Des chercheurs japonais ont mis au point un système permettant de produire des diamants d’un très grand degré de pureté. Leur objectif étant de les utiliser comme composants pour des ordinateurs quantiques, grâce à leurs propriétés particulières. Les diamants obtenus permettent notamment de stocker l’équivalent d’un milliard de disques Blu-ray sur 5 centimètres de diamètre.
« La plaquette de diamant nouvellement développée a un diamètre de 2 pouces (environ 55 mm), beaucoup plus grand que le cristal de 4 mm × 4 mm actuellement disponible », affirme l’entreprise Namiki Precision Jewel Co., à l’origine de ce nouveau matériau avec l’Université Saga, dans un communiqué de presse. Ces « tranches » de diamant pourraient être utilisées comme supports de stockage au sein des ordinateurs quantiques.
Un « ordinateur quantique » s’appuie, pour effectuer ses calculs, sur des principes de physique quantique. Cette dernière est la science qui s’intéresse au comportement de la matière et de la lumière à un niveau microscopique, ou atomique. En effet, en observant la matière à cette échelle, les scientifiques ont peu à peu découvert qu’elle se comporte de façon assez contre-intuitive en comparaison de la physique classique. C’est en étudiant ces comportements que de nouveaux principes physiques sont apparus. Ils sont toujours en exploration à ce jour. L’une des applications concrètes de cette physique réside dans la création d’ordinateurs quantiques.
Un ordinateur classique a pour base de fonctionnement les « bits ». Ils sont l’unité d’information élémentaire. Un bit peut être à l’état 0 ou 1, et c’est sur ces 0 et 1 que reposent tous les codes plus complexes des ordinateurs, faisant les programmes. Un ordinateur quantique, lui, utilise des « qubits ». Ceux-ci peuvent être, en quelque sorte, à la fois 0 et 1, dans une superposition d’états. C’est ce qu’on appelle le « principe de superposition quantique ».
Plus concrètement, ce que l’on nomme « qubits » sont en fait des atomes, que l’on « organise » selon divers moyens pour qu’ils interagissent entre eux et se placent dans ces états quantiques requis pour le calculateur. Différents types d’atomes et différents systèmes sont utilisés. Par exemple, il existe des « pièges magnétiques » pour des ions positifs. Le diamant est un autre système de stockage prometteur pour les qubits, qui est exploré depuis plusieurs années.
Des diamants sur un escalier
Un défaut particulier dans la structure du cristal, connu sous le nom de « centre azote-lacune », ou NV, peut en effet être utilisé pour stocker des données sous la forme de bits quantiques. « Le centre NV est constitué d’un atome d’azote et d’une lacune correspondante dans le réseau de diamant. Ce centre NV pourrait former une force magnétique minuscule et fonctionner comme une mémoire quantique au niveau atomique », expliquent les chercheurs. Ce système est cependant confronté à quelques difficultés. En effet, c’est l’atome d’azote qui permet de le faire fonctionner. Pourtant, trop d’azote dans le diamant perturbe ses capacités de stockage quantique. Il faut donc idéalement créer un diamant très pur, mais suffisamment grand pour offrir de « l’espace de stockage » . Or, ce n’est pas chose facile.
En effet, habituellement, les diamants (non naturels) sont fabriqués en faisant croître les cristaux sur une surface plane, un substrat. Mais s’ils sont trop grands, ils peuvent facilement se fissurer sous la contrainte. Cette fois-ci, les chercheurs ont donc appliqué une autre méthode. Ils ont utilisé non pas une surface plane, mais une surface en forme d’escaliers, pour répartir la contrainte de façon différente et éviter les craquelures.
Ils sont ainsi parvenus à créer un diamant d’un peu plus de cinq centimètres, d’un degré de pureté très élevé. Ils l’ont nommé Kenzan Diamond. Selon eux, celui-ci permettrait, en termes de mémoire, de stocker l’équivalent d’un milliard de disques Blu-ray. Pour donner un point de comparaison, un disque Blu-ray avec une seule couche peut contenir 25 Gb de données. La capacité de stockage du diamant représenterait donc 25 exabytes, ce qui, selon l’entreprise, « équivaut à toutes les données mobiles distribuées dans le monde en une journée ».
Les scientifiques espèrent commercialiser ce matériau en 2023, et travaillent déjà sur un doublement de sa taille — pour arriver à dix centimètres. Leurs résultats seront présentés le 10 mai 2022 à la Conférence internationale sur la technologie de fabrication de semi-conducteurs composés.