Depuis que le télescope spatial de la NASA est arrivé à destination fin janvier au point de Lagrange L2, l’équipe chargée de la mission s’emploie à aligner parfaitement l’ensemble des segments qui constituent son miroir primaire. Le 11 mars dernier, une nouvelle étape a été franchie : à ce stade, tous les paramètres optiques de l’instrument ont été vérifiés et testés ; ils fonctionnent conformément aux attentes, voire davantage, et James Webb est capable de recueillir la lumière d’objets lointains sans aucun problème. Pour preuve, cette magnifique photo d’une étoile capturée par l’observatoire.
Le télescope n’est bien entendu pas encore pleinement opérationnel. Pas moins de sept étapes composent le processus de calibrage de l’instrument. L’équipe vient de franchir la cinquième, intitulée « phasage fin » (fine phasing) — qui vise à corriger les ultimes erreurs d’alignement des segments pour qu’ils fonctionnent comme un seul et même miroir. L’imageur principal, la caméra proche infrarouge (NIRCam), est désormais entièrement aligné sur les miroirs du télescope. Aucun problème critique n’a été identifié et les scientifiques peuvent désormais affirmer que le premier système optique de Webb fonctionne aussi bien que possible.
L’objectif de l’image capturée était de se focaliser sur une étoile particulièrement lumineuse (nommée 2MASS J17554042+6551277) pour évaluer l’efficacité de l’alignement. On constate que les systèmes optiques de Webb et NIRCam sont si sensibles que les galaxies et les étoiles situées en arrière-plan apparaissent également, ce qui est de très bon augure pour l’avenir. « Nous avons entièrement aligné et focalisé le télescope sur une étoile, et les performances dépassent les spécifications. Nous sommes ravis de ce que cela signifie pour la science », a déclaré dans un communiqué Ritva Keski-Kuha, responsable adjointe des éléments de télescope optique pour Webb à la NASA.
Des images spatiales d’une résolution sans précédent
L’image présentée par la NASA le 25 février dernier, après avoir accompli les trois premières phases de l’alignement, apparaissait floue et affichait 18 fois la même étoile, l’ensemble des points dessinant une forme hexagonale. Chacun des 18 segments du miroir primaire a donc été finement ajusté pour produire une image unifiée de la même étoile, capturée par la NIRCam.
Et les résultats sont encore meilleurs que prévu : non seulement l’étoile apparaît très nette (un filtre rouge a été utilisé pour améliorer le contraste), mais des milliers d’étoiles et de galaxies sont également visibles au-delà. « Nous avons les images infrarouges de la plus haute résolution jamais prises depuis l’espace », a déclaré Scott Acton, un scientifique chargé de la détection et du contrôle du front d’onde travaillant sur le télescope, dans une vidéo accompagnant l’annonce de la NASA.
En plus de cette image de l’étoile, James Webb a pris un autre « selfie ». Ce cliché a été créé à l’aide d’une lentille d’imagerie pupillaire spécialisée intégrée à l’instrument NIRCam, conçue pour prendre des images des segments du miroir primaire plutôt que des images du ciel. Cette configuration ne sera bien entendu pas utilisée pendant les opérations scientifiques ; elle sert strictement à des fins d’ingénierie et d’alignement, précise la NASA.
Encore plusieurs semaines de calibrage à venir
Au cours des six prochaines semaines, l’équipe de James Webb procédera aux étapes d’alignement restantes, à commencer par l’alignement du télescope sur les champs de vision des instruments. Il est notamment question d’inclure tous les autres instruments dans le processus de calibrage : le spectromètre NIRSpec (un spectromètre pour l’infrarouge proche), le spectro-imageur MIRI (qui fonctionne dans l’infrarouge moyen), le spectro-imageur NIRISS (du proche infrarouge), ainsi que le système de guidage fin (FGS) auquel il est rattaché. Il était en effet nécessaire d’attendre que ceux-ci aient suffisamment refroidi pour procéder à leur étalonnage.
Un algorithme évaluera les performances de chacun, puis calculera les corrections à appliquer pour que le télescope soit aligné sur l’ensemble de ces équipements scientifiques. Restera l’ultime étape, l’itération de l’alignement pour la correction finale, qui consiste essentiellement à corriger les dernières erreurs minimes de positionnement des segments du miroir. Le télescope sera pointé sur des étoiles de moins en moins lumineuses pour confirmer ses performances.
L’ensemble du processus devrait être achevé d’ici début mai. Suivront deux mois de préparation des différents instruments, pour que James Webb soit définitivement prêt à relayer ses premières images de l’Univers au cours de l’été. Si les scientifiques sont très impatients d’observer ce que ce télescope va découvrir au cours de sa mission (les premières galaxies, de nouveaux systèmes planétaires, de potentiels signes de vie, etc.), il reste encore plusieurs mois de travail avant de pouvoir exploiter cet engin de haute technologie. Mais depuis son lancement, le télescope enchaîne les succès, ce qui est très prometteur pour la suite des opérations.