La COVID-19 fait encore aujourd’hui des millions de victimes malgré la disponibilité des vaccins. Après la guérison de l’infection initiale, beaucoup de patients présentent des symptômes persistants, s’étendant parfois jusqu’à plusieurs mois ou années. Différentes études ont révélé que l’infection au SARS-CoV-2 provoque des lésions dans certains organes, comme les poumons ou le cœur. Une étude plus récente suggère également que le virus peut entraîner des lésions cérébrales et une perte importante de matière grise, même dans les cas bénins. Bien que l’étude ait impliqué un grand nombre de sujets, beaucoup de questions restent sans réponse. Des approfondissements seront donc nécessaires.
Menée par un groupe de chercheurs de l’université d’Oxford, l’étude serait la première à impliquer des sujets ayant subi des scintigraphies cérébrales avant et des mois après l’infection. Il s’agit notamment d’un scanner cérébral permettant de doser la densité des transporteurs de la dopamine, la molécule essentielle à la transmission interneurone d’informations. Logiquement, la baisse de densité de ces transporteurs indique donc des défaillances structurelles neuronales.
Les chercheurs anglais ont ainsi réuni 785 sujets tests issus de la banque de données médicales UK Biobank. Chacune de ces personnes a effectué deux scintigraphies cérébrales à environ trois ans d’intervalle. Entre chaque scanner, 401 des participants ont été testés positifs à la Covid entre mars et avril 2021, tandis que les 384 autres non infectés formaient un groupe témoin. Des tests cognitifs ont été également soumis à la totalité des participants, dont les tranches d’âge (51 à 81 ans) et les dossiers médicaux étaient plus ou moins similaires.
Les participants infectés, scannés en moyenne 141 jours après l’infection, ont montré une perte de matière grise de 0,2 à 2% plus importante que celle des sujets sains. Or, en temps normal et compte tenu de la tranche d’âge des participants, la perte de matière grise annuelle due au vieillissement se situerait entre 0,2 et 0,3%. De plus, les patients Covid ont également perdu plus de volume cérébral global et ont présenté plus de lésions tissulaires dans plusieurs zones du cerveau.
« Bien que l’infection soit bénigne pour 96% de nos participants, nous avons constaté une plus grande perte de volume de matière grise et des lésions tissulaires plus importantes chez les participants infectés, en moyenne 4,5 mois après l’infection », affirme Gwenaëlle Douaud dans un communiqué, auteure principale de l’étude et professeure au département de neurosciences cliniques de l’Université d’Oxford.
Il est donc important de noter que ces pertes et lésions ont été constatées même chez les sujets qui n’ont présenté que des formes bénignes de la maladie. Et bien que seulement 15 participants aux tests ont développé une forme grave, l’étude suggère que cette tranche de patients présentait de plus graves séquelles cérébrales. La totalité des patients infectés a également montré une plus grande diminution des capacités cognitives pour des tâches complexes, ce qui serait en partie dû aux anomalies cérébrales. Et même si ces impacts négatifs étaient plus marqués chez les patients plus âgés, la disponibilité des données d’imagerie préinfection réduit les risques que des facteurs préexistants soient faussement interprétés comme des effets de la maladie.
Des données incomplètes
Même si les résultats sont plus ou moins révélateurs, l’étude, publiée dans Nature, doit être approfondie pour établi des conclusions. « Une question clé pour les futures études d’imagerie cérébrale est de voir si ces dommages aux tissus cérébraux se résolvent à plus long terme », soulève Douaud. L’étude est en effet susceptible d’éveiller une certaine crainte chez les patients, car l’on ne sait pas encore jusqu’où iront ces séquelles et comment elles affecteront leur quotidien. De plus, les scanners post-infection n’ont été effectués qu’une fois. On ne sait donc pas comment les lésions évoluent. Toutefois, « le cerveau est plastique, ce qui signifie qu’il peut se réorganiser et guérir dans une certaine mesure, même chez les personnes âgées », assure l’experte dans sa déclaration à The Gardian.
Et bien que les patients guéris aient montré un déficit plus important que la normale lors des tests cognitifs, Douad et son équipe soulignent que ces tests étaient rudimentaires. Il s’agissait notamment d’exercices liés à l’attention et à la capacité à exécuter de tâches complexes. De plus, les tests sollicitant spécifiquement les zones les plus atrophiées n’étaient apparemment pas suffisamment poussés, selon d’autres experts interviewés par le New York Times.
Certaines des plus grandes pertes de matière grise se situent notamment dans des zones liées à l’odorat, qui sont aussi impliquées dans la mémoire et d’autres fonctions. Or, les patients Covid ont obtenu des résultats similaires aux tests liés que les personnes saines, ce qui suggère que le virus semble surtout affecter la concentration et la vitesse de traitement des informations.
Même si presque toutes les zones du cerveau sont polyvalentes, des pertes de matière grise ont aussi été détectées au niveau de zones cérébrales qui ne sont pas impliquées dans l’odorat. Les auteurs de l’étude supposent que cela pourrait être dû à l’inflammation ou à la privation sensorielle liée à l’anosmie. Par ailleurs, l’étude n’a été effectuée que sur des personnes d’un certain âge (51 à 81 ans). Les résultats ne peuvent donc pas pleinement expliquer le « brouillard cérébral », un symptôme souvent rapporté, chez les patients plus jeunes. Des recherches plus poussées sont donc nécessaires pour que l’étude soit réellement concluante.