La mise au point d’ordinateurs quantiques exploitables et stables est au coeur des recherches en informatique quantique. Après Sycamore en 2019 et Zuchongzhi l’année dernière, des chercheurs canadiens ont développé Borealis, un ordinateur quantique photonique doté de 216 qubits, qui surpasse les meilleurs superordinateurs classiques pour des tâches spécifiques. Pour la première fois, la machine a été mise à la disposition du public via Xanadu Cloud et Amazon Braket.
En utilisant les propriétés de la mécanique quantique, les ordinateurs quantiques ont la capacité de largement surpasser la vitesse d’exécution de calculs des ordinateurs classiques. Quand ce seuil est atteint, on parle alors d’avantage quantique (ou suprématie quantique).
Google a été le premier à atteindre cet objectif en 2019 avec son processeur Sycamore, lequel peut résoudre un problème impliquant l’échantillonnage de nombres aléatoires, ce qui est impossible à réaliser pour les ordinateurs classiques. L’année dernière, des chercheurs de l’Université des sciences et technologies de Chine étaient parvenus à améliorer ce même type de machine. Baptisée Zuchongzhi, elle avait résolu en seulement 4,2 heures un calcul qui durerait normalement des milliers d’années sur un ordinateur classique.
La nouvelle machine, construite par Jonathan Lavoie — de Xanadu Quantum Technologies à Toronto au Canada — et son équipe, offre un processeur photonique supérieur aux précédentes versions, d’une programmabilité dynamique. Nommée Borealis, elle utilise des particules de lumière (photons) qui voyagent dans une série de boucles de fibre optique et de dispositifs quantiques pour résoudre le problème d’échantillonnage de bosons.
En clair, Borealis a la capacité de mesurer directement le comportement de photons intriqués (c’est-à-dire liés de manière quantique) : 125 en moyenne, et jusqu’à 219 maximum, au lieu des 113 précédents. En utilisant des boucles de fibre optique, le passage de certains photons est retardé par rapport à d’autres, ce qui les sépare dans le temps plutôt que dans l’espace. Il s’agit d’une toute nouvelle approche en la matière.
Borealis : 50 millions de fois plus rapide que les machines photoniques précédentes
« Il faudrait plus de 9000 ans aux meilleurs algorithmes et superordinateurs disponibles pour produire, par des méthodes exactes, un seul échantillon de la distribution programmée, alors que Borealis ne nécessite que 36 microsecondes », écrivent les auteurs de la nouvelle étude, parue dans Nature. « Cet avantage de temps d’exécution est plus de 50 millions de fois supérieur à celui rapporté pour les machines photoniques antérieures ».
Les chercheurs relèvent l’intérêt de la technologie photonique dans l’informatique quantique et travaillent dès maintenant sur un processeur évolutif et tolérant aux pannes, afin d’améliorer la machine. Connectée à internet, elle a également été mise à disposition du public, qui peut désormais la programmer pour son usage personnel pour la première fois. En effet, l’architecture simplifiée du processeur permet un contrôle facile et à la portée de toute personne qui possède une connexion internet. « De tels utilisateurs peuvent accéder à la machine sans aucune connaissance du matériel sous-jacent, une propriété clé pour explorer son utilisation pour résoudre des problèmes sur des données structurées, plutôt qu’aléatoires », expliquent les chercheurs.
Cependant, Borealis n’est pas un ordinateur quantique entièrement programmable comme Sycamore ou Zuchongzhi. Un composant appelé interféromètre — mesurant les schémas d’interférence pour extraire des informations des photons — a été limité à l’enregistrement de certaines interactions entre photons afin d’obtenir des données plus claires.