Les chiens (Canis familiaris) possèdent un éventail de facultés cognitives exceptionnellement affûtées. De nombreux faits témoignent de leur grande capacité à s’adapter, selon les stimuli qu’ils reçoivent de leur environnement. Cependant, il n’y a encore que peu d’études scientifiques qui se consacrent réellement aux mécanismes comportementaux des chiens de compagnie. Une récente étude de l’Institut de biologie ELTE, à Budapest, a révélé que les chiens ont d’étonnantes capacités cognitives ontogéniques (qui ne sont pas innées, mais qui s’acquièrent au fil du temps). Les chiens auraient notamment un certain niveau de conscience corporelle, bien qu’ils ne reconnaissent pas leur reflet dans un miroir. Comparativement, chez l’Homme, cette capacité se développe dans l’enfance entre 12 et 18 mois.
Au cours de ses milliers d’années d’existence, le chien n’a cessé d’évoluer pour s’adapter à son environnement, à l’instar de la plupart des animaux sur Terre. Au fil du temps, sa domestication a donné lieu à une forme d’adaptation complètement différente de celle de ses semblables canidés, restés sauvages. De nombreuses études scientifiques ont en effet étudié les comportements et capacités des chiens de compagnie, et ont révélé qu’ils variaient non seulement d’une race à l’autre, mais aussi selon l’environnement où ils vivent. En stimulant ces environnements de certaines façons (par le dressage, les jeux ou même l’affection), beaucoup de races de chiens ont développé des capacités hors du commun.
Les meilleurs exemples sont les bergers malinois de l’armée, qui sont des soldats à part entière et participent à des missions qui seraient impossibles pour l’homme. Ou encore les goldens retrievers et les labradors, particulièrement adaptés à l’assistance des aveugles.
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Tentant de décrypter les mécanismes comportementaux de ces canidés, l’étude publiée dans Scientific Reports a montré que les chiens échouaient au « test de Gallup » (qui permet d’évaluer la reconnaissance de son propre reflet dans un miroir). Toutefois, il a été démontré qu’ils feraient appel à d’autres capacités cognitives, notamment olfactives, pour se reconnaitre. Ils ont en effet été capables de reconnaître l’odeur unique qui les caractérise, telle une sorte de « miroir olfactif ». Il s’agit également de la première étude à montrer une certaine conscience du corps chez les chiens, quand ils reconnaissent celui-ci comme un « obstacle » dans certaines situations.
Cette capacité cognitive, permettant de surmonter de nombreux défis environnementaux, est très rare dans le règne animal. Seuls certains animaux sont capables de la développer. L’éléphant d’Asie est notamment l’un des seuls animaux à avoir passé ce test de « conscience du corps en tant qu’obstacle ». Les résultats sont similaires à ceux du chien, mais contrairement à ce dernier, l’éléphant a également réussi le test standard du miroir.
La conscience corporelle, une forme de conscience de soi
Ce qu’il faut savoir, c’est que la conscience corporelle est la capacité de penser à son corps comme étant un objet distinct, par rapport aux autres objets alentour. Il est considéré comme une forme ou une étape de conscience de soi et est l’un des éléments fondamentaux de l’autoreprésentation. Chez les humains, cette perception peut être testée chez un enfant, par exemple, en lui demandant de déplacer une couverture sur laquelle il est assis. Si l’enfant comprend que son corps est un obstacle et qu’il doit se lever pour prendre la couverture, il est alors conscient de son corps.
Les chercheurs hongrois ont alors adapté ce test aux canidés, en sélectionnant 32 chiens de différentes races et de différentes tailles. Dans l’expérience, les animaux devaient ramasser un jouet et le ramener. Cependant, les jouets étaient attachés à un tapis sur lequel les chiens étaient assis. Ils ont alors rapidement compris qu’il fallait descendre du tapis pour pouvoir déplacer le jouet.
D’autres tests ont aussi été réalisés en attachant les jouets au sol et en les détachant complètement. Sans la force de levage parallèle qu’ils ressentent sous leurs pattes quand ils tirent, les chiens ont réalisé que le problème ne venait pas de leur position (quand le jouet était attaché au sol), et se sont moins rapidement levés de leur tapis que lors du premier test.
Par ailleurs, les chercheurs ont effectué un autre test où le jouet était relié au sol, mais cette fois-ci, les pattes des chiens étaient tirées par de petites cordes. Là encore, les animaux ne sont pas rapidement descendus du tapis, ce qui suggère qu’ils ont compris d’où venait la force de traction, et si leur corps constituait un obstacle ou non. « Nous soutenons que la réponse des chiens dans le test principal peut être expliquée en fonction de leur conscience corporelle et de la compréhension des conséquences de leurs propres actions », écrivent les auteurs.
« Nos résultats soutiennent l’autoreprésentation comme un éventail de compétences cognitives plus ou moins connectées, et la présence ou l’absence d’un élément constitutif particulier peut varier selon les espèces », concluent-ils.