La vitamine D, ou « vitamine du soleil », cet élément essentiel à de nombreuses voies métaboliques dans notre organisme, joue un rôle crucial pour notre santé. Si l’on a tendance à penser qu’il suffirait de s’exposer au Soleil pour en obtenir, il arrive que cela ne soit pas suffisant selon les pays (ensoleillement). Il faut alors se tourner vers les ressources nutritionnelles, surtout en hiver où la lumière du Soleil est la plus faible. Cependant, la plupart des aliments ne contiennent que très peu de vitamine D, et les plantes (notamment les fruits et les légumes), en contiennent encore moins. Des scientifiques ont alors créé des tomates génétiquement modifiées pour en faire de véritables « bio-usines » à vitamine D. Après l’exposition des plants à un rayonnement ultraviolet, la vitamine y serait présente en quantité importante dans les fruits et les feuilles, ce qui permettrait peut-être de limiter le gaspillage des feuilles — notamment par la fabrication de compléments alimentaires naturels riches en vitamine D.
La vitamine D intervient dans de nombreux processus physiologiques vitaux à notre organisme, comme la fixation du calcium aux os, et contribue à son bon développement global (ou à sa réparation post-traumatique). Elle assure aussi un rôle fondamental dans le renforcement et le bon fonctionnement du système immunitaire, y compris les processus inflammatoires. La carence en vitamine D peut ainsi être impliquée dans le risque de cancer par exemple, et serait même impliquée dans la gravité des infections au SARS-CoV-2 (COVID-19), selon certaines études. La carence peut aussi être un facteur de risque de développement de pathologies neurologiques telles que la maladie de Parkinson et la démence, dont Alzheimer. Cette implication s’explique par le rôle de la vitamine D dans les voies de signalisation d’importants neurotransmetteurs.
Exposée à la lumière ultraviolette, notre peau synthétise naturellement de la vitamine D3, la forme de la vitamine D la plus disponible dans la nature. Toutefois, cette capacité peut considérablement varier d’un individu à l’autre. De plus, les régions en haute latitude sont très peu exposées au Soleil en hiver. Les lacunes doivent ainsi être comblées par des apports nutritionnels. Or, la plupart des aliments que nous consommons ne contiennent que peu de vitamine D, et l’on doit ingérer une grande variété d’aliments pour pouvoir satisfaire les besoins en cette vitamine. L’on doit aussi parfois faire appel à des compléments alimentaires, tels que l’huile de foie de morue.
De plus, il y a aujourd’hui une certaine tendance à adopter des régimes végétariens ou végétaliens. Pourtant, pour les concernés, les ressources en vitamine D sont encore plus faibles, car les plantes en contiennent beaucoup moins que le poisson ou la viande. Les chercheurs de la nouvelle étude, parue dans la revue Nature Plants, proposent alors une nouvelle ressource en vitamine D, apparemment simple à produire et facilement accessible à terme.
« Les tomates enrichies en provitamine D que nous avons produites offrent une source végétale indispensable de ‘vitamine soleil’ », déclare dans un communiqué le Dr Jie Li, auteure principale de l’étude et chercheuse postdoctorale à l’Institut John Innes, au Royaume-Uni. « C’est une excellente nouvelle pour les personnes qui adoptent un régime riche en plantes — végétarien ou végétalien — et pour le nombre croissant de personnes dans le monde souffrant du problème de carence en vitamine D », ajoute-t-elle. 40% des Européens et un milliard de personnes dans le monde seraient en effet carencés en vitamine D.
De la vitamine D dans les feuilles et les fruits
Pour donner naissance à leurs nouveaux plants de tomate, les chercheurs britanniques ont utilisé la technique d’édition de gènes CRISPR-Cas9. Ils ont notamment désactivé un gène spécifique de la plante d’origine (la tomate sauvage) afin d’augmenter le taux de provitamine D3 dans les feuilles et les fruits. Exposées aux rayons ultraviolets du soleil, ces molécules se transforment en vitamine D3.
Ce qu’il faut savoir, c’est que les feuilles des tomates contiennent naturellement des molécules appelées 7-déhydrocholestérol (7-DHC) qui peuvent jouer le rôle de provitamine D3. Cependant, elles ne sont présentes qu’à des taux infimes et ne parviennent pas à s’accumuler dans les fruits arrivés à maturité. La plante d’origine secrète notamment une enzyme spécifique, nommée Sl7-DR2, qui dégrade la 7-DHC en d’autres molécules.
Les scientifiques ont alors retouché le génome de la tomate pour que cette enzyme soit inactive, afin que la 7-DHC parvienne jusqu’aux fruits mûrs. Par la suite, les plants génétiquement modifiés ont vu leurs taux de 7-DHC augmenter jusqu’à 600 microgrammes par gramme de feuilles séchées (l’apport quotidien recommandé pour un adulte est d’environ 10 microgrammes). Les feuilles de ces tomates peuvent ainsi être consommées ou transformées en produits dérivés au lieu d’être rejetées, contrairement à celles des tomates d’origine.
De plus, la 7-DHC a également été observée dans les fruits. Exposés à un rayonnement ultraviolet durant une heure, les feuilles et les fruits tranchés contenaient une quantité importante de vitamine D3. Une seule tomate contenait en effet l’équivalent en vitamine D3 de deux œufs de taille moyenne ou de 28 grammes de thon. D’après les auteurs de l’étude, cette quantité peut encore être augmentée en prolongeant l’exposition au Soleil par le séchage, par exemple.
Par ailleurs, le blocage de l’enzyme n’entraverait ni la croissance ni le rendement des plants de tomates. De plus, la technique pourrait également être appliquée à d’autres solanacées (pommes de terre, aubergines, poivrons, piments, …) dont les voies biochimiques de la 7-DHC sont similaires à celles de la tomate.