Le problème de l’utilisation de processeurs électroniques traditionnels pour le traitement de l’information reste la consommation excessive d’électricité. Dès lors, se tourner vers la biologie pour résoudre des problèmes informatiques apparaît comme une solution intéressante pour économiser de l’énergie. Des chercheurs viennent de concevoir un bio-ordinateur, de la taille d’une puce, qui utilise des molécules voyageant dans des canaux pour résoudre (rapidement) des problèmes complexes.
D’après certains chercheurs, le secteur des technologies de l’information et de la communication — qui connaît une croissance rapide, mais reste énergivore — devrait consommer 20% de la production mondiale d’électricité d’ici 2030. Cela ne signifie pas que l’efficacité énergétique des ordinateurs électroniques ne s’améliore pas, mais elle est ralentie par la production de chaleur, les effets à petite échelle (par exemple quantiques) et l’augmentation des coûts.
Depuis dix ans, les bio-ordinateurs apparaissent comme une alternative intéressante afin de réduire la consommation d’énergie de l’informatique. Pour rappel, les ordinateurs biologiques utilisent des molécules d’origine biologique — comme l’ADN et les protéines — pour effectuer des calculs numériques ou réels. En particulier, le développement des nanobiotechnologies (à l’échelle nanométrique) a permis aux scientifiques de concevoir des systèmes biomoléculaires spécifiques, pouvant finalement aboutir à la fonctionnalité informatique d’un ordinateur.
En utilisant cette méthode alternative, Till Korten, de l’université de technologie de Dresde (en Allemagne), et ses collègues, ont construit un bio-ordinateur à puce qui utilise des molécules voyageant dans des canaux pour résoudre des problèmes. « La bio-informatique basée sur les réseaux est une approche très économe en énergie, qui permet d’encoder un problème combinatoire dans un réseau graphique modulaire intégré dans un dispositif nanofabriqué », rapportent les chercheurs. Comme un problème combinatoire comporte un grand nombre de variables, les ordinateurs électroniques auraient besoin de milliards d’années pour le résoudre.
Les kinésines propulsent les microtubules avec une grande efficacité énergétique
Ensuite, le réseau physique — soit la puce d’ordinateur — est exploré au moyen de la biologie, par un fluide contenant des fibres constitutives du cytosquelette des cellules (les microtubules) et des kinésines. Il s’agit d’une protéine motrice qui permet de propulser des molécules, comme les microtubules, avec une grande efficacité énergétique. Les chercheurs expliquent que l’avantage des microtubules est qu’ils se déplacent tous en même temps, permettant d’effectuer des calculs simultanément, en plus d’être très disponibles. Les microtubules se déplacent dans les canaux, et chaque chemin qu’ils empruntent correspond à l’ordinateur qui tente une solution face au problème donné.
« En conséquence, nous avons estimé que la bio-informatique basée sur les réseaux utilise plusieurs ordres de grandeur d’énergie en moins par opération qu’un ordinateur électronique », écrivent les chercheurs. En effet, chaque étape du calcul nécessiterait 10 000 fois moins d’énergie pour le déplacement des molécules d’un bio-ordinateur que pour celui des électrons d’un ordinateur classique. En outre, par rapport aux autres bio-ordinateurs utilisant la même technique, celui basé sur les réseaux permettrait d’effectuer 128 fois moins de calculs.
Cependant, pour montrer que cette nouvelle technologie est viable, il sera nécessaire de démontrer l’applicabilité à d’autres problèmes d’importance pratique, et une mise à l’échelle significative de la technologie. Les chercheurs souhaiteraient également utiliser plus de molécules afin d’accélérer la vitesse de résolution du problème, même si cela pourrait engendrer davantage d’erreurs par les microtubules.