Il y a quelques semaines à peine, nous vous annoncions que l’engin le plus rapide de l’humanité, la sonde solaire Parker de la NASA, avait établi deux nouveaux records — à savoir celui de vitesse et de proximité avec notre étoile, en se battant elle-même à son propre jeu. Et les exploits ne s’arrêtent pas là… Lors d’une conférence de presse tenue mardi à l’occasion de la réunion d’automne de l’American Geophysical Union (AGU), les responsables du projet ont annoncé une première mondiale encore plus enthousiasmante pour les chercheurs : le 28 avril 2021, la sonde est entrée dans la couronne solaire, en faisant le premier objet humain s’aventurant dans cette zone.
Si vous étiez à bord de la sonde à ce moment-là, votre vie aurait été si écourtée que vous n’auriez probablement même pas eu le temps de vous en rendre compte… En effet, en se rendant aussi près du Soleil (pendant plusieurs heures), le petit vaisseau de la NASA a fait face à un environnement hostile où il y règne des températures extrêmes de plus d’un million de degrés Celsius.
Selon des études antérieures, ce chauffage intense de la couronne solaire serait le résultat des ondes d’Alfvén, un type d’ondes électromagnétiques émises par le Soleil. C’est à cette limite que les scientifiques parlent de « point d’Alfvén », soit le moment où les vents solaires dépassent une vitesse critique et peuvent se libérer de la couronne et des champs magnétiques de l’étoile. Avant le 28 avril, les chercheurs s’étaient notamment rendu compte que la sonde avait littéralement frôlé ce point, avant d’entrer dans l’atmosphère à trois reprises.
Pour ce qui est de définir la couronne solaire dans son ensemble : il s’agit de la couche la plus externe de l’atmosphère du Soleil, s’étendant sur environ dix millions de kilomètres au-dessus de sa surface (que l’on appelle la photosphère). Elle est principalement constituée de gaz, sans oublier les champs magnétiques puissants qui lient le plasma et empêchent les vents solaires turbulents de s’échapper. D’ailleurs, selon les scientifiques du projet, ce plasma constitue un véritable laboratoire qui pourrait nous renseigner sur les processus qui se déroulent dans presque tous les objets astronomiques du cosmos.
Une entrée dans la couronne confirmée grâce au Solar Probe Cup
À l’heure actuelle cependant, nous ne savons pas ce qui s’est passé lors de cette approche. Une communication complète ne pourra avoir lieu que lorsque la sonde sera suffisamment éloignée du Soleil pour pouvoir pointer son antenne vers la Terre. Le transfert de données est prévu pour fin décembre.
Les détails de cet accomplissement, rendu possible grâce à une collaboration scientifique d’envergure, ont été publiés dans la revue Physical Review Letters. Les chercheurs ont pu confirmer l’entrée dans la couronne solaire de la sonde Parker (PSP) en analysant les données recueillies à l’aide de la Solar Probe Cup, une coupelle métallique ultrarésistante — conçue par le Center for Astrophysics, Harvard & Smithsonian (CfA) — qui mesure certaines propriétés des particules issues de l’atmosphère du Soleil.
Selon l’astrophysicien du CfA Anthony Case, responsable scientifique de l’instrument Solar Probe Cup, l’instrument lui-même est un incroyable exploit d’ingénierie. Ces mots ne sont aucunement exagérés, et pour le comprendre, il faut déjà savoir que contrairement à quasiment tout le reste de la sonde, la coupelle n’est pas protégée par un bouclier thermique. L’instrument est dépourvu de toute protection, et c’est donc tout en supportant des températures extrêmes — plus de 1000 °C par endroits — qu’elle effectue des mesures précises. Pour éviter toute dégradation, cette coupelle et le reste de l’engin sont construits avec des matériaux qui ont un point de fusion élevé, comme le tungstène, le niobium, le molybdène et le saphir.
« L’objectif de toute cette mission est d’apprendre comment le Soleil fonctionne. Nous pouvons y parvenir en nous rendant dans l’atmosphère solaire », explique dans un communiqué Michael Stevens, astrophysicien au CfA, qui participe à la surveillance et l’analyse des données issues de la Solar Probe Cup. « La seule façon d’y parvenir est que le vaisseau spatial traverse la limite extérieure, que les scientifiques appellent le point d’Alfvén. Donc, une partie fondamentale de cette mission est de pouvoir mesurer si nous avons franchi ou non ce point critique ».
« Si vous regardez des photos du Soleil en gros plan, vous verrez parfois ces boucles ou ces poils brillants qui semblent se détacher du Soleil, mais qui se reconnectent ensuite », explique Stevens. « C’est la région dans laquelle nous avons volé – une zone où le plasma, l’atmosphère et le vent sont magnétiquement liés et interagissent avec le Soleil ».
Des mystères qui n’attendent qu’à être résolus…
« Nous ne savons pas vraiment pourquoi l’atmosphère extérieure du Soleil est tellement plus chaude que le Soleil lui-même », ajoute Stevens. « Le Soleil a une température de 5500 degrés Celsius, mais son atmosphère a une température d’environ 2 millions de degrés. […] Nous savons que l’énergie provient du barattage des champs magnétiques qui bouillonnent à la surface du soleil, mais nous ne savons pas comment l’atmosphère absorbe cette énergie ».
Autant de mystères concernant notre étoile que la sonde Parker devrait aider à résoudre dans les années à venir. D’autant plus que certains phénomènes étudiés, tels que les éruptions et les vents solaires à grande vitesse, peuvent avoir un impact direct sur notre planète en perturbant les réseaux électriques et les communications. La PSP nous aidera à mieux comprendre tous ces phénomènes en recueillant des données précieuses que les scientifiques pourront analyser. « Le succès de la sonde Parker représente bien plus qu’une innovation technologique. Il existe de nombreux mystères concernant l’étoile la plus proche de la Terre que les scientifiques espèrent que la sonde pourra aider à résoudre », peut-on lire dans le communiqué.
Qu’en est-il des caractéristiques de l’atmosphère solaire relevées par la sonde ? Comme le spécifie le document de recherche, le temps que la PSP a passé sous le point d’Alfvén était trop court pour caractériser entièrement l’atmosphère magnétique et explorer la région intérieure. Selon les chercheurs, une telle caractérisation complète nécessitera plusieurs entrées supplémentaires avec différentes configurations magnétiques et conditions solaires.