Que ce soit pour réviser un examen, se souvenir d’un moment passé ou saisir son code de carte bancaire, la mémoire est sollicitée en permanence dans notre vie quotidienne. Voici quelques astuces pour améliorer simplement sa capacité de mémorisation, à court et long terme.
Il est nécessaire de comprendre en premier lieu ce qu’est la mémoire et quels sont les différents types. Au nombre de cinq, ces systèmes de mémoire collaborent pour remplir les fonctions de la mémoire, à savoir enregistrer les informations nouvelles (l’encodage), les conserver (le stockage) et les récupérer (la récupération), selon l’Observatoire B2V des Mémoires.
La mémoire procédurale concerne l’apprentissage et le stockage des savoir-faire, devenus des automatismes. Par exemple, faire du vélo ou pratiquer un instrument de musique font partie de ce type de mémoire à long terme. La mémoire perceptive (ou sensorielle) permet de mémoriser les odeurs, les goûts, les formes, les sons. La mémoire sémantique concerne les connaissances accumulées sur le monde et sur soi. La mémoire de travail est utilisée à court terme pour calculer, répondre à une question ou résoudre un problème. Enfin, la mémoire épisodique garde les évènements marquants de notre vie (sur le long terme) et nous permet de nous projeter dans le futur.
La « méthode des lieux » (ou « méthode des loci » ou encore « palais de la mémoire ») est la première astuce connue de l’histoire dans l’aide à la mémorisation. Elle a eu un énorme succès de l’Antiquité jusqu’à la Renaissance et est toujours citée dans les livres de mnémotechnie. La méthode consiste à se représenter mentalement les éléments que l’on doit apprendre, et à les placer chacun dans un lieu précis. Pour se souvenir de l’ordre des éléments, il suffit alors de se construire un itinéraire qui passe par ces lieux.
Adopter une bonne hygiène de vie
De nombreuses méthodes existent pour améliorer sa capacité de mémorisation, avec des études scientifiques à l’appui. De manière générale, une bonne hygiène de vie joue un rôle important dans le stockage des informations : dormir suffisamment, faire de l’exercice physique, éviter l’apport excessif en sucres et en graisses saturées (viande, beurre, produits laitiers).
Dans une population d’adultes âgés, il a ainsi été montré que la marche était associée à une augmentation de la taille de l’hippocampe, la partie du cerveau en charge de la mémoire. Les résultats restaient significatifs pour les activités de marche de faible intensité, indépendamment des activités d’intensité modérée à élevée. La marche peut donc aider à « muscler » le cerveau ! Évidemment, il en va de même pour le sport en général, qui permet d’augmenter le flux sanguin dans le cerveau et stimuler la production de noradrénaline (qui joue notamment un rôle dans le processus d’attention).
Concernant l’alimentation, les graisses saturées et les produits sucrés (dont les sodas) seraient néfastes pour les performances intellectuelles. Une étude a montré que l’apport quotidien en graisses n’avait pas de lien avec les performances intellectuelles, mais que plus les apports en graisses saturées étaient élevés, moins la mémoire était efficace dans la durée. À noter que l’étude s’est penchée exclusivement sur des femmes d’au moins 65 ans (6000, pendant presque dix ans).
En 2016, une autre étude sur des rats a montré des résultats similaires pour l’apport excessif en sucres : « L’ensemble des résultats indique que le sucre liquide peut rapidement élever les marqueurs d’inflammation centrale et périphérique [dans les zones du cerveau cruciales pour la mémoire], en association avec l’hyperglycémie, ce qui pourrait être lié aux déficits de mémoire chez les rats », écrivent les chercheurs.
Jouer, se représenter, dessiner… il y en a pour tous les goûts !
