Une équipe de chercheurs chinois a mis au point un prototype de poisson-robot microscopique imprimé en 3D qui pourrait traiter les cellules cancéreuses directement dans le corps humain. Une avancée qui pourrait révolutionner ce type de traitement, puisqu’elle permettrait de détruire les tumeurs de façon beaucoup plus ciblée, augmentant l’efficacité tout en réduisant les effets secondaires.
La chimiothérapie, couramment utilisée aujourd’hui dans le traitement du cancer, représente une charge très lourde pour le corps humain tant ses effets secondaires sont importants. De même, de nombreuses interventions sont aujourd’hui invasives puisqu’elles nécessitent des opérations pour atteindre les zones à traiter. Des scientifiques de l’Université des sciences et technologies de Chine et de l’Institut de nanotechnologie Karlsruhe (Allemagne) sont partis de cette problématique pour proposer une solution innovante.
Ils ont créé différentes formes de « robots » façonnés à l’échelle microscopique, capables d’intervenir de l’intérieur sur le corps humain. Une des expériences les plus concluantes à ce jour porte sur la création d’un « poisson miniature » : celui-ci s’est révélé capable de délivrer des doses de Doxorubicine (DOX), médicament couramment utilisé en chimiothérapie, directement auprès des cellules cancéreuses.
Une avancée qui pourrait révolutionner ce type de traitement, puisqu’elle permettrait de détruire les tumeurs de façon beaucoup plus ciblée, réduisant d’autant les effets secondaires pour le corps humain. Dans l’expérience menée, ce poisson microscopique a été guidé à distance dans un réseau vasculaire artificiel. Il a navigué à travers les vaisseaux sanguins factices, et a « ouvert la bouche » uniquement en présence des cellules cancéreuses, délivrant la dose de médicament transportée.
Des robots imprimés en « 4D »
Pour créer ce livreur miniature, les chercheurs l’ont imprimé en 3D à partir d’un composant capable de changer de propriétés sous certaines conditions. C’est pour cette raison qu’ils parlent de « 4D », puisque le robot a la capacité de se « transformer ».
Les scientifiques expliquent le choix de leur matériau, parmi d’autres, capables de réagir de la même façon, par une forte biocompatibilité, ainsi qu’un coût réduit, une forte capacité de charge et une haute adaptabilité. Ce fameux élément clef dans leurs recherches, c’est un hydrogel, un matériau qui réagit au pH, c’est-à-dire au niveau de l’acidité environnante. En présence d’un pH supérieur ou égal à 9, il se dilate. Si le pH descend (c’est-à-dire si le niveau d’acidité augmente), alors il se rétracte naturellement.
Les chercheurs ont exploité cette caractéristique pour « programmer » naturellement leur robot. Pour ce faire, ils ont tout simplement imprimé une partie du poisson, au niveau de la bouche, avec une densité moindre. Lorsque le poisson est exposé à un pH faible, la rétractation se fait donc de manière inégale, et un trou de deux micromètres se forme dans l’hydrogel. Le médicament peut donc se diffuser.
C’est lorsqu’on observe le pH du corps humain que le procédé prend tout son sens : en effet, les chercheurs expliquent que celui-ci est sensiblement plus faible autour d’une zone de tumeur cancéreuse. Autrement dit, le « poisson » va être amené à ouvrir la bouche pour livrer son médicament uniquement lorsqu’il sera proche des cellules concernées, permettant un ciblage très précis.
Encore faut-il pour cela que ledit poisson ait la capacité de se déplacer. Pour cela, les scientifiques l’ont préalablement trempé dans une solution d’oxyde de fer. Ainsi transformé, le microrobot devient sensible au magnétisme. Il est donc possible de le guider à travers les vaisseaux simplement grâce à une aimantation. Au passage, l’équipe s’est aperçue que le trempage dans la solution abaissait le taux de réactivité au pH : une aubaine, en l’occurrence. Jusqu’ici, l’hydrogel réagissait à un pH inférieur à 9. Or, le corps humain se situe naturellement plutôt à un pH de 7.4. Le passage par la solution d’oxyde de fer a permis d’abaisser la réactivité jusqu’à ce niveau. Le taux d’acidité autour des cellules cancéreuses étant autour de 7, le robot s’est donc retrouvé parfaitement programmé pour viser précisément ces dernières.
Robots poissons, robots crabes, robots papillons…
Selon l’équipe, si leur solution constitue une avancée, c’est surtout parce qu’elle est à la fois contrôlable à distance et capable d’effectuer une action concrète. En effet, de nombreux projets ont été conçus dans le domaine des microrobots, mais jusqu’ici, affirment les scientifiques, ils n’étaient pas capables de combiner ces deux caractéristiques à la fois. Ils ont d’ailleurs travaillé sur d’autres modèles, bien que le robot-poisson constitue leur expérience la plus exploitable pour le moment. Crabes, papillons… Les chercheurs n’ont pas manqué de créativité pour travailler sur les potentialités du changement de forme par dilatation et contraction de l’hydrogel.
Ainsi, ils ont également conçu un crabe dont les pinces, par le même procédé décrit précédemment, sont capables de saisir un élément microscopique et de le déplacer. Sa mise en application concrète dans le corps humain pose un peu plus de problèmes, puisque son fonctionnement est aussi basé sur la variation du pH : or, les variations de pH qui lui sont nécessaires ne correspondent pas forcément aux zones où il serait utile qu’il opère. L’équipe souligne également des améliorations nécessaires à apporter à ses microrobots. Pour le moment, ils ont été testés en laboratoire. Mais pour être introduits dans le corps humain, leur taille devra encore être réduite. Il faudra également imaginer un moyen fiable pour suivre leurs mouvements.
Vidéo explicative du fonctionnement des microrobots :