On sait aujourd’hui que le microbiote intestinal joue un rôle majeur pour la santé. Aussi, toute approche susceptible de renforcer cette population bactérienne mérite que l’on s’y intéresse. Une nouvelle étude suggère que boire une bière blonde chaque jour entraîne une plus grande diversité de microbes intestinaux, réduisant ainsi le risque de contracter certaines maladies. Que la bière soit alcoolisée ou non, elle procure les mêmes bénéfices.
Notre microbiote intestinal se compose de milliards de bactéries, de virus, de parasites et autres champignons. Ces micro-organismes jouent non seulement un rôle dans les fonctions digestives et métaboliques, mais sont également impliqués dans le fonctionnement des systèmes immunitaire et neurologique. C’est pourquoi une altération du microbiote (ce que l’on appelle une « dysbiose intestinale ») est parfois à l’origine de certaines maladies inflammatoires ou auto-immunes, telles que les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI).
Le microbiote, en tant que potentielle cible thérapeutique, fait donc aujourd’hui l’objet de nombreuses recherches. L’objectif étant d’aider les patients à retrouver un microbiote équilibré et fonctionnel. De précédents travaux de recherche ont montré que lorsque des hommes et des femmes consommaient de la bière blonde sans alcool pendant 30 jours, la diversité de leurs micro-organismes intestinaux augmentait. À partir de ce constat, une équipe de l’Université nouvelle de Lisbonne a souhaité examiner les effets de la consommation de bière sur le microbiote.
Une population microbienne beaucoup plus diversifiée
Leur étude repose sur un échantillon de 22 hommes en bonne santé, à qui les chercheurs ont demandé de boire quotidiennement 33 cl de bière blonde, au cours du dîner, pendant quatre semaines. Certains ont bu de la bière alcoolisée (à 5,2% d’alcool), d’autres de la bière non alcoolisée. Des échantillons de sang et de matières fécales ont été collectés avant et après l’expérience. Le microbiote intestinal a ensuite été analysé par séquençage du gène de l’ARN ribosomique 16S (qui constitue la petite sous-unité des ribosomes des procaryotes).
L’équipe rapporte que cette consommation modérée de bière n’a entraîné aucune augmentation du poids corporel, ni de la masse grasse corporelle, parmi les participants. En outre, elle n’a pas modifié de manière significative les marqueurs sériques pour la santé cardiaque et le métabolisme. En revanche, il apparaît que la consommation quotidienne de bière a augmenté la diversité du microbiote intestinal, et ce, quelle que soit la teneur en alcool.
Or, des études ont montré que lorsque plusieurs types de bactéries peuplent le tractus gastro-intestinal, les individus affichent moins de risques de développer des maladies chroniques, telles que les maladies cardiaques ou le diabète. Les données ont également montré que la consommation de bière entraînait une augmentation de l’activité de la phosphatase alcaline fécale — un marqueur de la fonction de la barrière intestinale.
Indépendants de l’alcool, ces effets pourraient être induits par les composés chimiques présents dans la bière. Cette boisson, à base de malt d’orge et de houblon, contient notamment des fibres, des polyphénols (tanins) — réputés pour leurs propriétés antioxydantes — et de la levure, utilisée pour la fermentation alcoolique.
Une balance bénéfices-risques qui reste à explorer
Les scientifiques s’intéressent de plus en plus aux effets potentiels sur la santé d’une consommation faible à modérée d’alcool et, en particulier, de la bière. Celle-ci a souvent été associée à un effet protecteur contre les maladies cardiovasculaires et à une diminution du risque de mortalité (par rapport à des personnes abstinentes) — des effets bénéfiques confirmés par une méta-analyse passant en revue les preuves scientifiques récentes.
La bière est principalement composée d’eau, mais elle est également riche en nutriments (glucides, acides aminés, minéraux, vitamines et polyphénols), issus d’un processus de brassage et de fermentation en plusieurs étapes. Les fleurs de houblon, utilisées comme agent amer et aromatisant, contiennent des composés phénoliques, qui ont différentes activités biologiques antioxydantes, anticarcinogènes, anti-inflammatoires, œstrogéniques et antivirales. Toutefois, il est particulièrement difficile de déterminer la quantité précise de bière nécessaire pour obtenir ces bienfaits sans augmenter par ailleurs les risques liés à la consommation d’alcool.
Cette nouvelle étude suggère ainsi qu’une consommation modérée de bière peut avoir des effets bénéfiques sur le microbiote intestinal. Mais l’équipe souligne que ces effets sont indépendants de l’alcool — la bière sans alcool entraînant les mêmes résultats. Par conséquent, les scientifiques rappellent qu’il vaut mieux opter pour la version sans alcool si l’on souhaite prendre soin de son microbiote. « Nous espérons que les gens réaliseront que la consommation modérée de bière dans le cadre d’une alimentation équilibrée peut être utilisée comme une stratégie pour améliorer leur microbiote. En particulier via le choix responsable de la bière sans alcool », a déclaré à Inverse, Ana Faria, auteure correspondante de l’étude.
La consommation d’alcool est généralement associée à de nombreux risques pour la santé (hépatites, hypertension artérielle, maladies cardiaques, etc.). Plusieurs travaux de recherche, dont une récente étude génétique à grande échelle, ont même établi un lien de causalité direct entre l’alcool et plusieurs types de cancers. Certains scientifiques demeurent sceptiques quant aux résultats obtenus par Faria et ses collègues et estiment nécessaire de réaliser cette étude sur un échantillon beaucoup plus large, incluant des centaines ou des milliers d’individus.