Le diagnostic et la prise en charge des séquelles post-aiguës de la COVID-19 posent un défi médical constant. L’identification des biomarqueurs associés au COVID long améliorerait considérablement la classification des patients et fournirait les moyens d’évaluer les stratégies de traitements. Actuellement, les scientifiques ne sont pas unanimes quant aux raisons de cette persistance des symptômes après la phase aiguë de la maladie, et quelques études ont pointé du doigt le maintien du virus au sein du corps, dans des poches « réservoirs ». Récemment, des chercheurs américains auraient démontré la persistance de la protéine Spike du SARS-CoV-2 au sein du plasma de patients. Il pourrait s’agir d’un nouvel outil de diagnostic du Covid long, permettant ainsi une meilleure prise an charge de ces personnes. Des recherches complémentaires concernant ces réservoirs viraux au sein de l’organisme, deviennent un point clé de la compréhension du COVID long, véritable enjeu de santé publique et économique.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) rapporte qu’environ un quart des personnes atteintes de la COVID-19 continuent de souffrir de symptômes 4 à 5 semaines après un test positif et environ 1 sur 10 après 12 semaines. Bien que des études récentes fournissent quelques indices, l’étiologie sous-jacente du COVID long reste obscure pour les scientifiques. Ce manque de clarté est dû en partie aux incohérences dans la définition des patients souffrant de Covid long, rendant difficile le rassemblement des résultats des différentes études.
Il est donc primordial de pouvoir définir, de manière claire et sans ambiguïté, quels patients peuvent être considérés comme souffrant de Covid long, afin de rendre d’une part, plus robustes les recherches fondamentales et d’autre part, meilleure la prise en charge de ces personnes. Dans cette perspective, une équipe menée par David R. Walt de l’école de Médecine de Harvard a tenté d’y apporter quelques précisions à travers l’analyse d’échantillons sanguins de patients ayant contracté la COVID-19, dont certains diagnostiqués COVID long. Leurs résultats, qui doivent encore être revus par les pairs, sont publiés dans MedRxiv.
Présence du SARS-CoV-2 dans le sang, bien après l’infection
Les auteurs de l’étude ont analysé 63 échantillons de plasma prélevés sur un ensemble de patients COVID-19 et dont 37 ont reçu un diagnostic Covid long. Leur but était dans un premier temps de quantifier les antigènes viraux circulants (anti-Spike) ainsi que les marqueurs inflammatoires (cytokines), et dans un second temps d’identifier un biomarqueur sanguin apparaissant chez la majorité des patients COVID long.
Pour 31 patients COVID long, des échantillons de sang ont été prélevés deux fois ou plus jusqu’à 12 mois après leur premier résultat positif avec un test PCR. De plus, 30 de ces personnes étaient des femmes, conformément à d’autres études révélant que les femmes sont principalement affectées par des symptômes persistants après une infection par le SARS-CoV-2.
Les chercheurs ont détecté la protéine Spike du virus circulant chez la majorité des patients COVID long, mais chez aucun des patients COVID-19 sans symptôme persistant de la maladie. Ils précisent : « Bien que la taille de notre échantillon soit petite, la détection de la protéine Spike à plusieurs moments 2 à 12 mois après l’infection est convaincante ».
Effectivement, la présence de la protéine Spike circulant dans le plasma soutient l’hypothèse qu’un réservoir de virus actifs persiste dans le corps. Une autre étude préliminaire a trouvé de l’ARN du SARS-CoV-2 dans plusieurs sites anatomiques jusqu’à sept mois après l’apparition des symptômes, corroborant la persistance de l’antigène viral.
Un réservoir viral dans l’intestin
Dans une étude précédente des collègues du Dr Walt, un réservoir de réplication du SARS-CoV-2 s’est avéré présent dans le tractus gastro-intestinal des enfants développant un syndrome inflammatoire multisystémique (MISC). Dans leurs travaux, ils ont détecté des niveaux élevés de la protéine Spike, des semaines après l’infection initiale par le SARS-CoV-2. Ils seraient dus à une brèche dans la barrière gastro-intestinale, dépendante de la zonuline — protéine régulant de manière réversible la perméabilité intestinale —, se produisant à la faveur du MISC et permettant aux particules virales résiduelles du SARS-CoV-2 de pénétrer dans la circulation sanguine.
Par ailleurs, dans une autre recherche, l’analyse du microbiote intestinal chez les adultes a révélé que les antigènes du SARS-CoV-2 persistent dans la muqueuse intestinale jusqu’à six mois après l’infection chez la majorité des patients atteints de maladie inflammatoire de l’intestin (MICI), indépendamment de la thérapie immunosuppressive ou de l’inflammation intestinale. La persistance de l’antigène viral est alors associée aux symptômes post-aigus de la COVID-19.
De plus, une étude de l’Université de Stanford conforte cette idée de réservoirs viraux associés au COVID long. L’équipe, menée par Ami Bhatt, estime que la présence prolongée d’ARN viral dans les matières fécales, mais pas dans les échantillons respiratoires, ainsi que l’association avec des symptômes gastro-intestinaux, met en évidence que le SARS-CoV-2 infecte le tractus gastro-intestinal et que cette infection peut persister.
Collectivement, ces résultats suggèrent que la persistance de l’antigène viral au sein de l’organisme, dans des réservoirs au niveau de l’intestin, est à la base des séquelles post-aiguës de la COVID-19.
En conclusion, la présence de la protéine Spike circulant chez les patients Covid long jusqu’à 12 mois après le premier diagnostic soutient fortement l’hypothèse que des réservoirs viraux du SARS-CoV-2 persistent dans le corps. De plus, cette mesure directe de l’antigène chez la majorité de ces individus laisse espérer son utilisation comme biomarqueur fiable de cette maladie. Si ces patients peuvent ainsi être identifiés sur la base d’un simple dosage, l’évaluation des stratégies de traitement deviendra de plus en plus efficace.