Les biomatériaux métalliques sont largement utilisés dans la fabrication de prothèses de la hanche ou du genou. Cependant, leur composition n’est pas encore optimale, de sorte que leur rigidité peut entraîner une atrophie de l’os. Au contraire, les matériaux plus souples ont tendance à perdre leur résistance à l’usure avec le temps. Des chercheurs viennent de mettre au point un biomatériau de chrome et de cobalt aussi flexible que les os humains, et qui possède une très bonne résistance à l’usure.
L’accroissement du nombre de personnes âgées dans le monde impose de trouver de nouvelles technologies d’application biomédicale. Ainsi, la demande de biomatériaux permettant de remplacer ou de soutenir des tissus durs défaillants dans le corps a fortement augmenté. Utilisés à cette fin, des biomatériaux métalliques efficaces et sûrs nécessitent trois qualités principales : une bonne biocompatibilité, une résistance élevée à la corrosion et une bonne résistance à l’usure.
Aujourd’hui, les alliages métalliques présentent déjà de bonnes propriétés de résistance et de ductilité (capacité d’un matériau à se déformer sans se rompre), mais leur flexibilité n’est souvent pas optimale dans le temps. Ces alliages sont plus rigides que l’os, ce qui peut engendrer une dégradation de la structure osseuse (ou atrophie osseuse). Alors que les matériaux plus flexibles perdent leur résistance à l’usure à terme.
Il existe également des alliages superélastiques, flexibles et durables, mais le nickel qu’ils contiennent pose problème. Utilisés dans les stents et les fils orthodontiques, ces alliages de nickel-titane (Ni-Ti) présentent des risques de réactions allergiques. La solution réside donc dans la conception d’une version de ces matériaux superélastiques et sans nickel.
Un alliage de chrome-cobalt avec un module de Young similaire à celui des os humains
Pour cette nouvelle étude, les chercheurs de l’École supérieure d’ingénierie et de l’Institut de recherche sur les matériaux de l’université de Tohoku au Japon, du Centre J-PARC, de l’Agence japonaise de l’énergie atomique et de l’Académie tchèque des sciences, se sont focalisés sur le module de Young. Il permet de mesurer la facilité d’un matériau à s’étirer et à se déformer, en fonction de sa structure cristalline. Un matériau flexible a un faible module de Young, tandis qu’un matériau rigide a un module de Young élevé.
Il a été mis en évidence l’intérêt de développer un alliage avec un faible module de Young, similaire à celui des os humains, pour une meilleure flexibilité. En effet, une grande différence entre le module de Young de l’implant et celui de l’os entraîne l’atrophie de ce dernier et le desserrement des implants au fil du temps. « Comme le module de Young dépend de l’orientation du cristal, nous avons fait croître des monocristaux avec une orientation cristalline spécifique », a déclaré dans un communiqué de l’université Xiao Xu, auteur correspondant de l’étude.
Xu et son équipe ont réussi à créer un nouveau matériau à base de chrome et de cobalt avec de grands monocristaux, à l’aide d’une technique de traitement thermique cyclique. L’alliage Co-Cr-Al-Si (CCAS) est optimal et présente un taux de récupération de la déformation de 17%, soit deux fois celui des alliages de nickel classiques. « Nous savions que le chrome possédait une forte résistance à la corrosion, mais la superélasticité, la flexibilité et la résistance à l’usure du matériau à base de cobalt et de chrome nous ont surpris », a ajouté Xu.
Le module de Young du CCAS est extrêmement faible, de 10 à 30 gigapascals, ce qui est similaire aux os humains. « Pour ces raisons, nous pensons que nos nouveaux alliages cobalt-chrome sont des candidats prometteurs pour les applications biomédicales », concluent les chercheurs. Ils s’attachent dès maintenant à mieux comprendre pourquoi leurs alliages présentent ces excellentes propriétés, afin de les améliorer davantage.