Pour la première fois, des scientifiques ont évalué l’impact de l’ablation partielle de tumeurs du foie sur le système immunitaire et les résultats en matière de survie. Des chercheurs de l’université du Michigan ont utilisé une méthode d’ultrasons efficace et non invasive pour cibler 50 à 70% des tumeurs : l’histotripsie. Les résultats très prometteurs devront être confirmés en vue d’une potentielle application clinique.
Le cancer du foie est l’une des dix premières causes de décès lié au cancer dans le monde. Le foie est également un site fréquent de métastases — cellules cancéreuses d’un organe qui proviennent d’un autre organe — provenant du cancer colorectal, du cancer du pancréas, du mélanome, du cancer du poumon et du cancer du sein. Selon la localisation et le stade du cancer du foie, de multiples options thérapeutiques sont disponibles, comme la résection chirurgicale, la transplantation hépatique, les techniques d’ablation, la chimiothérapie… mais le taux de survie à 5 ans des patients aux États-Unis n’est que de 20%.
Depuis peu, les scientifiques ont alors décidé d’utiliser les ultrasons pour cibler le cancer de manière non invasive ; la technique mise au point par l’équipe américaine se sert des ondes ultrasonores délivrées par impulsions (d’une durée de quelques microsecondes) pour détruire mécaniquement le tissu ciblé. Il faut savoir que les appareils à ultrasons traditionnels utilisent des impulsions de bien plus faible amplitude, uniquement pour la production d’images.
L’histotripsie — ou écrasement chirurgical des tissus — entraîne la formation de microbulles qui se dilatent et se contractent rapidement. Le stress mécanique qui en résulte tue les cellules cancéreuses du tissu ciblé et démantèle la structure de la tumeur. Déjà utilisée en 2020, la technique est légèrement différente puisque les microbulles sont injectées dans la tumeur, plutôt que générées de l’extérieur.
Cibler la totalité des tumeurs du foie n’est pas nécessaire
En outre, les chercheurs américains ont voulu savoir si l’histotripsie induisait une réponse immunitaire au reste de l’organisme non ciblé. Dans leur hypothèse de départ, il n’était pas forcément nécessaire de cibler la totalité des tumeurs, le système immunitaire stimulé se chargeant d’éliminer le reste des cellules tumorales ; il s’agit de la mort cellulaire immunogène. Avec la méthode d’histotripsie, les chercheurs se sont donc focalisés sur l’effet de l’ablation partielle (50 à 70%) de tumeurs du foie de rongeurs sur la progression de la tumeur non ciblée, les résultats de survie, le risque de métastases et l’infiltration immunitaire.
« Même avec une ablation partielle, une régression tumorale locale complète a été observée chez 81% des rats traités, sans récidive ni métastase », rapportent les auteurs de l’étude. En effet, la destruction partielle des tumeurs a stimulé la réponse immunitaire des rats, qui ont éliminé le reste. En revanche, la totalité des animaux témoins non traités par les ultrasons a présenté une progression tumorale locale et des métastases au foie.
Pourtant, les chercheurs ne connaissent pas avec précision les mécanismes à l’origine de la destruction des tumeurs non ciblées, et des études complémentaires seront donc nécessaires. Utilisée pour traiter la tumeur du foie à un stade précoce, la technique pourrait également être adaptée pour traiter des tumeurs à différents stades de progression du cancer.
« L’histotripsie est une option prometteuse qui peut surmonter les limites des modalités d’ablation actuellement disponibles et fournir une ablation non invasive sûre et efficace des tumeurs hépatiques », a conclu dans un communiqué Tejaswi Worlikar, auteur principal de l’étude. « Nous espérons que les enseignements tirés de cette étude motiveront de futures recherches précliniques et cliniques sur l’histotripsie, dans le but ultime de l’adoption clinique du traitement par histotripsie pour les patients atteints de cancer du foie ».