Mis au point pour la première fois l’année dernière, les xénobots sont de minuscules robots créés à partir de cellules de l’espèce de grenouille Xenopus laevis. En mars 2021, les chercheurs avaient proposé une nouvelle version de leur modèle, capable de se déplacer beaucoup plus rapidement que son prédécesseur. Ainsi, dans les bonnes conditions de laboratoire, les cellules avaient formé de petites structures capables de s’auto-assembler, de se déplacer en groupe et de détecter leur environnement. Les chercheurs à l’origine de ces travaux ont maintenant découvert que les xénobots peuvent également s’autorépliquer : une première chez des organismes multicellulaires !
Pour cette nouvelle étude parue dans la revue PNAS, Josh Bongard (de l’Université du Vermont), Michael Levin (de l’Université Tufts) et leurs collègues, ont commencé par extraire des cellules souches à division rapide d’embryons de grenouilles. L’équipe a remarqué que les amas de cellules individuelles semblaient travailler en essaim, poussant ensemble d’autres cellules libres. Les piles de cellules qui en résultent forment progressivement de nouveaux xénobots.
Une reproduction guidée par le mouvement
Si presque tous les organismes se reproduisent en grandissant puis en donnant naissance à une descendance, certaines molécules se reproduisent également, mais en se déplaçant plutôt qu’en grandissant. À la manière d’un Tétris, elles trouvent et combinent des blocs de construction pour se reproduire. Les chercheurs montrent ici que les amas de cellules, s’ils sont libérés d’un organisme en développement, peuvent de la même manière trouver et combiner des cellules libres en amas, et que cette capacité ne doit pas être spécifiquement évoluée ou introduite par manipulation génétique.
Pour en revenir à l’expérience, des cellules souches pluripotentes — capables de se différencier en tous types cellulaires — ont été prélevées sur le pôle animal d’embryons de Xenopus laevis, dissociées et élevées pendant 24 heures dans une solution saline douce à 14 °C. Lorsque les cellules sont rassemblées en amas, elles forment alors des sphères (recouvertes de cils sur leurs surfaces extérieures) d’environ 3000 cellules, en l’espace de cinq jours.
Une autre expérience a montré que lorsque l’essaim résultant est placé au milieu d’environ 60 000 cellules souches dissociées, leur mouvement collectif pousse certaines cellules ensemble en « piles » qui, si suffisamment grandes (au moins 50 cellules), se développent en progénitures ciliées. Lesquelles, capables de nager, construisent d’autres progénitures si on leur fournit des cellules souches dissociées supplémentaires…
Chaque cycle de réplication crée une progéniture xénobot légèrement plus petite en moyenne. Au final, les descendants qui comprennent moins de 50 cellules perdent leur capacité à nager et à se reproduire.
Des amas de cellules « en forme de C » pour une plus grande efficacité
Pour tenter de créer des générations supplémentaires de xénobots, l’équipe s’est tournée vers l’intelligence artificielle. À l’aide d’un algorithme calqué sur l’évolution, elle a prédit les formes de départ des xénobots susceptibles de générer le plus de descendants. Résultat : les amas de cellules « en forme de C » donneraient naissance au plus grand nombre de générations. Sous cette forme, les xénobots modifiés ont produit jusqu’à quatre générations, soit le double de celles générées par des parents xénobots sphériques. « En manipulant la forme des parents, on peut fabriquer une meilleure ‘pelle’ pour déplacer plus de cellules », explique Josh Bongard au New Scientist.
C’est la première fois que l’on constate que des organismes multicellulaires s’autorépliquent sans croissance de leur propre corps. L’équipe de recherche espère désormais utiliser les xénobots pour étudier comment les premiers organismes sur Terre ont pu se reproduire.