Des astronomes ont découvert un trou noir si vorace, qu’il se nourrit d’une étoile depuis plus d’une décennie : un repas stellaire dix fois plus long que tout ce que nous avons pu détecter auparavant.
Non seulement il s’agit du plus grand « repas » d’un trou noir connu à ce jour, mais également du plus long ! En effet, le festin dure depuis si longtemps, que les scientifiques ne sont pas certains de comprendre comment ce phénomène est physiquement possible. Les scientifiques espèrent, grâce à l’étude de ce phénomène, pouvoir expliquer comment les trous noirs sont devenus si massifs durant les premiers jours de l’Univers.
Lorsqu’une étoile se rapproche trop d’un trou noir, la force gravitationnelle de ce dernier peut littéralement déchirer l’étoile : cet événement est connu sous le nom d’événement de perturbation par les forces de marées (tidal distruption event, TDE), où des forces de marée extrêmes étirent la matière de l’étoile en de longues et minces formes (un processus également connu sous le nom amusant de « spaghettification »).
Par le passé, nous avons eu l’occasion d’observer beaucoup d’événements de perturbation par les forces de marées, grâce aux rayons-X qu’ils produisent. En effet, une fois que le trou noir détruit totalement une étoile, il rejette à grande vitesse une partie de son contenu dans l’espace et englouti le reste, le rendant alors encore plus massif et éjectant un jet ultra-chaud de rayons-X lors du processus.
Mais la plupart des TDE sont de courte durée, c’est pour cette raison que cette nouvelle observation est si surprenante. « Nous avons été témoins de la mort spectaculaire et prolongée d’une étoile », explique le chercheur principal, Dacheng Lin, de l’Université du New Hampshire, à Durham. « Des dizaines d’événements de perturbation par les forces de marées ont été détectés depuis les années 1990, mais aucune ne s’est maintenue aussi longtemps que celle-ci », ajoute-t-il.
Le fait que le trou noir se nourrisse si longtemps de cette étoile, repousse les lois de la physique. En effet, l’étoile consommée a régulièrement dépassé ce qu’on appelle la limite d’Eddington, qui est la luminosité maximale qu’une étoile peut atteindre avant qu’elle ne soit plus stable. Au-delà de cette limite, la pression de radiation prend le pas sur la gravité et des constituants de l’étoile sont éjectés.
Cela signifie que si une étoile atteint cette limite de luminosité, alors la gravité devrait à peine être capable de l’empêcher de s’effondrer sur elle-même. C’est notamment pour cette raison que nous n’avons jamais vraiment compris comment les trous noirs supermassifs au centre de beaucoup de galaxies, y compris la Voie lactée, ont pu grandir de la sorte.
Ce trou noir vorace a été surnommé XJ1500 + 0154, et se situe au cœur d’une petite galaxie à environ 1,8 milliards d’années-lumière de la Terre. Il a été repéré par trois satellites, l’observatoire de rayons X Chandra, le satellite Swift de la NASA ainsi que par le XMM-Newton de l’Agence spatiale européenne.
Les satellites étaient à la recherche de TDE, quand ils ont repéré le jet incroyablement lumineux émis par XJ1500 + 0154 en 2005 déjà. C’est depuis ce moment-là que les scientifiques ont observé le fameux festin stellaire, qui d’ailleurs, arriverait gentiment à terme selon les dernières estimations. L’équipe suggère donc que le trou noir a bien consommé le matériel de l’étoile pendant plus de 10 ans. « Des dizaines d’événements de perturbation par les forces de marées ont été détectés depuis les années 1990, mais aucune ne s’est maintenue aussi longtemps que celle-ci », explique James Guillochon, un des chercheurs, du Harvard-Smithsonian Centre for Astrophysics.
Cela signifie que c’est l’étoile la plus massive que nous ayons jamais vue se faire happer par un trou noir ou alors que c’est la toute première fois que nous voyons une petite étoile se faire déchirer complètement par un trou noir. « Lorsque nous observions cet objet, la plupart du temps il grandissait rapidement. Cela nous révèle quelque chose d’inhabituel, comme une étoile deux fois plus lourde que notre Soleil, se faisant dévorer par le trou noir », explique Guillochon.
Nous devons garder à l’esprit que la recherche a été pré-publiée sur le site aXiv.org pour que la communauté scientifique puisse examiner les données. Nous devons donc attendre une validation indépendante des résultats. Mais si l’observation est confirmée, elle pourrait aider à expliquer comment les trous noirs supermassifs ont pu être environ un milliard de fois plus massifs que notre Soleil au début de l’Univers, chose que les scientifiques ont encore du mal à expliquer. « Cet événement démontre que les trous noirs peuvent vraiment croître à des vitesses extraordinaires », explique Stefanie Komossa, membre de l’équipe, de l’Université QianNan for Nationalities (Chine).
L’équipe prévoit que l’alimentation du trou noir XJ1500 + 0154 devrait être considérablement réduite au cours des dix prochaines années, ce qui entraînera une diminution de la luminosité des rayons X et finira par disparaîtra de la vue de nos satellites. Quoi qu’il se passe durant ces prochaines années, les scientifiques restent à l’affût !