L’argent fait-il vraiment le bonheur ? C’est en tout cas ce que montre une étude de l’Université de Pennsylvanie à Philadelphie. Et contrairement à ce qui avait été conclu précédemment, il n’y aurait pas de plateau de revenus au-dessus duquel l’argent ne contribue plus à nous rendre heureux. Mais ce sentiment serait tout de même corrélé à l’importance accordée à l’argent, tous revenus confondus.
La question du lien entre argent et bonheur est l’une des plus importantes en sciences sociales du bien-être humain. Ainsi, beaucoup d’études se sont déjà penchées sur le sujet, mais avec des biais significatifs d’après Matthew A. Killingsworth, unique auteur de la nouvelle étude. Par exemple, la majorité des études avaient uniquement mesuré le bien-être évaluatif, à savoir la satisfaction globale de la vie. Ces précédentes études montrent que les personnes ayant des revenus plus élevés ont tendance à déclarer un plus grand bien-être évaluatif.
En revanche, seule une poignée d’études ont examiné la relation entre le revenu et le bien-être ressenti à un instant précis, mesuré à l’aide de la question : « Comment vous sentez-vous actuellement ? ». En 2018, une étude suggérait alors qu’au-delà de 75 000 dollars par an, l’argent ne contribuerait plus au bien-être ressenti, et le bien-être évaluatif atteignait un plateau à des niveaux de revenus encore plus élevés.
Une évaluation du bien-être plus précise
Mais d’après l’auteur, le bien-être ressenti n’a pas été évalué de la bonne manière. Autant le bien-être évaluatif peut facilement être rapporté à l’aide d’enquêtes ordinaires, autant le bien-être ressenti doit être mesuré en temps réel. Jusqu’à présent, les chercheurs avaient demandé aux personnes évaluées de se rappeler de ce qu’ils ont ressenti le dernier jour, la dernière semaine ou le dernier mois… Une approche plus vulnérable aux erreurs de mémoire et aux biais de jugement.
De plus, les précédentes mesures étaient dichotomiques (Oui ou Non) pour le bien-être ressenti, là où la présente étude inclut une échelle de réponses continue (de « Très mauvais » à « Très bon »). Cette dernière s’est basée sur plus de 30 000 Américains adultes, par le biais d’une application qui a collecté des données sur leur bien-être à l’instant présent, puis sur la satisfaction globale de leur vie. Ces données ont ensuite été mises en parallèle des revenus perçus. « Ce processus a fourni des instantanés répétés de la vie des gens, ce qui nous donne collectivement un film en stop motion de leur vie », déclare dans un communiqué Matthew Killingsworth.
Des revenus plus élevés seraient associés à un plus grand bien-être ressenti et évaluatif. Aucun seuil limite de revenus n’a été observé par l’auteur pour les deux types de bien-être, et la pente de la relation était presque identique pour les tranches de revenus supérieures et inférieures à 80 000 dollars. « Il n’y a pas non plus de seuil de revenu à partir duquel le bien-être ressenti et le bien-être évalué divergent ; au contraire, des revenus plus élevés sont associés au fait de se sentir mieux d’un moment à l’autre et d’être plus satisfait de la vie en général », rapporte-t-il.
Argent et bonheur : un lien complexe ?
Comment expliquer ce surprenant résultat ? En fait, le lien entre l’argent et le bonheur pourrait être lié au sentiment de contrôle et d’autonomie dans sa vie (exprimé à 74% par les participants), plus important avec des revenus plus élevés.
Ces résultats sont toutefois à modérer avec l’état d’esprit d’une personne par rapport à l’importance qu’elle accorde à l’argent. En effet, la relation entre le revenu et le bien-être au quotidien était plus forte chez ceux dont l’importance de l’argent était supérieure à la moyenne que chez ceux dont l’importance de l’argent était inférieure à la moyenne, peu importe le niveau de revenus. « Les personnes à faible revenu étaient plus heureuses si elles pensaient que l’argent n’était pas important, et les personnes à revenu élevé étaient plus heureuses si elles pensaient que l’argent était important », écrit l’auteur.
En attente d’un consensus sur le sujet, Killingsworth affirme que les facteurs liant le bien-être au revenu sont probablement nombreux, complexes et interdépendants. Par exemple, les gens qui assimilaient l’argent avec le succès étaient globalement moins heureux que ceux qui ne le faisaient pas. Au final, s’il est possible qu’il y ait un seuil de revenus au-delà duquel l’argent perd son pouvoir d’amélioration du bien-être, les résultats suggèrent que ce seuil pourrait se situer plus haut qu’on ne le pensait auparavant.