Les marées noires sont un véritable fléau du monde moderne, et leur prévention ne suffit plus. Pour lutter contre ces désastres écologiques induits par l’Homme, de nombreuses solutions sont à l’essai, et récemment, des chercheurs de l’Université de Californie à Riverside (UCR) ont misé sur la robotique molle. Ils ont conçu un film robotique flottant qui pourrait nettoyer les marées noires de façon autonome. Il serait même adaptable pour effectuer soit un nettoyage direct soit une filtration des différents contaminants.
Et les chercheurs semblent avoir pensé à tout pour rendre leur concept le plus viable possible : il ne nécessiterait aucune alimentation électrique externe, puisque sa source d’énergie ne serait autre que la lumière du soleil, combinée ce qu’il y aura de plus abondant dans son environnement de fonctionnement, l’eau.
« Notre motivation était de rendre les robots mous durables et capables de s’adapter par eux-mêmes aux changements de l’environnement. Si la lumière du soleil est utilisée pour l’alimentation, cette machine est durable et ne nécessitera pas de sources d’énergie supplémentaires », a déclaré dans un communiqué Zhiwei Li, chimiste à l’UCR. « Le film est également réutilisable ».
Un robot mou inspiré des gerridés
Les « robots mous », qui suscitent un intérêt grandissant ces dernières décennies, sont construits en matériaux ou structures souples, élastiques ou déformables. Ils permettent ainsi une certaine adaptabilité autonome à leurs environnements et une diminution considérables des coûts pour certaines applications.
Le robot est baptisé Neusbot, d’après le terme neuston, qui désigne les animaux tels que les gerridés (water striders). Ces insectes traversent la surface des lacs et des cours d’eau avec un mouvement de pulsation. Les chercheurs se sont donc inspirés de cette capacité pour concevoir le Neusbot, qui peut se déplacer efficacement sur n’importe quel plan d’eau. Les détails sont déjà disponibles dans la revue Science Robotics, dans un rapport d’étude qui était dirigée par Li et Yadong Yin, professeur de chimie à l’UCR. Tous deux sont spécialisés dans la fabrication de robots à partir de nanomatériaux.
Par le passé, d’autres équipes de recherche ont conçu des films robotiques similaires, qui se plient en réponse à la lumière, mais ils n’ont pas réussi à leur conférer l’oscillation mécanique réglable dont est doté Neusbot. Pourtant, ce type de mouvement est essentiel pour contrôler le robot efficacement, expliquent les chercheurs.
« Alimenté par l’eau et à distance par la lumière, cet oscillateur hydrogel unique permet de contrôler facilement la dynamique et les modes d’oscillation, offrant une approche efficace des robots mous auto-adaptatifs et des moteurs à vapeur solaires », écrivent les chercheurs dans leur document. « Il n’existe pas beaucoup de méthodes permettant d’obtenir ce mouvement contrôlable à l’aide de la lumière. Nous avons résolu le problème avec un film à trois couches qui se comporte comme une machine à vapeur », explique Li.
Une petite machine à vapeur fonctionnant avec des nanotiges
Pour résoudre la problématique du mouvement avec des éléments aussi basiques que l’eau et la lumière du soleil, combinés à une structure souple, les chercheurs ont rapidement eu une idée en se rappelant l’origine des trains actuels… Qu’est-ce qui alimentait le mouvement des premières locomotives ? De la vapeur d’eau bouillante… Vous l’aurez compris, c’est un principe similaire qui permet au Neusbot de se mouvoir, mais avec la lumière du soleil comme source d’énergie (chaleur).
La couche intermédiaire du film, poreuse, contient un hydrogel ainsi que des nanotiges d’oxyde de fer et de cuivre. Les nanotiges convertissent l’énergie lumineuse en chaleur, vaporisant l’eau et produisant un mouvement pulsé à la surface de l’eau. Une perturbation contrôlable de l’équilibre thermomécanique de l’oscillateur peut ainsi être obtenue, conduisant à une oscillation continue ou pulsée en fonction de l’intensité lumineuse.
La couche inférieure de Neusbot est hydrophobe, de sorte que même si une vague océanique venait à bout du film, celui-ci remonterait à la surface. En outre, les nanomatériaux peuvent résister sans dommage à de fortes concentrations de sel. « Je suis confiant quant à leur stabilité dans des situations de forte salinité », a déclaré Li.
Les chercheurs ont pu contrôler la direction de Neusbot en modifiant l’angle de sa source lumineuse. Alimenté uniquement par le soleil, le robot se contentait d’avancer. Avec une source de lumière supplémentaire cependant, il est possible de contrôler la direction de Neusbot afin d’effectuer un nettoyage plus ciblé.
La version actuelle du robot inspiré des gerridés ne comporte que trois couches. L’équipe de recherche veut maintenant tester de futures versions dotées d’une quatrième couche qui pourrait absorber le pétrole, ainsi qu’une autre qui absorberait d’autres produits chimiques. « Normalement, les gens envoient des bateaux sur les lieux d’une marée noire pour nettoyer à la main. Neusbot pourrait faire ce travail comme un aspirateur robot, mais à la surface de l’eau », déclare Li.
Les scientifiques aimeraient également essayer de contrôler plus précisément le mode d’oscillation du robot et lui conférer la capacité d’effectuer des mouvements encore plus complexes. « Nous voulons démontrer que ces robots peuvent faire beaucoup plus de choses que les versions précédentes », conclut Li.