Une partie du monde émerge à peine d’une situation de crise inédite due au SARS-CoV-2, tandis que d’autres pays voient les cas exploser, et une nouvelle épidémie semble se profiler. À travers la planète, plusieurs pays rapportent des cas de variole du singe au sein de leur population. L’OMS se dit préoccupée par cette situation d’ampleur mondiale et sans précédent en matière de propagation de cette pathologie, létale dans près de 10% des cas. Quels sont les symptômes, la dangerosité et les traitements ? Faut-il s’inquiéter de cette propagation fulgurante ?
Aujourd’hui, après le Royaume-Uni, l’Espagne, le Portugal, la Suède, l’Italie, le Canada et les États-Unis, la France confirme à son tour un premier cas de variole du singe, en Île-de-France. L’apparition de nombreux cas de cette maladie en Amérique du Nord et en Europe inquiète, alors qu’elle est normalement cantonnée au continent africain.
La variole du singe est une zoonose virale, aussi appelée orthopoxvirose simienne ou « monkeypox » en anglais. Ce virus est transmis à l’être humain par les animaux — singes et rongeurs —, mais également entre humains, et peut repasser chez l’animal. Il est très peu sélectif en matière d’hôtes. La pathologie se manifeste généralement par de la fièvre, des maux de tête ou de dos, des douleurs musculaires, des ganglions lymphatiques enflés et des éruptions cutanées similaires à celles provoquées par la varicelle.
Avec l’éradication de la variole officiellement annoncée par l’OMS en 1980 après une campagne de vaccination massive, et l’arrêt de la vaccination antivariolique qui a suivi, cet orthopoxvirus a émergé comme le virus le plus important de ce genre. D’ailleurs, l’Espagne s’emploie à refaire ses stocks de vaccins. En France, il a été décidé en 1979 de ne plus imposer la primo-vaccination contre la variole, avant que l’obligation vaccinale ne soit définitivement levée en 1984.
Un virus originaire d’Afrique
Le premier cas historique d’orthopoxvirose simienne chez l’homme date de 1970 en République démocratique du Congo, chez un garçon âgé de 9 ans vivant dans une région d’où la variole avait été éliminée depuis 1968. Depuis lors, on a signalé la majorité des cas dans des régions rurales et des zones de forêts tropicales humides dans le Bassin du Congo et en Afrique de l’Ouest, notamment en République démocratique du Congo, où l’on considère qu’elle est endémique.
Au printemps 2003, des cas d’orthopoxvirose simienne ont été confirmés aux États-Unis d’Amérique, marquant ainsi la première apparition de cette maladie en dehors du continent africain. La plupart des patients avaient été en contact avec des chiens de prairie domestiques, infectés par des rongeurs africains importés.
Actuellement, pour l’ensemble des cas confirmés, les analyses ont mis en évidence un virus appartenant au clade « Afrique de l’Ouest » du virus MKP, suggérant un lien initial avec le Nigéria, pays dans lequel le virus circule régulièrement depuis 2017. Hormis le cas signalé au Royaume-Uni le 7 mai dernier importé du Nigéria, les nouveaux cas signalés ne rapportent pas de voyage en Afrique ou de lien avec une personne de retour d’Afrique. À ce stade cependant, les cas rapportés sont majoritairement bénins, et il n’y a pas de décès signalé.
Faut-il s’inquiéter de la maladie ?
La durée d’incubation — intervalle s’écoulant entre l’infection et l’apparition des symptômes — est en général de 6 à 16 jours, mais peut aller de 5 à 21 jours. L’infection peut être divisée en 2 périodes. Dans un premier temps, la période invasive (0–5 jours) est caractérisée par de la fièvre, d’intenses céphalées, une adénopathie (tuméfaction des ganglions), des douleurs dorsales, des myalgies (douleurs musculaires) et une grande asthénie (fatigue/manque d’énergie).
