Alors que la guerre en Ukraine crée de fortes tensions sur la coopération spatiale internationale, le Kazakhstan développe son autonomie spatiale grâce à des partenariats régionaux. L’objectif ? Devenir un acteur incontournable de la filière spatiale.
Le 20 mai 2022, l’ambassadeur du Kazakhstan Bolat Imanbayev rencontrait le ministre arménien de l’Industrie et des hautes technologies, Robert Khachatryan. Et l’objectif affiché par ces deux anciennes nations du bloc soviétique est ambitieux : développer leur filiale de lancements spatiaux. Un rapprochement qui s’inscrit dans une stratégie plus large, celle de la montée en puissance du Kazakhstan dans le secteur spatial.
L’espace, mine d’or du Kazakhstan
Car la petite ville de Baïkonour, fleuron du programme spatial de Moscou pendant la guerre froide, est devenue un atout stratégique pour cet immense pays d’Asie centrale. Et la chute du communisme n’a pas entamé la course aux étoiles, bien au contraire. Entreprises et organismes spatiaux du monde entier travaillent plus que jamais avec Baïkonour, l’une des bases de lancement des plus modernes et des plus efficaces avec celui de Cap Canaveral en Floride et la base de Kourou, en Guyane.
Un atout diplomatique précieux pour les autorités kazakhstanaises et une manne financière non négligeable. Mais héritage soviétique oblige, les technologies et les installations russes demeurent difficilement contournables sur le site : Baïkonour est sous concession russe jusqu’en 2050 et la ville est dotée d’un statut correspondant à celui d’une ville fédérale russe avec un régime spécial pour le fonctionnement des installations, des entreprises et des organisations. Le gouvernement kazakhstanais loue le cosmodrome à la Russie et cette situation rend la situation politique particulièrement complexe pour les autorités de Nur-Sultan.
Une situation d’autant plus compliquée que les tensions internationales provoquées par la guerre en Ukraine risquent à terme de paralyser le fonctionnement de la base de lancement : Européens et Américains ont déjà annoncé l’annulation de plusieurs missions de longue date, et la situation devrait s’aggraver dans les prochains mois.
L’actualité a donc poussé le Kazakhstan à accélérer sa stratégie d’autonomisation de son secteur spatial pour ne plus être dépendant des turpitudes internationales de l’encombrant voisin russe.
Le futur du Kazakhstan passe par l’autonomie spatiale
Il faut dire que dès 2021, les autorités kazakhstanaises préparaient cette fameuse autonomie dans le domaine spatial en multipliant les nouveaux partenaires, comme avec l’Ouzbékistan voisin avec lequel un accord de coopération avait été signé pour partager des technologies et travailler en commun sur des projets scientifiques autour de l’espace. Un rapprochement qui n’est pas sans rappeler celui entre Nur-Sultan et Erevan, actuellement en court de négociation et pour lesquels ministres et ambassadeurs se sont rencontrés en mai dernier.
Plus prometteur encore, un développement conjoint se développe aussi avec la Chine : au printemps dernier, l’Eurasian Space Venture (ESV), une compagnie kazakhstanaise spécialisée dans le domaine spatial, a ainsi signé un MoU avec la compagnie chinoise Deep Blue Aerospace afin de développer des projets communs. Le projet doit aboutir à la création d’un incubateur de recherche dans les domaines des micropuces et des softwares, ainsi que dans la production de navettes spatiales et des technologies de lancements. Et c’est cette même compagnie, ESV, qui a également conclu un partenariat avec la compagnie singapourienne SpaceChain, qui développe actuellement la première infrastructure satellite décentralisée au monde.
Baïkonour, la porte de l’espace pour Nur-Sultan
Dernière pierre angulaire du projet spatial de Nur-Sultan, les autorités ont annoncé le 15 décembre dernier le lancement de la construction d’une nouvelle rampe de décollage en 2022 afin de développer les capacités de lancement du pays. La station « Baïterek » sera déployée à Baïkonour afin d’accueillir les fusées de nouvelle génération.
L’objectif de cette installation est en effet de permettre au secteur spatial kazakhstanais de passer de bailleur de l’installation à opérateur à part entière, doté des compétences nécessaires pour devenir un acteur reconnu et indépendant du secteur spatial. En clair : offrir des services de lancement de manière autonome, sans dépendre des Russes.
Un objectif de plus en plus réaliste et crédible pour Nur-Sultan, alors que la réduction des coûts de mise sur orbite a permis à de plus en plus d’opérateurs privés de se lancer dans ce secteur porteur. L’histoire de Baïkonour, lieu emblématique de l’épopée spatiale, est loin d’être terminée.