Au cours de la dernière décennie, des études scientifiques ont maintes fois démontré l’ampleur (en croissance) de la pollution aux microplastiques de l’air, de l’eau et même de la nourriture. Les chercheurs sont toujours plus inquiets, car le plastique devient omniprésent et l’exposition aux microparticules qui en découle est quasiment inévitable. Si une étude parue en mars révélait pour la première fois la présence de microplastiques dans le sang humain, une autre plus récente l’appuie en démontrant cette fois leur présence dans les poumons. Il s’agit aussi de la première étude à révéler la présence de microplastiques non seulement chez des personnes vivantes, mais également dans les régions inférieures des poumons, où les voies sont les plus étroites.
Utiliser et jeter des objets en plastique, ces petits gestes quotidiens paraissant anodins, répétés pendant des décennies par des milliards d’entre nous, ont profondément bouleversé le subtil équilibre de notre environnement. On en produit et en rejette en effet tellement que l’on retrouve des résidus de plastique presque partout. On en a même trouvé dans les endroits les plus insoupçonnés, comme le sommet de l’Everest ou encore dans les fonds abyssaux.
Ils font même désormais partie des microparticules de poussière dans l’air qui nous entoure. Il est ainsi tout à fait logique qu’ils soient inhalés et parviennent à s’infiltrer dans notre organisme.
Les microplastiques inhalés pénètrent en profondeur les voies respiratoires
La nouvelle étude, menée par une équipe de recherche de la faculté de médecine de Hull York au Royaume-Uni, démontre à quel point l’inhalation est une voie d’exposition importante à la pollution aux microplastiques. Inspirés par le nez, ces derniers parviennent aux poumons et pénètrent leur réseau complexe de bronches et de bronchioles.
En temps normal, le mucus sécrété par les cellules tapissant ces voies respiratoires capture une grande partie des particules de poussière inhalées. Le mucus chargé de poussière est ensuite évacué vers la gorge via le mouvement des cils, qui recouvrent les parois bronchiques. Il suffit ensuite de tousser et d’expectorer pour s’en débarrasser. Cependant, une partie des microparticules de poussière (dont des microplastiques) parviennent à déjouer ce système intégré de traitement d’air.
Ces microparticules « infiltrées » atteignent alors les bronchioles et les sacs alvéolaires, qui contrairement aux bronches supérieures, sont dépourvues de cils vibratils. C’est dans ce cas précis que le système immunitaire intervient, afin de tenter d’éliminer ces particules étrangères. Toutefois, il reste assez rare (surtout chez une personne en bonne santé) que des microparticules de poussière atteignent ces zones ou y parviennent sans être aussitôt éliminées. Les auteurs de la nouvelle étude, parue dans Science Direct, ont alors à la fois été surpris et alarmés en découvrant des microplastiques profondément incrustés dans les voies respiratoires inférieures.
« Nous ne nous attendions pas à trouver un aussi grand nombre de particules (plastiques) dans les régions inférieures des poumons, ou du moins pas de cette taille là », explique dans un communiqué Laura Sadofsky, maître de conférences en médecine respiratoire à la faculté de médecine Hull York et auteur principal de l’article. « C’est surprenant, car les voies respiratoires sont plus petites dans les parties inférieures des poumons, et l’on s’attendait à ce que des particules de ces tailles soient filtrées ou piégées avant d’arriver aussi loin », s’inquiète-t-elle.
D’après le groupe d’experts, le polyéthylène (composant par exemple les sacs plastiques) figurait parmi les microplastiques les plus abondants dans les poumons inférieurs. Il y avait aussi du nylon (une fibre synthétique que l’on retrouve dans beaucoup de vêtements) ainsi que de la résine (présente dans le caoutchouc des pneus). Bien que les impacts sur la santé ne soient pas encore clairs, la nouvelle étude démontre l’urgence d’entreprendre plus de recherches dans ce sens.
11 poumons sur 13
Pour pouvoir effectuer leurs analyses, les chercheurs ont prélevé des échantillons de tissu de poumons de patients subissant une intervention chirurgicale. Si auparavant on avait déjà détecté des microplastiques dans des poumons après des autopsies, les scientifiques en ont cette fois découvert pour la première fois dans du tissu pulmonaire vivant.
Au total, 39 particules de microplastiques ont été identifiées dans 11 des 13 échantillons prélevés. D’après les experts, ce chiffre est considérablement plus élevé que ceux révélés par tous les tests antérieurs. 11 particules ont été détectées dans une partie supérieure du poumon, sept autres dans la partie médiane, tandis que les 21 restantes ont été trouvées dans la partie inférieure, ce qui était inattendu.
De plus, parmi les types de microplastiques retrouvés dans les échantillons, 12 sont couramment utilisés au quotidien ; ils composent les emballages, les bouteilles, les cordes, etc. Par ailleurs, le taux de microplastiques chez les hommes était largement plus élevé que chez les femmes.
Selon les auteurs de l’étude, la caractérisation des types et des taux de microplastiques permettra de reproduire des conditions en laboratoire afin de mieux comprendre les impacts sur la santé.