Les thérapies cellulaires ont connu ces dernières années de grandes avancées, notamment grâce aux biotechnologies d’ingénierie tissulaire. Ces dernières sont notamment utilisées dans la réparation de tissus et pourraient un jour permettre de réparer les dégâts cardiaques suite à un infarctus, selon une récente étude présentée lors de la dernière conférence de la British Cardiovascular Society à Manchester. Si l’on peut aujourd’hui sauver des millions de personnes subissant une crise cardiaque, ces dernières doivent souvent en supporter les « cicatrices », souvent responsables d’insuffisance cardiaque. Un nouveau gel injectable expérimental, développé par des chercheurs anglais, offre un nouvel espoir en agissant tel un échafaudage de soutien cellulaire. Il permet la croissance cellulaire et de ce fait la réparation du myocarde (le tissu musculaire du coeur).
Le taux de maladies cardiaques — facteurs de risque directs de l’infarctus — dans le monde ne cesse de croître. D’après l’OMS, le nombre de décès par maladies du cœur serait passé de 2 millions en 2000 à 9 millions en 2019, ce qui représente près de 16% des décès dans le monde.
Les causes de ces maladies sont diverses, et vont de l’âge à la génétique. Probablement liée à la tendance de surconsommation actuelle, l’obésité figure également parmi les principaux facteurs de risque. Des études antérieures ont notamment révélé que les personnes ayant un indice de masse corporelle élevé couraient 30% plus de risques de développer une ou plusieurs maladies cardiovasculaires (insuffisance veineuse ou artérielle, hypertension artérielle, athérosclérose, …).
Rien qu’au Royaume-Uni, il y aurait plus de 100 000 hospitalisations pour crise cardiaque par année, soit environ une toutes les cinq minutes. Après un infarctus, le cœur ne possède qu’une capacité très limitée de cicatrisation, exposant les survivants à des séquelles (telles que l’insuffisance cardiaque) permanentes.
Les technologies d’ingénierie tissulaire auraient peut-être le potentiel d’inverser cette tendance. Les chercheurs, de l’Université de Manchester, ont créé un gel qui peut être injecté directement dans le cœur. Il agit comme un échafaudage pour aider les cellules à se développer et former de nouveaux tissus cardiaques.
« Bien qu’elle n’en soit qu’à ses débuts, le potentiel de cette nouvelle technologie pour aider à réparer les cœurs défaillants après une crise cardiaque est énorme », affirme dans un communiqué Katharine King, auteure principale de la nouvelle recherche et doctorante à l’Université de Manchester.
Des technologies de gel injectable similaires existent déjà pour la réparation cellulaire, mais étaient jusqu’ici uniquement destinées au cartilage ou aux vaisseaux sanguins. Ces dernières se basent généralement sur la culture de cellules dans des substrats gélifiés qui sont ensuite placés chirurgicalement sur les zones d’intervention. Elles peuvent également être utilisées lors d’angioplasties ou de lors de la pose de stents.
Mais jusqu’à présent, les tentatives de réparation du tissu cardiaque concernaient plutôt l’injection de cellules reprogrammées (qui se différencient en cellules cardiaques). Or, seulement 1% de ces cellules ont survécu et sont restées en place sur la cicatrice lors d’études précédentes. Grâce à ce gel cependant, ces cellules pourraient tenir correctement en place et se multiplier plus efficacement.
Un gel malléable à base de peptides
Pour un traitement réussi, un bon apport sanguin est nécessaire pour que les cellules injectées se développent efficacement en nouveaux tissus. Les chercheurs ont alors d’abord utilisé leur gel sur des cellules de vaisseaux sanguins isolées, qui ont pu croître efficacement.
Ensuite, le gel a été utilisé sur des cellules humaines reprogrammées et différenciées en cellules cardiaques. Les cellules ont pu se multiplier in vitro et au bout de trois semaines, elles ont commencé à battre à l’unisson. Sur des souris saines (in vivo), les écho- et électro-cardiogrammes ont montré que le gel a pu être correctement injecté sans induire de toxicité. Le substrat gélifié a été injecté avec un marqueur fluorescent dans le cœur des souris. Le suivi via la fluorescence a révélé que le gel contenant les cellules réparatrices s’était fixé aux parois cardiaques pendant deux semaines, temps suffisant pour une bonne cicatrisation.
Le substrat de gel est composé de chaînes peptidiques dont la malléabilité naturelle des liaisons permet une conservation de son intégrité sous différents états. Lorsqu’il est soumis à un certain degré de stress, les peptides peuvent notamment se désassembler et se comporter comme un liquide, idéal pour une injection. Quand le stress est supprimé (une fois le liquide injecté), les peptides se réassemblent pour se comporter en solide et maintenir efficacement les cellules en place lorsqu’elles se lient au cœur.
Prochainement, les scientifiques prévoient de tester la technologie sur des souris ayant subi un infarctus, afin de déterminer si le myocarde peut cicatriser assez efficacement pour retrouver ses capacités optimales de pompage. À terme, ce gel pourrait permettre de résoudre l’un des problèmes majeurs entravant le développement des thérapies cellulaires.