Les maladies pulmonaires obstructives chroniques (MPOC) sont principalement causées par le tabagisme et parfois par des facteurs génétiques. Si l’on en connaît aujourd’hui tous les symptômes, les moyens de les traiter et de les prévenir constituent encore un véritable défi pour la médecine. Encore aujourd’hui, l’on administre aux patients des traitements symptomatiques, mais la maladie elle-même reste incurable. Une récente étude néerlandaise a récemment testé une combinaison de deux médicaments visant à traiter la pathologie sur des souris en régénérant les poumons. Cliniquement disponibles pour le traitement d’autres maladies, les médicaments en question ont pu réactiver la régénération des cellules pulmonaires chez les souris en ciblant spécifiquement deux protéines : les ligands des récepteurs prostanoïdes EP et IP.
Les MPOC, ou bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO), constituent la troisième cause de mortalité par maladie dans le monde, après les maladies cardiaques et l’AVC. Il s’agit en effet d’un terme commun englobant plusieurs pathologies telles que la bronchite chronique et l’emphysème. Elles concernent surtout les personnes exposées à la fumée de tabac ou autres polluants (poussières industrielles, gaz d’hydrocarbures, …) et provoquent une réponse immunitaire excessive dans les poumons. Elles affectent par ailleurs de plus en plus de monde à cause de la pollution de l’air, exacerbée par nos modes de vie.
Les symptômes de ces maladies apparaissent toutefois rarement chez les moins de 55 ans et évoluent lentement. Avec le temps, les MPOC provoquent des lésions pulmonaires conduisant à des essoufflements, une sensation d’oppression au thorax, une toux chronique et des sécrétions élevées de mucus.
« Le problème avec les MPOC, c’est qu’à l’heure actuelle nous n’avons aucun moyen de prévenir leur progression et le déclin de la fonction pulmonaire », explique au New Scientist Reinoud Gosens, auteur principal de l’étude et professeur de pharmacologie translationnelle à l’Université Groningen aux Pays-Bas. Or, les maladies détériorent les cellules progénitrices épithéliales, qui sont normalement censées régénérer la muqueuse pulmonaire. La perte de ces cellules rend alors les dommages irréversibles.
D’après l’expert, il n’existe pour le moment que des moyens de soulager les symptômes via des anti-inflammatoires ou l’inhalation de bronchodilatateurs (qui dilatent les voies respiratoires afin de faciliter la respiration). Des tentatives de thérapies par cellules souches ont aussi été testées, afin de réalimenter les poumons en cellules progénitrices. Mais un traitement médicamenteux serait potentiellement plus accessible à grande échelle et pourrait aussi être combiné avec d’autres formes de thérapies.
La nouvelle étude, publiée dans la revue Science Advances, suggère un traitement à base d’iloprost (un antihypertenseur) et de misoprostol (un antiulcéreux gastrique). Chez des souris, la combinaison des deux médicaments a notamment pu cibler deux ligands de récepteurs de cellules progénitrices épithéliales, réactivant par la suite la régénération des muqueuses pulmonaires. « Par rapport à d’autres médicaments qui peuvent favoriser la régénération pulmonaire chez les animaux, le grand avantage des médicaments que nous avons identifiés est qu’ils sont déjà utilisés pour traiter d’autres affections. Nous savons donc qu’ils sont sûrs et qu’ils sont tout aussi efficaces », affirme Gosens.
Une paire de ligands cibles
Pour tester leurs médicaments, les chercheurs de Groningen ont exposé des souris à la fumée de tabac pendant quatre mois. Leurs cellules progénitrices pulmonaires ont ensuite été extraites puis cultivées pendant 14 jours, dans des substrats gélifiés contenant les médicaments (les cultures témoins ne contenant pas les médicaments). En se développant, les cellules progénitrices se différencient en microstructures pulmonaires appelées organoïdes. Ces derniers sont capables de reproduire fonctionnellement et, in vitro, la microanatomie de l’organe.
En comptabilisant le nombre d’organoïdes dans chaque culture, l’équipe de recherche a pu noter que les deux médicaments semblaient complètement restaurer les capacités de régénération des cellules progénitrices, qui étaient en sous-nombre après l’exposition au tabac. Les souris exposées au tabac ont également été traitées (in vivo) avec les médicaments pendant une semaine. Leurs cellules pulmonaires ont retrouvé leurs capacités de guérison.
Plus précisément, les médicaments rétablissent les horloges circadiennes (horloges endogènes générant une rythmicité métabolique interne) des cellules pulmonaires. Grâce à des séquençages d’ARN, les chercheurs ont notamment découvert que cette horloge et les voies de signalisation du cycle de génération cellulaire et d’apoptose (autodestruction cellulaire programmée) étaient exprimées différemment dans les cellules progénitrices alvéolaires des malades atteints de MPOC. Ces cycles sont signalés par la prostaglandine E2, ou les mimétiques de la prostacycline. Les médicaments ont alors ciblé les ligands des récepteurs prostanoïdes EP et IP pour inverser le cycle et restaurer les dommages des progéniteurs épithéliaux alvéolaires.
Il faut toutefois noter que les modèles animaux utilisés sont relativement jeunes (20 ans en équivalent d’âge humain). Or, les symptômes des MPOC se manifestent généralement au-delà de 55 ans. De plus, les capacités de régénération cellulaire diminuent avec l’âge. Les recherches doivent donc être approfondies pour déterminer si cette approche peut être appliquée cliniquement.