Le premier cas confirmé de COVID-19 dû au variant Omicron est survenu en Afrique du Sud le 9 novembre. Depuis, les infections se propagent rapidement dans le pays, et ce variant particulièrement contagieux gagne peu à peu le reste du monde. Les vaccins dont nous disposons aujourd’hui feront-ils le poids face à cette forme virale dont on sait encore peu de choses ? Les scientifiques sont pessimistes à ce sujet et la plupart des laboratoires travaillent déjà sur une nouvelle formule vaccinale.
Malgré l’émergence du variant Omicron, certains acteurs restent optimistes. Scott Gottlieb, directeur de Pfizer et ancien commissaire de la Food and Drug Administration des États-Unis, a récemment déclaré à CNBC que trois doses de vaccin conféreraient une « assez bonne protection » contre ce variant. De même, des experts médicaux américains ont affirmé que les vaccins continueront d’offrir un certain degré de protection contre les formes graves de la maladie. Mais d’autres spécialistes ne sont pas aussi catégoriques.
« Tous les scientifiques à qui j’ai parlé disent que ‘ça ne va pas être bon’ », a déclaré Stéphane Bancel, le PDG de Moderna, dans une interview accordée au Financial Times ce mardi. Le nombre élevé de mutations portées par ce variant au niveau de la protéine de pointe (plus d’une trentaine), de même que sa propagation rapide en Afrique australe, suggèrent en effet que les doses vaccinales actuellement disponibles pourraient être moins efficaces. Le dirigeant évoque « une baisse importante » d’efficacité. Plusieurs pays ont d’ores et déjà accéléré leur programme de vaccination et mis en place de nouvelles restrictions.
Plus de 30 mutations sur la protéine de pointe
À quel point peut-on compter sur les vaccins actuels ? Cet été, Moderna affirmait que les personnes ayant reçu deux doses de son vaccin avaient conservé des anticorps pendant six mois, y compris contre des variants préoccupants comme le variant Delta. Une étude de l’Université de Stanford menée auprès de la population carcérale d’une prison californienne (dans laquelle circulait le variant Delta) a révélé que le vaccin de Moderna était efficace à 56,6% contre l’infection et à 84,2% contre l’infection symptomatique. « Bien que l’efficacité contre l’infection soit nettement inférieure à celle estimée dans les études menées avant l’émergence du variant delta, la protection contre les maladies symptomatiques est restée robuste », soulignent les chercheurs.
Une étude concernant le vaccin Pfizer rapporte que son efficacité contre les infections à variant Delta était de 93% un mois après la deuxième dose et tombait à 53% quatre mois plus tard. Une baisse que le Dr Luis Jodar, médecin-chef chez Pfizer, attribue à un affaiblissement des défenses immunitaires et non à la spécificité du Delta ou d’autres variants échappant à la protection vaccinale. L’efficacité du vaccin contre les hospitalisations liées au Delta est restée élevée — 93% pendant six mois, ont déclaré les chercheurs.
Mais il pourrait falloir des semaines pour savoir à quel point le variant Omicron peut être infectieux et résistant aux vaccins. En attendant, l’incertitude demeure, et Moderna, ainsi que Pfizer et l’Institut de recherche russe qui a mis au point le Spoutnik V, ont tous annoncé qu’ils travaillaient déjà sur un vaccin spécifique à Omicron. Les scientifiques se disent particulièrement inquiets, car 32 des 50 mutations du variant Omicron se situent au niveau de la protéine de pointe, qui est la cible des vaccins actuels pour renforcer le système immunitaire. Or, la plupart des experts pensaient qu’une variante avec tant de mutations n’émergerait pas avant un an ou deux, a précisé Bancel.
À ce jour, le variant Omicron est présent dans plus d’une douzaine de pays ; aucun décès lié à cette forme virale n’a encore été signalé. Mais l’Organisation mondiale de la santé, qui a classé Omicron en tant que « variant préoccupant », craint que les systèmes de santé ne soient à nouveau rapidement submergés. « Les premiers éléments semblent indiquer qu’il présente un risque accru de réinfection par rapport à d’autres variants préoccupants », a déclaré l’organisation. Dans ce contexte, le patron de Moderna estime nécessaire d’administrer des doses de rappel « plus puissantes » aux personnes âgées et à aux personnes immunodéprimées.
Des infections en augmentation, mais a priori bénignes
Le variant Omicron met évidemment en péril l’économie mondiale, qui commençait à peine à se remettre de la pandémie. Dans plusieurs pays, les acteurs du tourisme et de la restauration, déjà durement impactés, font face à une vague d’annulations pour la période des fêtes et les vacances hivernales — la population craignant de nouvelles restrictions (mise en quarantaine), voire un confinement généralisé.
Les JO de Pékin, qui doivent se dérouler au mois de février, sont une autre préoccupation : des milliers d’athlètes, d’encadrants et de médias provenant du monde entier seront tout autant de risques de faire pénétrer cette nouvelle souche en Chine et de la propager à d’autres pays. Le gouvernement reste cependant confiant : « Je pense que cela entraînera certainement des défis liés à la prévention et au contrôle. Mais la Chine a beaucoup d’expérience dans la réponse à la COVID-19. Je crois fermement que les Jeux olympiques d’hiver se dérouleront sans heurts », a déclaré Zhao Lijian, porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
Outre-Atlantique, les dirigeants sont tout aussi optimistes : Joe Biden lui-même a déclaré que le variant Omicron doit être « une cause d’inquiétude, pas une cause de panique ». En Europe, les gouvernements doivent faire face à une augmentation rapide du nombre de cas : plus de 49 600 nouveaux cas confirmés en France ces dernières 24 heures ; le taux d’incidence est actuellement de 310 pour 100 000 habitants. Un premier cas de variant Omicron a été identifié aujourd’hui, en Seine-et-Marne (il s’agit d’un homme qui rentrait d’un voyage au Nigeria).
Fort heureusement, les premières observations suggèrent que ce nouveau variant ne provoque que des formes « légères » de COVID-19. Les médecins sud-africains ont signalé la semaine dernière que la plupart des cas auxquels ils avaient été confrontés sont bénins. « 85% des cas ne présentaient aucun symptôme », a assuré un haut responsable du Botswana auprès de l’OMS. Selon Stéphane Bancel, les premières données concernant l’efficacité des vaccins devraient être disponibles dans les deux semaines. En attendant, ce variant Omicron montre à quel point le monde est encore fragile, encore deux ans après l’apparition les premiers cas de COVID-19.