C’est du moins ce qu’il a laissé entendre ce week-end dans l’un de ses tweets. Le PDG de Tesla reproche en effet à certaines plateformes, en particulier le réseau Twitter, de ne pas respecter le principe de la liberté d’expression. C’est ce qui aurait motivé l’homme d’affaires à envisager de construire sa propre plateforme. On n’est jamais mieux servi que par soi-même après tout…
« Étant donné que Twitter sert de facto de place publique, le non-respect des principes de liberté d’expression porte fondamentalement atteinte à la démocratie. Que faut-il faire ? », a tweeté Elon Musk ce samedi. Ce message fait suite à un sondage dans lequel il demandait à ses followers s’ils estimaient que Twitter adhérait ou non au principe de liberté d’expression — une question à laquelle près de 70% des participants ont répondu non. Or, pour le milliardaire, la liberté d’expression est essentielle au bon fonctionnement d’une démocratie.
Il envisage donc très sérieusement de bâtir son propre réseau social. Certains internautes suspectent même que ladite plateforme est déjà en cours de développement et que le débat lancé sur Twitter ne servirait qu’à promouvoir ce nouveau réseau. Bien évidemment, ce projet n’est pas sans rappeler le lancement récent de Truth Social, le réseau social de Donald Trump mis en ligne depuis un mois — l’ancien président des États-Unis n’ayant guère d’autres choix après avoir été banni de Twitter, Facebook et YouTube suite à l’attaque du Capitole le 6 janvier 2021.
De simples tweets aux lourdes conséquences
Elon Musk n’est actuellement plus totalement libre de s’exprimer comme il le souhaite sur Twitter — du moins, pas en tant que PDG de Tesla. Rien à voir ici avec les conditions d’utilisation du réseau social : il se trouve simplement que les propos de l’homme d’affaires influencent un peu trop ses abonnés.
En août 2018, il a annoncé sur le réseau qu’il envisageait de privatiser Tesla, à hauteur de 420 dollars par action, affirmant qu’il disposait d’un financement sécurisé. Or, l’annonce a rapidement eu des conséquences assez graves, faisant rapidement monter en flèche la valeur des actions Tesla et obligeant les régulateurs à infliger une amende de 20 millions de dollars à l’entreprise. Depuis, un accord signé en 2018 avec la Securities and Exchange Commission (SEC) exige que le PDG obtienne l’approbation préalable des avocats de Tesla avant de publier des tweets sur les activités de l’entreprise — qui pourraient potentiellement influer sur le cours de l’action.
De même, il n’est pas rare que Musk influence le cours des cryptomonnaies via un simple tweet, qui se fait la plupart du temps volontairement énigmatique. Dernier message intriguant en date : une image montrant le nom de quatre entreprises (Samsung, Toshiba, Nakamichi et Motorola), dont les premières lettres sont entourées de manière à former le pseudonyme de l’inventeur du Bitcoin, Satoshi Nakamoto. Un message qui n’a pas manqué de soulever de nombreuses théories (certains internautes se demandant même si Musk ne serait pas le véritable inventeur du Bitcoin) — la vraie identité de Satoshi Nakamoto étant toujours inconnue à ce jour.
Une chose est sûre, Musk exploite Twitter avec brio. Mais une nouvelle citation à comparaître a malgré tout été émise à son encontre le 16 novembre 2021, 10 jours après qu’il ait interrogé ses quelque 73 millions d’abonnés sur Twitter pour savoir s’il devait vendre 10% de sa participation dans Tesla — ce qui a déclenché une vente massive des actions de la société dans les 48 heures qui ont suivi. Le mois dernier, ce fut au tour de Musk d’attaquer la SEC pour « harcèlement incessant ». Aujourd’hui, il souhaite mettre fin à la surveillance de ses publications sur Twitter, arguant que l’accord signé avec la SEC est utilisé pour « piétiner » ses droits à la liberté d’expression.
Des réseaux alternatifs qui servent de refuge
Bâtir son propre réseau social pourrait permettre à Elon Musk d’éviter ce genre de plaintes et de s’exprimer plus librement. Ce futur réseau rejoindrait ainsi le nombre croissant d’entreprises technologiques se positionnant comme des « championnes de la liberté d’expression ». Leur objectif commun étant d’attirer tous les utilisateurs des réseaux grand public qui ont le sentiment de ne pas pouvoir exprimer leurs opinions et qui, bien souvent, ont été carrément bannis de ces plateformes.
À noter que jusqu’à présent, ces réseaux alternatifs — tels que Gettr (créé en 2021 par un ancien assistant et porte-parole de Donald Trump), Parler (lancé en 2018 par le libertarien John Matze) ou encore Rumble (une plateforme de vidéos lancée en 2013 par un entrepreneur canadien) — sont loin d’atteindre la même popularité que leurs homologues grand public.
Et c’est sans doute une bonne chose car, liberté d’expression oblige, ces réseaux servent souvent de moyen d’expression à l’extrême droite et certains propos racistes ou complotistes peuvent être publiés sans que leurs auteurs en soient blâmés. Parler, très utilisé par les conservateurs américains, a d’ailleurs momentanément été exclu de l’App Store d’Apple, avant d’être réintégré quelques mois plus tard lorsque l’entreprise a affirmé avoir apporté des améliorations pour mieux détecter et modérer les discours d’incitation à la haine ; concrètement, la version iOS du réseau masque désormais certains messages (mais ceux-ci restent visibles sur les versions Web et Android).
On ne sait pas quand ni comment, ou même si la plateforme d’Elon Musk verra réellement le jour, mais elle serait ouverte (par opposition à l’algorithme de Twitter) et favoriserait la liberté d’expression. Plusieurs dirigeants politiques pourraient approuver ce projet, nombreux étant ceux qui ont été choqués par la manière dont Donald Trump avait été banni d’Internet l’année dernière, y compris Emmanuel Macron et Angela Merkel.