Cela fait neuf jours maintenant que les conflits se poursuivent en Ukraine. Oksana Markarova, ambassadrice de l’Ukraine aux États-Unis, a récemment déclaré que la Russie avait utilisé une bombe à vide, une arme thermobarique dont l’usage est condamné par diverses organisations internationales. D’autres armes particulièrement destructrices auraient également été employées. Ces allégations restent à confirmer, mais les témoignages se multiplient.
Selon Reuters, les groupes de défense des droits de l’Homme, Amnesty International et Human Rights Watch, ont par ailleurs déclaré que les forces russes avaient également utilisé des armes à sous-munitions — des armes formellement interdites depuis un traité international adopté en 2008. Ce type d’arme, qui contient plusieurs petits projectiles explosifs, cause énormément de victimes, d’autant plus qu’une proportion importante des sous-munitions n’explose pas à l’impact et constitue un danger durable pour les populations locales.
Combinant des effets thermiques et d’onde de choc, les armes thermobariques (ou bombes à vide) sont encore plus dévastatrices. Elles contiennent de petites particules métalliques ou un liquide combustible, ainsi que deux charges explosives. La première explosion ouvre le réservoir et disperse son contenu dans l’air ambiant ; puis la seconde charge explose, entraînant la formation d’une énorme boule de feu à expansion rapide, accompagnée d’une puissante onde de choc. Leur utilisation en Ukraine reste à confirmer, mais des journalistes de CNN rapportent avoir repéré des véhicules militaires russes équipés de lance-roquettes thermobariques près de la frontière ukrainienne.
Une violation de la Convention de Genève
Selon le chef administratif de la région de Soumy, Dmytro Zhyvytskyy, la bombe à vide qui aurait été utilisée mardi aurait détruit une base de l’armée ukrainienne dans la ville d’Okhtyrka, au nord-est du pays, tuant 70 soldats. Le maire d’Okhtyrka, Pavel Kuzmenko, a confirmé ses propos. Une vidéo amateur, diffusée sur le réseau Telegram, a vraisemblablement filmé l’explosion. « Nous avons vu les rapports. Si c’était vrai, ce serait potentiellement un crime de guerre », a déclaré la porte-parole de la Maison-Blanche, Jen Psaki. L’ambassade de Russie à Washington n’a pas répondu aux demandes de commentaires, rapporte Reuters.
Les armes thermobariques (parfois désignées par l’acronyme FAE, pour fuel-air explosives) sont beaucoup plus destructrices que les armes conventionnelles, du fait que leur explosion est plus longue et engendre des températures beaucoup plus élevées. Ces armes sont appelées « bombes à vide », car l’explosion aspire tout l’oxygène ambiant, créant une importante dépression. Conséquences : les personnes proches de l’explosion, si elles n’ont pas été brûlées vives sous l’effet de la chaleur extrême, sont littéralement asphyxiées, tandis que l’onde de choc générée peut causer d’importants dommages corporels, conduisant à la mort. Tandis qu’il est possible de s’abriter dans une tranchée ou un bunker pour se protéger d’une bombe conventionnelle, les explosions thermobariques n’offrent pas cette possibilité.
Par conséquent, leur potentiel usage par les forces russes dans des zones peuplées soulève de sérieuses préoccupations juridiques. Si les faits se confirment, cela signifie que la Russie a violé les termes de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre — qui interdit l’usage d’armes qui frappent sans discrimination. À noter que la Russie n’a jamais signé la Convention sur les armes à sous-munitions, un traité de désarmement adopté par 108 pays, qui interdit totalement l’emploi, la production, le stockage et le transfert de cette catégorie d’armes.
Une capacité destructrice comparable à certaines armes nucléaires
Des images relayées par des civils ukrainiens semblent indiquer que la Russie a déployé des chars équipés de lance-roquettes de type TOS-1, appelés aussi Buratino. Ces derniers peuvent contenir 24 ogives thermobariques ; une seule salve peut impacter une zone de 200 mètres sur 300, rapporte le New Scientist.
Comme le rappelle un article de The Conversation, la Russie a déjà plusieurs fois fait usage de bombes à vide par le passé. Elle a notamment été accusée d’avoir utilisé ce type d’armes en Tchétchénie, en 1999. « En milieu urbain, il est très difficile de limiter l’effet de cette arme aux combattants, et la nature des explosions rend pratiquement impossible pour les civils de se mettre à l’abri de leur effet destructeur », soulignait à l’époque l’organisation Human Rights Watch. Un scientifique militaire russe avait par ailleurs déclaré qu’en matière de capacité destructrice, les armes FAE étaient comparables aux munitions nucléaires à faible rendement.
En septembre 2007, la Russie avait testé la bombe la plus puissante de cette catégorie, surnommée « le père de toutes les bombes ». Contenant sept tonnes d’explosif et reposant sur des nanotechnologies pour assurer une meilleure dispersion du combustible, cette bombe affichait une puissance équivalente à 44 tonnes de TNT. « Cette bombe nous permettra de garantir la sécurité de l’État et de faire face au terrorisme international, en toutes circonstances et dans n’importe quelle partie du monde », avait déclaré à l’époque Alexandre Roukchine, l’adjoint au chef d’état-major général des forces armées russes, affirmant que cette invention n’allait à l’encontre d’aucun traité international.
L’armée russe aurait également utilisé ces armes en Afghanistan, puis en Syrie en 2018, causant d’innombrables dommages parmi la population civile. Il ne serait donc pas si surprenant que les forces armées russes aient à nouveau fait usage de cette arme destructrice en Ukraine ; cela signifierait malheureusement que l’offensive russe s’intensifie. Dans la nuit du 3 au 4 mars, l’armée russe a pris le contrôle de la centrale nucléaire de Zaporijia, déclenchant un important incendie faisant craindre le pire. Aucune fuite radioactive n’a été détectée, mais « l’attaque contre une centrale nucléaire démontre le caractère irresponsable de cette guerre et la nécessité d’y mettre fin », a déclaré le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg.