Il existe de nombreuses raisons de s’abstenir de se rendre dans un fast-food, bien que la tentation soit parfois si grande à la vue d’un hamburger sur un panneau publicitaire que l’on finit par céder. Parmi ces raisons, les plus discutées sont la quantité importante de mauvaises graisses et de sucres, sans oublier la quantité astronomique de calories affichée sur les emballages. Mais bien entendu, il existe d’autres arguments qui pourraient vous aider à résister, dont la détection récente de perturbateurs endocriniens — des substances chimiques connues pour perturber l’équilibre hormonal — dans de nombreux produits vendus en restauration rapide.
Dans une nouvelle étude s’intéressant à plusieurs chaînes de restauration rapide, des chercheurs de la Milken Institute School of Public Health de l’Université George Washington, ont découvert plusieurs types de phtalates — des perturbateurs endocriniens connus — dans de nombreux plats testés (frites, burritos, cheeseburgers, etc.).
Sans surprise, des substances chimiques similaires, appelées ortho-phthalates, destinées à remplacer les phtalates (mais dont l’innocuité à long terme n’a toujours pas été prouvée), semblent être progressivement intégrées. Les résultats ont été publiés mardi dans le Journal of Exposure Science and Environmental Epidemiology.
Les phtalates sont souvent utilisés comme plastifiants. Ils rendent les matières plastiques (notamment le PVC) ou d’autres matériaux plus souples. Plusieurs études précédentes ont montré que les phtalates sont des perturbateurs endocriniens (PE) non négligeables, car leur structure chimique imite (et donc interfère avec) les hormones que nous produisons naturellement, dont la testostérone et les œstrogènes.
Phtalates, ces tueurs masqués
Ces substances sont notamment présentes dans les emballages plastiques des produits surgelés ou dans les produits cosmétiques, pointés du doigt par différentes études montrant notamment qu’ils augmentent la mortalité. De ce fait, bien que leur impact fasse encore l’objet de recherches, les auteurs de cette nouvelle étude insistent sur l’importance de limiter leur présence dans nos aliments.
Malheureusement, les plastiques sont omniprésents dans nos vies, tout comme les produits chimiques qu’ils contiennent. Et selon les résultats présentés ici, les fast-foods peuvent être une source d’exposition supplémentaire, particulièrement riche qui plus est.
Des études précédentes indiquent qu’une plus grande exposition aux PE, y compris aux phtalates, peut avoir un effet négatif sur le développement des enfants et augmenter le risque de problèmes de santé tels que l’asthme, l’obésité et une diminution de la fertilité, bien que l’intensité exacte de ces associations ne soit pas claire.
Dans une première étude menée aux États-Unis en 2018, par quasiment la même équipe de recherche — dirigée par Ami Zota, professeure de santé environnementale et professionnelle au sein de la même université —, les scientifiques ont constaté que les individus ayant déclaré (dans le cadre d’une enquête globale) avoir mangé dans des fast-foods récemment étaient plus susceptibles d’avoir des niveaux de phtalates plus élevés dans leur urine que ceux qui mangeaient plus souvent à la maison.
81% des aliments testés contenaient des phtalates
Cette nouvelle étude cependant, ciblait directement les fast-foods, le but étant d’aller chercher la menace à la source… Pour cela, les chercheurs ont recueilli 64 échantillons d’aliments dans six restaurants différents de la région de San Antonio, au Texas, dont des burgers, une pizzeria et un restaurant Tex-Mex. Ils ont également recueilli des paires de gants de cuisine dans trois de ces restaurants. Ils les ont tous testés pour détecter les phtalates les plus courants, ainsi que d’autres plastifiants, utilisés depuis peu comme alternatives et supposés plus sûrs que les phtalates.
Résultats : 81% des aliments contenaient du phtalate de dibutyle (DnBP), tandis que 70% contenaient également du phtalate de bis(2-éthylhexyle) (DEHP). Ces deux substances ont été incriminées comme pouvant affecter la fertilité. Environ 89% des aliments contenaient du téréphtalate de bis(2-éthylhexyle) (DEHT), un autre type de plastifiant.
Certaines recherches ont suggéré que le DEHT pourrait être plus « sûr » que les phtalates standard, mais il n’a pas encore été étudié de près, de sorte que toute conclusion sur sa sûreté relative n’est encore que spéculative. Les produits à base de viande, notamment les cheeseburgers et les burritos au poulet, présentaient souvent les niveaux les plus élevés de ces produits chimiques.
« Nous avons constaté que les phtalates et d’autres plastifiants sont largement répandus dans les aliments préparés disponibles dans les chaînes de restauration rapide américaines, ce qui signifie que de nombreux consommateurs reçoivent des produits chimiques potentiellement néfastes avec leur repas », déclare l’auteure principale de l’étude Lariah Edwards, chercheuse postdoctorale à l’Université George Washington, dans un communiqué. « Des réglementations plus strictes sont nécessaires pour aider à garder ces produits chimiques nocifs hors de l’approvisionnement alimentaire ».
Selon les chercheurs, les emballages en plastique utilisés pour stocker ces aliments constituent une probable voie de contamination. Mais les gants utilisés pour préparer les aliments sont aussi pointés du doigt, car d’autres tests effectués par l’équipe ont révélé des niveaux de plastifiants dérivés des phtalates dans les gants en particulier.
Une exposition qui diffère selon le revenu…
Edwards et Zota affirment toutes deux que leur étude suggère la nécessité d’un examen plus approfondi et d’une réglementation des produits chimiques utilisés dans la fabrication des aliments. Elles soulignent que les plastifiants de remplacement sont de plus en plus utilisés comme substituts aux phtalates, interdits ou soumis à des restrictions, mais que les études nécessaires pour démontrer qu’ils sont sûrs n’ont pas encore été réalisées ou ne sont pas concluantes.
L’étude soulève également la question de savoir si certains groupes minoritaires peuvent être affectés de manière disproportionnée par ces produits, notamment en raison d’un revenu insuffisant pour consommer régulièrement de la nourriture saine. « Les quartiers défavorisés disposent souvent d’un grand nombre de fast-foods, mais d’un accès limité à des aliments plus sains comme les fruits et les légumes », a déclaré Zota.
« Des recherches supplémentaires doivent être menées pour savoir si les personnes vivant dans ces déserts alimentaires sont plus exposées à ces produits chimiques nocifs ». Ces études, toujours plus nombreuses et alarmantes, montrent que des efforts systémiques seront nécessaires pour réduire leur présence. En attendant et compte tenu de ces conclusions, limiter la consommation de produits de restauration rapide semble être une première étape logique.