Des chercheurs de l’université de Rice, au Texas, ont créé ce qu’ils appellent des « dimensions synthétiques » dans lesquelles ils peuvent observer les réactions des électrons. Ces recherches pourraient être utiles pour mieux comprendre les mécanismes quantiques à l’œuvre dans des expériences ou des systèmes plus larges.
Alors que nous nous débrouillons dans la vie de tous les jours avec nos trois dimensions habituelles, la largeur, la profondeur, et la hauteur, des scientifiques explorent des systèmes dotés de ce qu’ils appellent des « dimensions synthétiques ».
Qu’est-ce donc ? L’article des chercheurs, publié dans Nature, en donne cette définition : « La dimension synthétique est un degré de liberté codé en un ensemble d’états internes ou externes qui peuvent imiter le mouvement d’une particule dans un potentiel de réseau de l’espace réel ». Pas forcément limpide, pour les novices…
Concrètement, les scientifiques « manipulent » des électrons de manière à ce qu’ils se déplacent sur une sorte de « structure » linéaire basée sur le modèle dit de Su-Schrieffer-Heeger (modèle SSH), à l’intérieur d’un atome. Cette structure semble former, comme on peut le voir sur le schéma ci-dessous, un réseau linéaire avec des « couches », des « points », reliés entre eux par des liaisons alternativement fortes et faibles.
En effet, comme l’explique le communiqué de l’Université Rice, « les atomes de Rydberg possèdent de nombreux niveaux d’énergie quantique régulièrement espacés, qui peuvent être couplés par des micro-ondes qui permettent à l’électron hautement excité de se déplacer d’un niveau à l’autre ». Il est donc possible de « coupler » ces niveaux en les reliant entre eux par des micro-ondes.
Pour faire cela, les chercheurs ont donc utilisé, en résumé, des lasers, des micro-ondes, et des atomes de strontium. « Les chercheurs ont démontré leurs techniques en réalisant un réseau 1D connu sous le nom de système Su-Schrieffer-Heeger. Pour le fabriquer, ils ont utilisé des lasers pour refroidir les atomes de strontium et appliqué des micro-ondes avec une alternance de couplages faibles et forts pour créer le paysage synthétique approprié. Un deuxième ensemble de lasers a été utilisé pour exciter les atomes », explique le communiqué.
Des atomes « grossis » artificiellement
Les scientifiques avaient en effet besoin que les atomes atteignent ce fameux état dit « de Rydberg ». L’état de Rydberg est l’état excité d’un atome possédant un ou plusieurs électrons et dont le nombre quantique principal des électrons n (numéro de la couche) est très élevé. En état excité, l’atome devient particulièrement grand, et permet de fortes interactions interatomiques, un phénomène souvent utile en physique quantique. Cela a été possible via cette utilisation de lasers.
Les ondes utilisées, quant à elles, pour former le « réseau » en une dimension entre les niveaux de l’atome, sont des ondes millimétriques : autrement dit, ce sont des ondes radioélectriques qui couvrent les fréquences de 30 à 300 GHz. Elles ont des propriétés de propagation qui font qu’elles sont beaucoup utilisées dans les télécommunications, par exemple.
En combinant tout cela, les scientifiques sont parvenus à faire en sorte que les particules se déplacent entre les six « niveaux » sur le modèle SSH. « L’expérience a révélé comment les particules se déplacent à travers le réseau 1D ou, dans certains cas, sont gelées sur les bords même si elles ont suffisamment d’énergie pour se déplacer », explique Tom Killian, l’un des physiciens de l’université Rice.
« Ce qui est nouveau ici, c’est que nous considérons chaque niveau comme un emplacement dans l’espace », ajoute Hazzard, un autre chercheur impliqué dans l’étude. « En envoyant différentes longueurs d’onde de lumière, nous pouvons coupler les niveaux. Nous pouvons faire en sorte que les niveaux ressemblent à des particules qui se déplacent simplement d’un endroit à l’autre de l’espace ».
Tout l’intérêt de l’expérience réside dans l’observation des mouvements des électrons. En effet, les particules qui bougent dans cette configuration particulière nous en disent davantage sur leur comportement.
« L’utilisation d’un simulateur quantique est un peu comme l’utilisation d’une soufflerie pour isoler les effets faibles, mais importants, qui vous intéressent dans l’aérodynamique plus complexe d’une voiture ou d’un avion », a déclaré Killian. « Cela est d’autant plus important lorsque le système est régi par la mécanique quantique, car dès que l’on augmente le nombre de particules et de degrés de liberté, il devient compliqué de décrire ce qui se passe ».