Cela fait maintenant six mois que le télescope James Webb a été lancé dans l’espace. Depuis qu’il est arrivé à destination fin janvier, les ingénieurs de la NASA se livrent au réglage minutieux des miroirs et au calibrage des différents instruments scientifiques de l’engin. Cette longue procédure est arrivée à sa fin et le puissant télescope s’apprête à livrer les premières images et données spectroscopiques en couleur du fin fond de notre univers.
Fruit de plusieurs années de développement et d’assemblage, le télescope James Webb est l’observatoire le plus complexe et le plus grand jamais lancé dans l’espace. Bien plus puissant que Hubble — auquel on doit déjà de nombreuses découvertes importantes – le James Webb s’apprête à entamer ses missions scientifiques. « Nous sommes au bord du précipice d’une période incroyablement excitante de découverte de notre univers », a déclaré Eric Smith, scientifique du programme Webb au siège de la NASA.
Nous avons déjà eu un aperçu des performances exceptionnelles du télescope au mois de mars, lorsque la NASA a publié la photo d’une étoile située à environ 2000 années-lumière, prise par la NIRCam de Webb — une étape destinée à évaluer l’alignement des miroirs. Bientôt, le télescope pointera vers une liste de cibles présélectionnées par un comité international pour démontrer l’ensemble de ses capacités. Bill Nelson, l’administrateur de la NASA, a déclaré hier dans une conférence de presse que l’agence révélerait « l’image la plus profonde de notre univers jamais prise ». Rendez-vous le 12 juillet pour découvrir ce cliché inédit.
Remonter le temps jusqu’au Big Bang
Doté d’un miroir de 6,5 mètres de diamètre, le James Webb peut observer dans l’infrarouge proche et moyen — des longueurs d’onde comprises entre 0,6 et 28 µm, qui lui permettent de scruter l’Univers à travers les gaz et la poussière cosmiques. Son grand pouvoir de résolution (de 0,1 seconde d’arc) et ses caméras et spectromètres permettront de sonder l’espace à la recherche des toutes premières galaxies de l’Univers, d’observer la formation des étoiles et de caractériser les atmosphères des exoplanètes — pour y détecter de potentiels signes de vie.
« Il peut répondre à certaines questions que nous nous posons : d’où venons-nous ? Qu’y a-t-il d’autre ? Qui sommes-nous ? Et bien sûr, il répondra à certaines questions dont nous ne connaissons même pas la nature ! », a déclaré Nelson. À savoir qu’à l’heure actuelle, les observations cosmologiques les plus anciennes remontent à 330 millions d’années après le Big Bang. Mais James Webb battra sans doute rapidement ce record : ses capacités infrarouges lui permettent en effet de remonter dans le temps jusqu’au Big Bang lui-même, qui s’est produit il y a 13,8 milliards d’années.
Les tout premiers objets lumineux de l’Univers émettent dans les longueurs d’onde du visible et de l’ultraviolet, mais l’Univers étant en expansion, cette lumière nous arrive aujourd’hui dans des longueurs d’onde plus longues, soit sous forme d’infrarouges. C’est pourquoi le James Webb est spécialement équipé pour observer dans cette gamme, avec une résolution sans précédent.
20 ans d’exploration spatiale à venir
Les premières images qui seront communiquées au public (après avoir été colorisées) seront des cibles astrophysiques sélectionnées avec soin par un comité formé par la NASA et ses partenaires, l’Agence spatiale européenne et l’Agence spatiale canadienne. Le secret est pour l’instant bien gardé, mais parmi ces cibles devrait se trouver une exoplanète, dont la composition chimique sera passée au crible.
Car l’un des espoirs des scientifiques est bien entendu de détecter, par spectroscopie, des traces d’eau ou d’autres éléments essentiels à la vie dans l’atmosphère et le sol des planètes lointaines. Les spectroscopies d’exoplanètes réalisées jusqu’à présent « étaient très limitées » par rapport aux capacités de Webb, selon Nestor Espinoza, astronome du Space Telescope Science Institute. L’engin nous réserve donc sans doute bien des surprises…
Les images seront diffusées et commentées en direct depuis le Goddard Space Flight Center le mardi 12 juillet, à 10h30 heure locale. Chaque image sera simultanément mise à disposition sur les réseaux sociaux, ainsi que sur le site Web de l’agence. Toutes les données de mise en service du télescope (les images prises lors de l’alignement et du calibrage des instruments) seront également rendues publiques. « La publication des premières images en couleur de Webb offrira un moment unique où nous pourrons tous nous arrêter et nous émerveiller devant une vue que l’humanité n’a jamais vue auparavant », a déclaré Eric Smith.
Et contre toute attente, la communauté scientifique pourra profiter de ces performances exceptionnelles pendant une très longue période. Alors que sa durée de vie initiale était fixée à 10 ans, la NASA a annoncé que le télescope pourrait rester opérationnel pendant 20 ans. « Non seulement ces 20 ans nous permettront d’aller plus loin dans l’histoire, et dans le temps, mais nous irons plus loin dans la science parce que nous aurons l’opportunité d’apprendre et de grandir et de faire de nouvelles observations », souligne Pam Melroy, administratrice adjointe de l’agence.