Des scientifiques américains ont validé un test sanguin capable de détecter les premiers signes de la maladie d’Alzheimer avec une très grande précision. Il se base sur la présence de plaques amyloïdes dans le cerveau, s’y accumulant avec l’avancée de la maladie, même sans signe de démence. Le test permettrait ainsi d’identifier précocement les personnes à risque, leur permettant d’obtenir l’aide nécessaire. Un nouvel outil de diagnostic qui pourrait révolutionner la prise en charge de la maladie d’Alzheimer et représente une véritable avancée pour la recherche autour de cette pathologie.
La maladie d’Alzheimer, un trouble neurocognitif neurodégénératif, est la cause de démence la plus fréquente. Le nombre de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer avoisine aujourd’hui les 60 millions dans le monde. Ce nombre pourrait s’élever à 153 millions en 2050, avec près de 10 millions de personnes nouvellement atteintes chaque année. La fréquence de la maladie croît avec l’âge.
Alzheimer est une maladie évolutive dont les symptômes de démence s’aggravent progressivement au fil des ans. Bien que les traitements actuels ne puissent pas empêcher la maladie de progresser, ils peuvent temporairement ralentir l’aggravation des symptômes et améliorer la qualité de vie des personnes qui en souffrent. Encore faut-il agir à temps… C’est pourquoi le dépistage précoce pourrait représenter une avancée notoire dans la prise en charge de la maladie.
Un cerveau modifié par la maladie, cible du test sanguin
Des scientifiques de la Washington University School of Medicine à St Louis (États-Unis), ont mis au point un test sanguin capable de détecter avec précision les premiers signes de la maladie d’Alzheimer. Ce test sanguin évalue si les plaques amyloïdes ont commencé à s’accumuler dans le cerveau en fonction du rapport des niveaux des protéines bêta-amyloïdes Aβ42 et Aβ40 dans le sang.
En effet, cette pathologie cérébrale est caractérisée par des plaques amyloïdes et des enchevêtrements neurofibrillaires, s’accumulant dans le cerveau pendant 10 à 20 ans avant que la plupart des individus ne développent des symptômes de démence. Ces plaques « collantes » proviennent de l’accumulation d’une protéine appelée bêta-amyloïde (cible du test), déclenchant des événements en cascade. Ces événements aboutissent à la mort des cellules neuronales, à la perte de synapses neuronales et à des déficits progressifs des neurotransmetteurs. Tous ces effets contribuent aux symptômes cliniques de la démence.
Il faut savoir qu’un test ciblant les niveaux sanguins des protéines bêta-amyloïdes Aβ42 et Aβ40 a été certifié dans le cadre du programme Clinical Laboratory Improvement Amendments (CLIA) en 2020, sur la base des résultats antérieurs de R. J. Bateman, l’un des co-auteurs de l’étude actuelle. La version commerciale, appelée Precivity AD, est commercialisée par la start-up C2N Diagnostics de l’Université de Washington, fondée par R. J. Bateman et son collègue David Holtzman, Barbara Burton et Reuben M. Morriss III, professeur émérite de neurologie.
Mais malheureusement, les doutes sur la fiabilité du test face aux divers traitements des échantillons de sang (nature des anticoagulants, prélèvement à jeun ou non, etc.) d’une clinique à l’autre font qu’il n’est pas utilisé.
C’est donc pour répondre à ces préoccupations que Yan Li et al. ont étudié dans quelle mesure le test sanguin pouvait prédire la présence de plaques amyloïdes visibles sur une scintigraphie cérébrale TEP, en utilisant des échantillons de plasma collectés et traités de différentes manières. L’étude est publiée dans Neurology.
La TEP, ou tomographie par émission de positons, est obtenue par injection d’un traceur faiblement radioactif par voie intraveineuse qui, ici, se « colle » aux protéines des plaques amyloïdes. Ce traceur émet, de façon temporaire, des rayonnements que l’on peut suivre grâce à une caméra spéciale, une caméra TEP.
