rende son dernier souffle.
Ou s’agit-il d’un jeu opportuniste ? L’année dernière, la NASA a payé 90 millions de dollars pour un siège Soyouz. Mais on ne sait pas exactement combien la Russie devrait payer la NASA et SpaceX pour lancer un membre d’équipage à bord du Crew Dragon. Certainement moins. L’administrateur adjoint de la NASA, Pam Melroy, a déclaré lors de la conférence de lundi « qu’ils s’attendent à ce qu’il y ait plusieurs vols avant de se sentir confiants dans les performances du véhicule », ce que Crew Dragon a maintenant prouvé. « À ce stade, nous sommes en train d’avoir cette conversation ».
Nous devrions peut-être simplement prendre Rogozin au mot, mais comme l’avancent certains journaux, il est souvent difficile de se faire une idée de ses véritables intentions. Pour rappel, ses opinions ont varié de la colère envers la NASA pour avoir donné carte blanche à SpaceX à la menace de plusieurs journalistes américains, en passant par l’invitation de Musk à prendre le thé avec sa famille, et ce, juste durant l’année 2021. À cela s’ajoute la probable pression non négligeable de l’excellent stratège qui dirige le pays, Vladimir Poutine, pour réduire les coûts du programme spatial.
Il faut aussi mentionner que cette stratégie pourrait être une sorte de « faveur » aux États-Unis pour tenter d’abaisser les tensions politiques qui règnent entre les deux pays.