Les scientifiques cherchent depuis longtemps à déterminer comment la vie est apparue sur Terre, ainsi que les possibilités de son émergence sur d’autres planètes. Une nouvelle découverte suggère que l’acide ribonucléique (ou ARN) peut se former spontanément sur du verre basaltique, matériau abondant sur Terre il y a environ 4,35 milliards d’années, et que l’on retrouve aussi sur Mars.
Lequel est apparu en premier, l’ADN ou la protéine ? Ce paradoxe récurrent s’applique aussi à l’origine de la vie sur Terre. Une hypothèse alternative, proposée il y a 60 ans et nommée « The RNA World hypothesis », suggère que l’ARN est à l’origine du vivant. Cet acide est le lien entre l’ADN et la production des protéines dans nos cellules : les nucléotides de l’ARN transcrits à partir de l’ADN sont utilisés pour générer des protéines.
Cependant, beaucoup de scientifiques considèrent que la structure de l’ARN est bien trop complexe pour avoir émergé spontanément. Ils estiment alors que pour être valable, le modèle « ARN en premier » doit exiger au minimum une démonstration expérimentale de la formation de molécules d’ARN suffisamment longues pour soutenir l’évolution darwinienne (entre 50 et 5000 nucléotides).
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Le verre volcanique basaltique convertissent les triphosphates en ARN
L’époque Hadéenne (le premier éon de l’histoire de la Terre) d’il y a environ 4,35 milliards d’années implique que le processus doit s’être déroulé sans intervention humaine. Par ailleurs, le verre volcanique basaltique étant très présent à cette époque, le matériau a dû être largement impliqué dans la formation d’ARN. « Pendant plusieurs centaines de millions d’années après la formation de la Lune, les impacts fréquents couplés à un volcanisme abondant sur la jeune planète ont formé de la lave basaltique en fusion, la source du verre basaltique », explique Stephen Mojzsis, l’un des chercheurs de la nouvelle étude. « Les impacts ont également évaporé l’eau pour donner des terres sèches, fournissant des aquifères où l’ARN a pu se former ».
La fabrication de l’ARN (ou acide polyribonucléique) nécessite des ribonucléosides triphosphates. À la lumière du contexte géologique de l’époque, les chercheurs partent de l’hypothèse que les verres de basalte convertissent dans l’eau les ribonucléosides triphosphates en ARN. En utilisant des techniques d’électrophorèse sur gel et d’ultrafiltration, ils ont montré que cet acide polyribonucléique avait, en moyenne, une longueur de 90 à 150 nucléotides, et pourrait donc être à l’origine de l’évolution darwinienne de la vie.
« Le processus est catalytique et la synthèse de l’acide polyribonucléique se poursuit dans le temps », écrivent les auteurs de l’étude. En outre, le processus se produit dans des conditions dans lesquelles l’ARN est stable (à 25 °C, pH 7,5). Les données cinétiques suggèrent qu’une petite région d’impact durant l’Hadéen contenant seulement quelques tonnes métriques de verre fracturé et perméable à l’eau aurait pu avoir la capacité de produire près d’un gramme d’ARN par jour, mais en étant limitée par l’approvisionnement en triphosphates.
Les impacts fréquents à l’époque de la formation de la Terre auraient également apporté du nickel, dont l’équipe a montré qu’il procure des nucléosides triphosphates à partir de nucléosides et de phosphate activé, également présents dans le verre volcanique. Aussi issu du basalte, le borate contrôle la formation de ces triphosphates dans une voie de fabrication des premiers ARN à partir de molécules organiques simples.
Des minéraux similaires sur Mars, utiles à la recherche de la vie
Ces résultats suggèrent que les polyribonucléotides étaient disponibles dans les environnements de l’Hadéen, si les triphosphates l’étaient aussi. « Des modèles permettant de créer des parties de ces nucléosides et des liaisons à l’intérieur de ceux-ci, ainsi que des nucléosides triphosphates complets, progressent actuellement dans de nombreux laboratoires », expliquent les chercheurs. « Si les triphosphates étaient disponibles, les verres à la surface de la Terre de l’Hadéen (et sur Mars) pourraient fournir une pièce manquante dans le puzzle du modèle de ‘l’ARN en premier’ ».
En effet, le même type de minéraux, verres, et impacts étaient également présents sur Mars, même si la planète rouge n’a pas subi la dérive des continents et la tectonique des plaques — lesquelles ont fait disparaître la plupart des roches de la Terre d’il y a plus de 4 milliards d’années. Les missions récentes vers Mars ont trouvé toutes les roches nécessaires à une possible apparition de la vie par cette même voie simple, y compris le borate.