Après avoir épuisé tout son combustible, une étoile massive en fin de vie explose en supernova. Ces phénomènes, parmi les plus chaotiques et violents de l’Univers, sont loin de passer inaperçus. Pour la première fois, des astronomes ont observé la mort d’une supergéante rouge — un type d’étoile très massive — pendant sa phase préliminaire, à savoir avant son explosion en supernova.
Le type de supernova le plus courant est la supernova à effondrement de cœur, qui se produit lorsqu’une étoile massive n’a plus de combustible à brûler et s’effondre : elle ne peut alors plus maintenir l’équilibre entre les forces de gravité et les réactions nucléaires. L’effondrement est suivi d’une explosion géante et très lumineuse, qui envoie des ondes de choc dans l’espace et laisse généralement des traces.
Il n’est pas rare pour les astronomes d’observer les conséquences post-explosion pendant des mois. En revanche, assister au préambule de ces phénomènes est bien plus exceptionnel, les supernovas n’étant pas des événements fréquents à l’échelle d’une galaxie. « La détection directe de l’activité pré-supernova dans une étoile supergéante rouge n’a jamais été observée auparavant dans une supernova ordinaire de type II », s’entousiasme Wynn Jacobson-Galán, astronome à Berkeley et auteur principal de l’étude. « Pour la première fois, nous avons vu une étoile supergéante rouge exploser ! ».
À l’aide de deux télescopes d’Hawaii (l’Institut d’astronomie Pan-STARRS de l’Université d’Hawaii et l’Observatoire W. M. Keck à Maunakea), l’équipe de chercheurs a observé la supergéante rouge pendant les 130 derniers jours précédant sa détonation mortelle. Ceci dans le cadre du Young Supernova Experiment, un projet en cours qui vise à repérer les explosions stellaires dans le ciel nocturne à leur stade le plus précoce.
Une activité violente de certaines étoiles massives avant leur mort
La « supernova (SN) 2020tlf » est le résultat de la mort de la supergéante rouge, d’environ 10 masses solaires, et située à quelque 120 millions d’années-lumière de la Terre, dans la galaxie NGC 5731. Jusqu’à présent, les scientifiques estimaient que les supergéantes rouges restaient calmes avant leur explosion ou leur effondrement — contrairement à d’autres étoiles qui expulsent des couches de gaz brûlant. Pourtant, cette nouvelle observation montre qu’il n’y a pas toujours de « calme avant la tempête » en termes d’explosions de supernovas.
« Il s’agit d’une percée dans notre compréhension de ce que font les étoiles massives quelques instants avant leur mort », déclare Jacobson-Galán. De plus, les données recueillies fournissent des preuves directes de la présence d’un matériau dense entourant l’étoile durant l’explosion, et les chercheurs pensent qu’il s’agit du même gaz qu’ils avaient repéré plusieurs mois auparavant, éjecté de la supergéante rouge.
Sur la base des observations, il est donc probable qu’au moins certaines supergéantes rouges subissent des changements internes importants avant de se transformer en supernovas (peut-être des instabilités liées aux étapes finales de la combustion), créant les éruptions violentes et la luminosité observées. « C’est comme regarder une bombe à retardement », déclare l’astrophysicienne Raffaella Margutti, également de l’UC Berkeley.
« Nous n’avions jamais confirmé une activité aussi violente dans une étoile supergéante rouge mourante jusqu’à présent, où nous la voyons produire une émission si lumineuse, puis s’effondrer et brûler », poursuit-elle. C’est d’ailleurs le niveau élevé de lumière rayonnée qui a attiré l’attention des astronomes sur cette étoile particulière. La supernova a également été surveillée pendant 300 jours après l’explosion, ce qui a permis d’obtenir encore plus de données.
Grâce aux nouvelles informations dont les chercheurs disposent, il devrait désormais être plus facile de repérer les supernovas avant qu’elles ne se produisent, comme le déclare Jacobson-Galán : « Détecter davantage d’événements comme SN 2020tlf aura un impact considérable sur la façon dont nous définissons les derniers mois de l’évolution stellaire, unissant les observateurs et les théoriciens dans la résolution du mystère de la fin de vie des étoiles massives ».