C’est la conclusion d’une méta-analyse parue dans le Journal of Neurology Neurosurgery & Psychiatry. Les médicaments noradrénergiques, qui sont utilisés pour réduire les symptômes du trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité, pourraient aider à réduire les symptômes cognitifs et neuropsychiatriques de la maladie d’Alzheimer. Une dizaine d’études, impliquant 1300 patients au total, rapportent un effet positif significatif de ces traitements sur la cognition globale et l’apathie.
La maladie d’Alzheimer est caractérisée par un dysfonctionnement au niveau d’un noyau sous-cortical appelé locus cœruleus (LC) ; c’est de cette région cérébrale que sont issus la plupart des neurones utilisant la noradrénaline comme neurotransmetteur — des neurones qui se projettent dans l’ensemble du cerveau. La noradrénaline (ou norépinéphrine) est essentielle à l’éveil et à de nombreux processus cognitifs, notamment l’attention, l’apprentissage, la mémoire, le contrôle exécutif et inhibiteur.
La perte de neurones noradrénergiques du LC est directement associée à la perte de mémoire et aux troubles de l’attention qui surviennent au début de la maladie d’Alzheimer. Elle est également responsable de l’apathie observée chez de nombreux patients — la motivation étant influencée par le système noradrénergique. Les traitements actuels de la maladie ciblent les neurones cholinergiques et glutamatergiques, mais ont des effets limités. Les neurones noradrénergiques apparaissent aujourd’hui comme une nouvelle cible thérapeutique potentielle.
Une évaluation des effets sur les capacités cognitives et le comportement
Il existe déjà toute une gamme de médicaments agissant via des voies noradrénergiques. Ces traitements inhibent la recapture de la noradrénaline (pour augmenter sa disponibilité) et stimulent les récepteurs de ce neurotransmetteur. Ils sont utilisés pour traiter l’anxiété et la dépression, ainsi qu’en cas de trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité.
Ces traitements noradrénergiques ont déjà fait l’objet de quelques essais cliniques restreints, il y a des décennies, pour évaluer leur effet sur la neurodégénérescence. Mais faute de preuves significatives, cette piste a rapidement été abandonnée. Il est clair aujourd’hui que les neurones noradrénergiques du LC interviennent de façon très précoce dans la maladie d’Alzheimer, ce qui suscite un regain d’intérêt pour cette cible thérapeutique potentielle.
Des chercheurs britanniques se sont donc livrés à une revue systématique et une méta-analyse de médicaments à action principalement noradrénergique dans la maladie d’Alzheimer. L’objectif était de préciser le bénéfice thérapeutique de ces traitements sur les aspects cognitifs et comportementaux de la maladie. L’équipe a retenu 19 études au total, publiées entre 1980 et 2021 : six étaient de « bonne » qualité, sept ont été jugées « passables » et six « mauvaises ». Une douzaine de médicaments ont été testés lors de ces essais cliniques, tels que l’atomoxétine, le méthylphénidate ou encore la guanfacine.
Les résultats cognitifs comprenaient à la fois des mesures de la « cognition globale » et de domaines cognitifs spécifiques (attention, mémoire verbale épisodique, mémoire visuelle épisodique, fonctions exécutives et mémoire de travail, mémoire sémantique et capacités visuospatiales). Les effets des médicaments sur l’agitation et l’apathie ont également été évalués.
Des résultats positifs sur la cognition globale et l’apathie
Parmi les études retenues, dix ont évalué le changement de la cognition globale. Les chercheurs rapportent « un effet positif faible mais significatif des médicaments noradrénergiques par rapport au placebo ». Concernant les sous-domaines cognitifs, un effet positif a été montré sur la mémoire sémantique ; mais après élimination des études de « mauvaise » qualité, le résultat des études restantes n’était pas significatif. Aucun effet significatif n’a été observé pour les autres sous-domaines.
Pour évaluer l’efficacité des médicaments sur le comportement et les symptômes neuropsychiatriques des malades, les chercheurs ont considéré huit essais (soit 425 patients au total). Ceux-ci suggèrent « un effet positif important » des médicaments noradrénergiques sur l’apathie — même après la suppression des valeurs aberrantes pour tenir compte de l’hétérogénéité entre les études. Le méthylphénidate était le médicament le plus fréquemment testé pour ce symptôme.
En revanche, aucun effet significatif sur l’agitation et les symptômes neuropsychiatriques n’a été mis en évidence. Les chercheurs estiment que cela peut être tout simplement lié à l’inclusion d’essais dans lesquels l’agitation n’était pas un symptôme prédominant parmi les participants.
« Cette méta-analyse suggère que la réorientation des médicaments avec des traitements noradrénergiques établis, tels que l’atomoxétine, le méthylphénidate et la guanfacine, peut bénéficier aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer », concluent les chercheurs. Même si ces traitements ne semblent pas avoir d’effets bénéfiques sur l’attention ou la mémoire épisodique, ils méritent d’être évalués dans de futurs essais cliniques — d’autant plus que leur innocuité est déjà établie.
Pour ce faire, il faudra impérativement cibler des sous-groupes de patients appropriés, précise l’équipe. Il sera également essentiel d’établir la relation dose-effet de chaque médicament et de surveiller les interactions éventuelles avec d’autres traitements, afin de minimiser les risques et de maximiser les effets thérapeutiques.