La planète Mars, rocheuse et située en zone dite « habitable », pourrait être presque parfaite pour accueillir l’espèce humaine. L’immense inconvénient de cette planète est cependant qu’elle ne possède pas de magnétosphère, ce qui l’expose directement aux vents solaires et à leurs particules énergétiques. Par le passé, elle a eu cependant un champ magnétique actif, qui s’est mystérieusement « éteint ». Un groupe de chercheurs, y compris des scientifiques de la NASA, pense que rétablir ce champ magnétique est le seul moyen d’envisager une présence humaine durable sur Mars et passe en revue les différentes manières d’y parvenir.
Du fait qu’elle a été dépossédée de son champ magnétique (contrairement à la Terre), Mars possède une atmosphère très fine ; la pression atmosphérique moyenne y est de 600 Pa, soit environ 170 fois plus faible que celle de la Terre. Or, à cette pression (qui se trouve sous la limite d’Armstrong), sans combinaison pressurisée, les liquides corporels exposés à l’air (la salive, les larmes, l’eau située dans les poumons) se mettraient à bouillir spontanément. Difficile d’imaginer une colonisation dans ces conditions.
« Pour qu’une présence humaine à long terme sur Mars soit établie, il faudrait réfléchir sérieusement à la terraformation de la planète. Une exigence majeure pour une telle terraformation est d’avoir la protection d’un champ magnétique planétaire que Mars n’a pas actuellement », écrivent les chercheurs. Par conséquent, dans un nouvel article qui sera publié dans la revue Acta Astronautica en janvier 2022, ils expliquent les différentes approches qui permettraient de restaurer un champ magnétique sur Mars.
Un projet qui nécessiterait des ressources énergétiques massives
Mars contient beaucoup d’eau gelée sous sa surface et présente pas mal de similitudes avec notre planète ; créer un champ magnétique artificiel est cependant le seul moyen d’en faire réellement une seconde Terre. Le champ magnétique terrestre empêche non seulement les particules de haute énergie d’atteindre la surface de notre planète, mais il empêche également les vents solaires d’emporter peu à peu notre atmosphère — et c’est justement ce qui a fait défaut à Mars. La mission InSight a révélé la présence d’un champ magnétique résiduel, provenant de roches magnétisées enfouies sous la surface. Serait-il possible de réactiver ce champ magnétique aujourd’hui ?
La création d’un champ magnétique nécessiterait évidemment des ressources massives : le strict minimum absolu de puissance nécessaire serait d’environ 1018 joules, soit la quasi-totalité de la consommation d’énergie de tous les humains sur Terre en 2020 ! Le seul moyen d’obtenir cette puissance serait d’utiliser des réacteurs à fission nucléaire, ce qui, selon l’équipe, serait de toute façon nécessaire pour une colonisation permanente.
Étonnamment, les auteurs précisent que la force nécessaire pour dévier le vent solaire de Mars est à peu près la même que celle d’un aimant de réfrigérateur ordinaire. Mais il faudrait le générer sur l’ensemble de la planète, ce qui représente un défi de taille : un champ d’environ 100 nT sur 37 millions de km2. Pour y parvenir, les scientifiques suggèrent par exemple de s’inspirer de notre propre planète, à savoir « redémarrer » la circulation du fer dans le noyau martien, qui par un effet dynamo pourrait générer un champ magnétique. Cette option est cependant la moins réalisable : le noyau de Mars est trop petit (son rayon est d’environ la moitié de celui du noyau terrestre selon les données de la mission Insight) et pas assez chaud.
D’autres approches permettraient de générer un champ magnétique martien ; elles impliquent généralement des solénoïdes, qui seraient disposés sur la surface martienne et/ou en orbite, ou encore un tore de plasma de particules chargées avec un courant artificiel — à l’image des tores d’Io et d’Europe, deux lunes de Jupiter. Cette dernière approche apparaît comme la plus intéressante.
Un nuage toroïdal de plasma grâce à Phobos ?
Comme le souligne l’étude, créer un champ magnétique planétaire nécessite de disposer d’un intense flux de particules chargées, soit à l’intérieur de la planète, soit autour de la planète. Étant donné que la première option est beaucoup moins envisageable en pratique, l’équipe s’est focalisée sur la seconde. Il se trouve que Mars possède deux petits satellites naturels, Phobos et Déimos ; Phobos est le plus grand et le plus proche de sa planète et les chercheurs pensent qu’il pourrait être possible de créer un anneau de particules chargées autour de Mars grâce à lui.
Phobos fait le tour de Mars en huit heures. L’équipe propose d’ioniser les particules de sa surface, puis de les accélérer pour qu’elles créent un tore de plasma le long de son orbite. Selon eux, cela créerait un champ magnétique suffisamment puissant pour protéger la planète et permettre à d’éventuels colons humains de s’y installer.
Il s’agit là d’un plan très ambitieux — mais le simple fait d’envoyer des humains sur Mars est ambitieux. Et de nombreux « détails » techniques restent à résoudre. Néanmoins, les experts estiment nécessaire de songer dès maintenant à ce genre de problématique si l’on envisage de terraformer la planète rouge. « L’intention est ici d’explorer de manière quantifiable les moyens pratiques d’y parvenir si l’humanité choisissait de le faire, et d’estimer les ressources que cela impliquerait », résument-ils.
À noter que le sujet avait d’ores et déjà été évoqué en 2017 par une partie de l’équipe qui a rédigé cette nouvelle étude : il s’agissait à l’époque de positionner un bouclier magnétique au point de Lagrange L1 de Mars pour la protéger des bombardements solaires. Des simulations informatiques montraient qu’en quelques années, un tel bouclier permettrait de restaurer la pression atmosphérique martienne pour qu’elle atteigne la moitié de la pression terrestre.