La conception d’avions à hydrogène est un domaine de recherche et développement d’intérêt pour les gouvernements du monde entier, et les raisons sont simples : des vols moins coûteux, dans l’idéal neutres en carbone et couvrant de plus longues distances — par rapport aux avions standard. Un avion de ligne à hydrogène permettrait par exemple de rejoindre des destinations lointaines (par exemple États-Unis—Australie) sans nécessiter d’escale. Dans le cadre du projet britannique FlyZero, des ingénieurs proposent un tel concept d’avion commercial à hydrogène et promettent ainsi des voyages longue distance sans émission de carbone dès 2030.
Le projet FlyZero, dirigé par l’Aerospace Technology Institute (ATI) et financé par le gouvernement britannique, a pour objectif — avancé initialement par le gouvernement — de permettre des voyages aériens commerciaux neutres en carbone. Une équipe d’experts britanniques mène pour cela des études détaillées et globales concernant les défis de conception, des exigences de fabrication et opérationnelles, ainsi que concernant les opportunités commerciales. C’est grâce à ces efforts que le premier concept, à l’aspect « joufflu », a pu être dévoilé lundi par l’équipe du projet.
Le premier prototype d’avion à hydrogène a été conçu par Boeing et testé pour la première fois en 2008, mais le vol de leur petit avion monomoteur n’avait duré qu’une vingtaine de minutes. D’ailleurs, en mentionnant son prototype, Boeing admettait récemment que les piles à combustible ne peuvent certainement pas fournir l’énergie primaire nécessaire pour de grands avions de transport de passagers.
Des réacteurs alimentés directement au dihydrogène
Ce nouveau concept de FlyZero, qui contrairement au petit avion de Boeing fonctionne par alimentation directe des réacteurs par le dihydrogène (au lieu de passer par une pile à combustible et des moteurs électriques), sera quant à lui un véritable avion commercial, prévu pour transporter jusqu’à 279 passagers sur de longues distances. Les premiers vols d’essai devraient avoir lieu en 2030.
« Les recherches pionnières de l’Aerospace Technology Institute mettent en évidence le potentiel de l’hydrogène pour réaliser une connectivité mondiale sans carbone. Cette technologie verte révolutionnaire est appelée à jouer un rôle essentiel dans la décarbonisation des vols et, grâce au travail du Jet Zero Council, le secteur de l’aviation britannique explore toutes les possibilités pour s’assurer que nous protégeons les avantages de l’aviation pour les générations futures, tout en réduisant le coût du carbone », a déclaré dans un communiqué Emma Gilthorpe, PDG de Jet Zero, un partenariat entre l’industrie et le gouvernement visant à réunir les ministres et les parties prenantes dans le but de mettre en place des vols transatlantiques sans émissions.
Dans un avion à hydrogène, le carburant peut être stocké de deux façons : sous forme de gaz comprimé ou de liquide maintenu à une température cryogénique (−253 °C). Le concept de FlyZero transporterait de l’hydrogène liquide. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, bien qu’il ne dégage pas de CO2 lors de sa combustion, le dihydrogène produit beaucoup plus d’énergie que le kérosène et serait de ce fait plus intéressant pour l’aviation, pour autant que la technologie permette de l’exploiter efficacement et en toute sécurité. Et ces deux points représentent justement deux des défis majeurs pour la conception d’un avion commercial à hydrogène fiable.
L’avantage est donc non seulement climatique, mais aussi économique, et pas seulement en raison du rendement accru qu’une telle technologie promet. Sous sa forme liquide, l’hydrogène ne nécessite qu’environ un tiers du poids de kérosène pour un même trajet en avion, ce qui permettrait d’augmenter le rayon d’action et de réduire les escales, diminuant les coûts.
Des joues de hamster pour un équilibre parfait…
Pourquoi cet aspect joufflu au fait ? Ces petites « joues de hamster » (en réalité très ingénieuses) à l’avant de l’avion sont prévues pour stocker une partie de l’hydrogène liquide tout en permettant de répartir le poids du carburant (dans les avions de ligne traditionnels, le carburant est stocké dans les ailes). Ainsi, il est possible de maintenir l’équilibre de l’avion au fur et à mesure que les réservoirs se vident tout en éliminant le besoin de structures aérodynamiques supplémentaires. Chaque avion serait équipé de deux grands réservoirs à l’arrière (en plus de ceux susmentionnés).
Selon l’équipe du projet, il s’agit d’une opportunité en or pour les consommateurs et les gouvernements de réduire l’empreinte carbone des voyages aériens, tout en créant de nouveaux emplois. « À l’heure où le monde entier se concentre sur la lutte contre le changement climatique, notre concept de taille moyenne présente une vision véritablement révolutionnaire de l’avenir du transport aérien mondial, permettant aux familles, aux entreprises et aux nations de rester connectées sans empreinte carbone », déclare Chris Gear, directeur du projet FlyZero. « Cette nouvelle ère pour l’aviation offre au secteur aérospatial britannique de réelles possibilités de s’assurer des parts de marché, des emplois hautement qualifiés et des investissements étrangers, tout en contribuant à respecter les engagements du Royaume-Uni en matière de lutte contre le changement climatique ».
Malgré ses promesses, le projet n’a pas tardé à être critiqué, notamment pour son manque de concordance avec la neutralité en carbone des étapes nécessaires à l’extraction de l’hydrogène. En effet, encore à ce jour, environ 50% de l’hydrogène mondial est produit par vaporeformage du gaz naturel, un procédé tout sauf neutre en carbone. Cependant, des méthodes d’extraction plus propres sont à l’étude, dont le réacteur modulaire de NuScale, qui atteint déjà aujourd’hui un volume de production de 2000 kg d’hydrogène par heure. Ce qui inquiète aussi, c’est la nécessité de stocker l’hydrogène à des températures cryogéniques, sans compter sa haute inflammabilité et son niveau d’explosibilité plus élevé que celui du kérosène.
D’autres projets similaires à l’horizon
Que font les grands constructeurs de leur côté ? Airbus avait annoncé en 2020 le lancement d’un programme de développement pour un avion commercial à hydrogène d’ici 2028, avec comme objectif la mise à l’essai du premier prototype retenu (sur trois modèles à l’étude) en 2035.
ZeroAvia, un constructeur innovant qui promeut les vols à zéro émission carbone et qui se concentre de ce fait spécifiquement sur des modèles à hydrogène, compte effectuer ses premiers vols commerciaux en 2024. La première ligne aérienne de ce projet très ambitieux devrait relier le Royaume-Uni et les Pays-Bas. « Qu’il s’agisse de voyages régionaux de 20 places ou de vols long-courriers de plus de 100 places, ZeroAvia permet une aviation durable et évolutive en remplaçant les moteurs conventionnels par des groupes motopropulseurs hydrogène-électrique », peut-on lire sur le site de l’entreprise. Une approche technique différente de celle adoptée par FlyZero, qui leur permet notamment d’éviter de devoir stocker l’hydrogène à des températures cryogéniques. L’entreprise a l’ambition de proposer les premiers vols de plus de 200 passagers en 2035.