Dans cet objectif de validation du test, les chercheurs l’ont appliqué à près de 500 échantillons de plasma, obtenus à partir de 3 grandes cohortes de recherche sur la maladie d’Alzheimer aux États-Unis (n = 182), en Australie (n = 183) et en Suède (n = 100), chacune utilisant des protocoles différents pour le traitement des échantillons de sang et l’imagerie cérébrale associée. Le niveau d’Aβ42/Aβ40 plasmatique a été mesuré par un test de spectrométrie de masse par immunoprécipitation de haute précision (IPMS) et comparé aux normes de référence.
Les conclusions des analyses étaient concordantes, dans les trois cohortes, avec le statut des TEP amyloïdes déterminant les personnes avec et sans troubles cognitifs. Par ailleurs, lorsque les taux sanguins d’amyloïde étaient combinés à un autre facteur de risque majeur d’Alzheimer — la présence de la variante génétique APOε4 — la précision du test sanguin était de 88% par rapport à l’imagerie cérébrale et de 93% par rapport à la ponction lombaire.
R. J. Bateman déclare dans un communiqué : « Notre étude montre que le test sanguin fournit une mesure robuste pour détecter les plaques amyloïdes associées à la maladie d’Alzheimer, même chez les patients qui ne connaissent pas encore de déclin cognitif ».
À mentionner également, les résultats cohérents, pour une cohorte dans laquelle le sang a été prélevé sur des participants non à jeun, démontrent que ce test peut être utile dans les contextes cliniques de routine, où le sang est généralement prélevé dans des conditions non à jeun.
Une alternative moins coûteuse au dépistage actuel
Actuellement, il existe deux façons bien établies de déterminer si la bêta-amyloïde se trouve dans le cerveau. On mesure la quantité de bêta-amyloïde présente dans le liquide céphalo-rachidien, le liquide qui entoure le cerveau et la colonne vertébrale, par une ponction lombaire. L’autre utilise un scanner cérébral TEP pour produire des images de bêta-amyloïde du cerveau. Bien que les deux méthodes soient précises, elles sont coûteuses, invasives et ont une disponibilité limitée.
L’évaluation de la maladie à l’aide de scanners cérébraux TEP nécessite un scanner cérébral radioactif, à un coût moyen de 5000 à 8000 dollars par scanner. Un autre test courant, qui analyse les niveaux de protéine bêta-amyloïde et tau dans le liquide céphalo-rachidien, coûte environ 1000 dollars, mais nécessite un processus de ponction lombaire que certains patients peuvent ne pas vouloir endurer.
Bateman déclare que : « [Les] résultats [de l’étude] suggèrent que le test peut être utile pour identifier les patients non handicapés qui pourraient être à risque de démence future, leur offrant la possibilité de s’inscrire à des essais cliniques lorsqu’une intervention précoce a le potentiel de faire le plus de bien ».
En effet, les auteurs estiment que la présélection avec un test sanguin (d’un coût de 500 dollars) pourrait réduire de moitié à la fois le coût et le temps qu’il faut pour inscrire les patients dans les essais cliniques utilisant la TEP. Le dépistage avec des tests sanguins seuls pourrait être effectué en moins de six mois et réduire les coûts de dix fois ou plus, selon l’étude.
Il ajoute que : « Au fur et à mesure que de nouveaux médicaments deviennent disponibles, un test sanguin pourrait déterminer qui pourrait bénéficier d’un traitement, y compris ceux qui en sont aux tout premiers stades de la maladie ».
La certification CLIA rend le test disponible pour les médecins aux États-Unis. Il est destiné à fournir des informations qui faciliteront l’évaluation médicale et les soins des patients présentant déjà des symptômes de déclin cognitif. Une certification similaire rend le test disponible en Europe. Cependant, le test n’est pas encore pris en charge par la plupart des mutuelles.
Cette étude fournit donc une preuve supplémentaire que le test sanguin devrait être envisagé pour le dépistage de routine et le diagnostic, considérant que la mesure plasmatique des niveaux de Aβ42/Aβ40 est une mesure robuste pour détecter les plaques amyloïdes. Ce nouveau test sanguin pourrait devenir un outil puissant élargissant la capacité de diagnostiquer la maladie d’Alzheimer de manière précoce.