Dans un second temps, la période d’éruption cutanée s’établit dans les 1 à 3 jours suivant l’apparition de la fièvre, avec les différents stades de l’éruption cutanée commençant souvent par le visage puis s’étendant sur les autres parties du corps. Le visage (dans 95% des cas), les paumes des mains et les plantes des pieds (dans 75% des cas) sont les plus touchés. L’éruption cutanée évolue en une dizaine de jours à partir des maculo-papules (lésions à base aplatie) vers les vésicules (petites ampoules remplies de liquide), puis les pustules et enfin les croûtes. La disparition complète de ces dernières peut prendre jusqu’à trois semaines.
Le nombre de lésions varie de quelques-unes à plusieurs milliers, touchant la muqueuse buccale (dans 70% des cas), les organes génitaux (30%), les conjonctives (paupières) (20%), ainsi que la cornée (globe oculaire). Certains patients présentent une adénopathie sévère (tuméfaction des ganglions lymphatiques) avant l’apparition de l’éruption cutanée, ce qui est un signe distinctif de l’orthopoxvirose simienne par rapport à d’autres maladies comparables.
Les cas graves se produisent plus fréquemment chez les enfants et sont liés à l’ampleur de l’exposition au virus, à l’état de santé du patient et à la gravité des complications. L’OMS estime à moins de 10% le taux de létalité. Il n’y a pas de traitement spécifique, mais la variole du singe guérit en général spontanément et les symptômes durent de 14 à 21 jours. Il n’y a pas lieu de paniquer ou de s’inquiéter outre mesure, à l’heure actuelle.
Malgré l’éradication de la maladie en 1980, de nombreux laboratoires ont continué à travailler sur des vaccins antivarioliques, afin de supprimer les effets secondaires des vaccins de premières générations. De plus, en France, un stock stratégique de vaccins a été constitué dans le but de répondre à une attaque bioterroriste. S’il advenait une multiplication inquiétante des cas sur le territoire, ce stock constituerait une première réponse.
Sans compter que certains antiviraux seraient efficaces, chez les modèles animaux, contre ce genre de virus, à l’image du Cidofovir et du Brincidofovir, selon les CDC (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies) — agence fédérale principale des États-Unis en matière de protection de la santé publique. Malheureusement, aucune donnée n’est disponible quant à son bénéfice chez l’Homme.
Inquiétude mondiale et multiplication des zoonoses
Certes, de facto, la variole du singe n’a rien de similaire à la pandémie de COVID-19. Cependant, ce qui inquiète profondément les autorités sanitaires, c’est sa propagation soudaine à travers le monde. Cela n’a jamais été rapporté précédemment. À l’instar de la pandémie récente, l’OMS met en garde contre ces zoonoses risquant de se multiplier dans les années à venir, par le biais de nos activités.
Effectivement, que ce soit par la mondialisation des échanges, induisant l’importation d’espèces étrangères porteuses potentiellement de virus, ou par la déforestation intensive chassant les espèces de leur milieu naturel, les contacts entre l’Homme et les animaux sauvages augmentent. Ces risques de zoonoses sont également liés au changement climatique, autre résultat de nos comportements anthropocentrés, les espèces fuyant des régions devenues inhospitalières. Une étude publiée dans Nature en avril dernier estimait à plus de 10 000 espèces les virus ayant la capacité d’infecter les humains, mais à l’heure actuelle, la grande majorité circule silencieusement chez les mammifères sauvages.
Cette émergence mondiale de cas de variole, ainsi que les résultats des études sur les zoonoses, mettent en évidence un besoin urgent d’associer les efforts de surveillance et de découverte virale à des enquêtes sur la biodiversité. Ceci dans le but de suivre les changements d’aires de répartition des espèces, en particulier dans les régions tropicales abritant le plus de zoonoses et subissant un réchauffement rapide.
Même si l’OMS se veut rassurante concernant la variole du singe, la prudence est de mise. La sensibilisation de la population aux enjeux de la protection de la nature est cruciale. L’enjeu n’est plus la simple disparition d’une espèce emblématique, provoquant l’émoi, mais bien l’avenir de l’Homme et de sa santé. Prenons cette épidémie de variole comme un autre signal d’alarme qui doit être entendu.