Concrètement, quelles techniques mettre en œuvre pour optimiser sa mémoire ? « Le jeu et l’action », répond Mathieu Hainselin, neuropsychologue et maître de conférences en psychologie à Amiens. Par exemple, « il est plus facile de retenir une recette si nous la réalisons nous-même plutôt que de la lire. L’action met en jeu les circuits cérébraux du mouvement et de la planification, ce qui demande un engagement personnel », explique-t-il. En somme, cette façon de procéder inclut les mémoires procédurale et perceptive, ce qui reste un mode d’apprentissage particulièrement efficace.
Même chose pour les jeux : « Ils peuvent faciliter les apprentissages, a fortiori s’ils comportent de l’action. Selon leurs règles et contextes, ils apportent des ingrédients bénéfiques, tels que l’humour, l’originalité et le caractère surprenant de certains univers de jeux. Être créatif fixe dans l’esprit ce que l’on a produit et demande souvent de faire un effort de récupération en mémoire d’éléments appris. Tous ces effets se cumulent en un cocktail gagnant pour des apprentissages robustes ». Développer son esprit en s’amusant est donc possible.
Sébastien Martinez, champion de France de la mémoire en 2015, explique quant à lui la méthode du SEL (sel, enfance, lien) :
La répétition est la clé de l’entraînement cérébral et il peut être intéressant d’adopter des techniques toutes simples. Par exemple s’entraîner chaque soir à reconstituer le fil de sa journée : ce que vous avez fait, ce que vous avez dit, etc. Cela permet de construire des chemins de récupération utiles pour la restitution d’une autre notion. L’Observatoire B2V des Mémoires résume les différentes techniques pour la révision d’un examen :
Selon une étude canadienne parue en 2018, « une image vaut mille mots ». En effet, dessiner des informations au lieu de les écrire les ancrerait plus facilement dans notre cerveau. D’après les chercheurs, le dessin implique de multiples formes de mémoire (visuelle, spatiale, verbale, etc.) qui permettent d’activer davantage de zones du cerveau pour le stockage. Il s’agit d’un moyen fiable et reproductible d’améliorer les performances et dont les gains seraient supérieurs aux autres techniques précédemment évoquées.
En janvier 2022, des chercheurs de l’université Bar-Ilan en Israël ont même montré que la mémoire visuelle des images est affectée par la taille de l’image sur la rétine. Pour chaque test réalisé, ils ont constaté que les grandes images étaient mieux mémorisées (1,5 fois plus) que les petites.
S’accorder des temps de repos pour consolider la mémoire
On peut aussi prendre soin de sa mémoire… en ne faisant rien ! En effet, il est essentiel d’octroyer à notre cerveau des épisodes « de repos » afin de mieux encoder les souvenirs. En fait, il n’est pas vraiment au repos car il consomme seulement 5% de moins de nos ressources énergétiques que s’il effectuait un travail intellectuel. Il est également important de dormir suffisamment, car le sommeil consolide la mémoire grâce aux pics d’ondes lentes (phase de sommeil profond).
Une étude de la Northwestern University publiée en janvier 2022 est allée plus loin en documentant l’effet de la réactivation de la mémoire pendant le sommeil sur l’apprentissage des noms de visage. Les participants ont d’abord appris 80 associations visage-nom. Pendant leur sommeil, l’activité électrique de leur cerveau était surveillée pour déterminer le stade d’endormissement, et 20 des noms parlés ont été présentés doucement sur une musique de fond pendant la phase de sommeil profond. Au final, les tests ont montré une mémorisation supérieure due à la réactivation de la mémoire pendant le sommeil, mais seulement lorsque le sommeil n’était pas perturbé par les présentations sonores.
Il existe donc de multiples façons d’acquérir une « mémoire d’éléphant », et chacun doit trouver la méthode qui lui convient le mieux. Contrairement aux idées reçues, le cerveau n’est jamais saturé et sa capacité de stockage d’informations est presque infinie puisqu’il est extensible. Cette capacité de mémorisation se décuple même au fur et à mesure qu’elle progresse… une incroyable biomachinerie, non ?