Selon notre compréhension fondamentale de l’expansion de l’Univers, son image miroir, ou son reflet, devrait être identique à l’original. Ce principe a été établi depuis longtemps dans ce que l’on appelle « la symétrie CPT », selon laquelle une symétrie globale régit toutes les lois de la nature dans les charges des particules, leur parité et le temps. Cependant, plusieurs phénomènes dans l’univers semblent ne pas respecter ce principe de symétrie, dont la distribution étrangement déséquilibrée de la matière et de l’antimatière. Notre univers n’obéit pas non plus à la composante temps (T) du principe, car le temps ne cesse de s’écouler et de s’étendre. Une nouvelle étude en prépublication sur arXiv appuie cette théorie de déséquilibre par le biais de deux analyses de données du Sloan Digital Sky Survey, la meilleure base de données cartographiques de galaxies. D’après les simulations, aucun des « reflets » n’était symétrique aux images originales.
D’après le théorème de symétrie CPT établi depuis les années 50, si les mathématiques sont une science exacte, toute théorie régie par la mécanique quantique et la relativité devrait également obéir à la « loi du bon sens ». Si des particules doivent laisser place à des antiparticules, leur reflet dans un miroir devrait respecter une symétrie, lorsque l’on inverse le sens du temps. C’est-à-dire que le reflet d’une antiparticule remontant le temps devrait être similaire à l’image de la particule qui se déplace dans l’autre sens.
Suivant ce principe et d’après la structure globale du cosmos et le fonctionnement de la gravité, la répartition des galaxies dans l’Univers et leur reflet dans un miroir devraient être fondamentalement les mêmes. Pourtant, nous savons que l’univers n’obéit déjà pas à la symétrie de temps, car celui-ci s’écoule et s’étend. L’Univers serait ainsi en expansion, en modifiant sa structure physique et chimique.
Quant à l’asymétrie CP, plusieurs phénomènes dans l’univers semblent la confirmer. La violation de la symétrie CP pourrait apparemment expliquer l’asymétrie entre la répartition de la matière et l’antimatière, car il y aurait une rupture dans la conservation du nombre de baryons et dans l’équilibre thermodynamique.
La nouvelle étude, de l’Université de Floride, suggère une nouvelle théorie expliquant ce déséquilibre de symétrie. Le groupe de recherche a notamment analysé près d’un million de galaxies et démontré que leur distribution n’est peut-être pas aussi symétrique qu’on le croyait initialement, ce qui suggère que notre compréhension initiale de l’Univers primitif serait probablement erronée.
Une nouvelle force inconnue
Les analyses ont été effectuées grâce à la particularité de la structure du tétraèdre. Il s’agit notamment de la forme tridimensionnelle la plus simple qui puisse être distinguée de son reflet dans un miroir. Les chercheurs ont ensuite comparé tous les types de tétraèdres possibles, en plaçant des galaxies issues d’un échantillon précis sur chaque sommet.
Afin de détecter les possibilités de violation de symétrie, les chercheurs ont attribué un sommet principal de tétraèdre à chaque galaxie, selon deux groupes. L’un comprenait ceux où, en regardant vers le bas depuis le sommet principal, les côtés augmentent en longueur quand l’observateur se déplace dans le sens des aiguilles d’une montre. L’autre incluait ceux où les côtés semblent s’allonger lorsque l’observateur se déplace dans le sens contraire.
En temps normal, si la symétrie est respectée, les deux groupes de tétraèdres devraient avoir la même taille que leur reflet. Or, les deux analyses ont révélé le contraire. L’une des analyses aurait en effet montré une violation de symétrie de 2,9 sigma, indiquant qu’il n’y avait que 0,4% de chances que le modèle soit un hasard statistique.
La deuxième analyse a divisé l’échantillon de galaxies en deux groupes, en fonction de leur distance. La violation de symétrie a alors été enregistrée à 3,1 sigma dans le premier groupe, et 7,1 sigma pour le deuxième. Ces analyses suggèrent donc une importante asymétrie de l’Univers, et pourraient ébranler les fondements mêmes des principes de base de la physique, tels que la gravité. D’après les auteurs de l’étude, cette asymétrie pourrait probablement s’étendre jusqu’aux micro-ondes du fond diffus cosmologique et dans les ondes gravitationnelles.
Elles bouleverseraient aussi notre compréhension de l’Univers primitif et de celui d’aujourd’hui, car cela signifierait la présence d’une « force » inconnue interagissant avec les particules. Les anciennes théories suggèrent en effet que la distribution des galaxies serait tellement étendue qu’il serait difficile pour une force d’être si intense, car elle pourrait ainsi affecter la symétrie de l’Univers tout entier.
Toutefois, la nouvelle théorie suscite encore beaucoup de scepticisme, et doit encore faire l’objet de nombreuses évaluations.