Malgré leur conception ultra-sécurisée par les meilleurs ingénieurs, les combinaisons spatiales ne sont malheureusement pas à l’abri des accidents. Les combinaisons spatiales de la NASA (Extravehicular Mobility Unit (EMU)) ont récemment été déclarées hors d’usage, après une récente et dangereuse infiltration d’eau lors d’une sortie dans l’espace. Ce type d’accident ne s’était pas produit depuis 2013, lorsqu’une pellicule d’eau s’est déposée au fond du casque de l’astronaute Matthias Maurer durant sa dernière sortie extravéhiculaire, le 23 mars dernier. Les experts de la NASA n’ont pas encore déterminé l’origine de l’infiltration, mais l’astronaute aurait pu courir le risque de se noyer — d’après l’événement vécu par Luca Parmitano en 2013.
Il existe plusieurs types de combinaisons spatiales, dont l’une, notamment l’EMU, est exclusivement destinée aux sorties à l’extérieur. Pour pouvoir résister aux conditions extrêmes du vide de l’espace tout en permettant à l’astronaute de bien respirer à l’intérieur, elles doivent être parfaitement étanches et munies de filtres spéciaux qui ne laissent passer que les molécules essentielles, comme le dioxygène.
Pour pouvoir assurer l’intégrité physique de l’astronaute lors de ses sorties extravéhiculaires (ou EVA), la combinaison doit d’abord assurer une pression interne stable pour qu’il puisse respirer normalement. L’air à l’intérieur de la combinaison est renouvelé avec du dioxygène pur, afin de préserver une pression acceptable (tout de même équivalente à celle du sommet de l’Everest). Il faut également une réserve d’eau et d’oxygène, un épurateur de gaz (pour recycler le CO2 rejeté par l’expiration) et un dispositif d’approvisionnement et d’évacuation des gaz et des liquides (sueur, urine, eau d’expiration, …).
La combinaison doit également être pourvue d’un bon système d’isolation et de régulation de la température, pour protéger le porteur des températures extrêmes à l’extérieur de l’ISS (plus de 120 °C sur la face ensoleillée et -150 °C dans la zone ombragée). De plus, elle ne doit pas laisser passer les radiations électromagnétiques (qui exposent directement les astronautes sans atmosphère pour les filtrer) et les micrométéorites.
Par ailleurs, pour assurer pleinement la sécurité des astronautes dans l’espace, les combinaisons spatiales passent de nombreux tests avant leur utilisation. Pourtant, en aidant l’astronaute allemand Matthias Maurer à sortir de sa combinaison après une activité extravéhiculaire, l’astronaute Kayla Barron a constaté que de l’eau recouvrait jusqu’à 50% de la visière de son casque. Le coussinet absorbeur à l’arrière du casque était également humide. Il y avait « un cercle d’environ 8 à 10 pouces (20 à 25 centimètres) de diamètre d’une fine pellicule d’eau dans le casque. Il y avait également de l’eau dans son orifice de ventilation situé à l’arrière », précise Barron à CBS News.
L’infiltration d’eau est en effet très préoccupante, car l’astronaute court alors le risque de se noyer si les particules d’eau finissent par recouvrir son nez et sa bouche. Et bien que l’équipage n’ait pas encore pu quantifier précisément l’eau infiltrée, « nous avons dû accélérer les étapes pour le sortir de sa combinaison », estime Barron.
Un risque réel de noyade
L’origine de l’infiltration d’eau en mars denier n’a pas encore été découverte, mais l’incident de 2013 avec Luca Parmitano confirme les risques auxquels les astronautes auraient pu être exposés. Après être revenu de sa sortie extravéhiculaire, Parmitano avait accumulé presque un litre d’eau à l’intérieur de son casque. Le liquide était apparemment resté inaperçu avant la rentrée de l’astronaute dans le sas de l’ISS. L’équipe avait initialement conclu qu’il provenait d’un sac de boisson, accidentellement percé lors de son entrée dans le vaisseau.
Une semaine plus tard cependant, Parmitano a signalé avoir de l’eau dans son casque, derrière sa tête et devant son visage. Incapable d’identifier l’origine de la fuite, il avait tout de même poursuivi son activité extravéhiculaire jusqu’à ce que l’eau atteigne son visage, son nez et ses yeux, l’empêchant de voir et respirer correctement. Après avoir suspendu la sortie, l’équipage a prélevé cette fois-ci environ un litre et demi d’eau dans le casque de l’astronaute, qui aurait pu se noyer s’il avait persisté à poursuivre sa mission.
Face à la gravité de la situation, l’ISS avait à l’époque instauré un programme d’enquête dénommé Mishap Investigation Board. Les experts de ce programme ont alors conclu que l’infiltration d’eau dans la combinaison de Parmitano était due à l’obstruction des trous du tambour dans le séparateur d’eau, entraînant le détournement d’eau dans la boucle de ventilation.
Des solutions provisoires
La NASA a déclaré l’interdiction d’utilisation des combinaisons EMU en attendant d’identifier et analyser les causes possibles de l’infiltration d’eau. Toutefois, les responsables estiment qu’elles pourraient rester utilisables pour des opérations d’urgence nécessitant une sortie. Seules les sorties programmées sont donc pour le moment exclues. « Nous ne ferons donc pas d’activité extravéhiculaire planifiée tant que nous n’aurons pas eu la chance de vraiment aborder et d’exclure les principaux modes de défaillance du système », explique Dana Weigel, directrice adjointe du programme de l’ISS au Johnson Space Center à Houston.
Comme solution provisoire et pour les situations d’urgence, la NASA a installé une éponge d’absorption à l’arrière des casques (HAP) pour absorber toute infiltration d’eau minime, et dont l’état sera signalé à tout moment (après chaque sortie). Un tube respiratoire séparé a également été rajouté pour l’alimentation en air. De plus, un coussin absorbant supplémentaire a été installé pour faire office de barrage, afin que l’eau ne parvienne pas à l’avant du casque.
En attendant de parvenir à une solution définitive, les équipes de la NASA prévoient de renvoyer sur Terre l’EMU défectueuse afin de l’analyser. Si quatre autres sorties étaient prévues pour cette année, elles sont pour l’instant suspendues jusqu’à nouvel ordre.