Des panneaux solaires capables à la fois de capturer du dioxyde de carbone et de produire de l’énergie à partir de biomasse ? C’est le défi relevé par une start-up mexicaine, Greenfluidics, qui a conçu des panneaux composés de bioréacteurs à microalgues et de nanofluides. Ces biopanneaux seraient capables de générer jusqu’à 328 kWh/m2 par an et permettraient de réduire les émissions de CO2 de 200 kg par an. Ils s’avèrent en outre, biodégradables à 90%. Cette technologie polyvalente unique au monde pourrait permettre de réaliser de grandes économies d’énergie.
Contrairement aux panneaux photovoltaïques, les biopanneaux de Greenfluidics ne se contentent pas de produire de l’énergie. Ils contribuent également à la lutte contre le réchauffement climatique grâce à un procédé de capture de CO2 intégré : les microalgues emprisonnées dans les panneaux agissent en effet comme toute plante au soleil, absorbant le CO2 et créant de l’oxygène par photosynthèse. « Nous pensons qu’il est important de produire des solutions pour un nouvel ordre énergétique mondial, où l’énergie fait partie d’une solution plus large pour notre environnement », a déclaré à Mexico Business News Miguel Mayorga, PDG de Greenfluidics.
Les nanofluides contenus dans les panneaux — constitués de nanoparticules de carbone — absorbent le rayonnement solaire ; la chaleur est ensuite utilisée pour produire de la biomasse ou transformée en courant électrique. Cette technologie présente l’avantage d’être évolutive (le PDG précise qu’il est notamment nécessaire et possible d’adapter la microalgue à chaque pays) et portable : les panneaux peuvent être installés sur n’importe quel type de structure où ils peuvent être exposés au rayonnement solaire. Ils peuvent même être installés en guise de fenêtres.
Un circuit d’eau chaude alimenté par la combustion de biomasse
Le concept n’est pas complètement nouveau. En 2013, Splitterwerk Architects et la société d’ingénierie Arup se sont associés pour construire à Hambourg le premier bâtiment au monde pourvu de façades à bioréacteurs. Ce bâtiment résidentiel, baptisé BIQ, doté de 200 m² de panneaux à microalgues, produit de la biomasse et de la chaleur en tant que ressources énergétiques renouvelables.
Concrètement, les panneaux du BIQ capturent du CO2 à partir d’une source émettrice, puis injectent ce gaz dans de l’eau contenant des souches d’algues. À mesure que ces végétaux absorbent le CO2 et produisent de l’oxygène, leur masse augmente — et plus elles sont exposées au rayonnement solaire, plus ces algues se développent rapidement, capturant toujours plus de CO2.
Ces panneaux retiennent également la chaleur dans leur eau ; chaleur et biomasse sont collectées en circuit fermé pour être stockées, puis utilisées pour produire de l’eau chaude. La biomasse générée est traitée pour être transformée en biocarburant, puis rapportée au bâtiment où elle alimente le circuit du système d’eau chaude. Selon ses concepteurs, le BIQ peut ainsi couvrir près d’un tiers de ses besoins énergétiques liés au chauffage de l’eau.
En outre, montés à l’extérieur, ces panneaux servent également à ombrager le bâtiment, ce qui permet de réduire significativement la consommation d’énergie dédiée à la climatisation en été. Le système intègre aussi des fonctionnalités supplémentaires telles que l’isolation thermique et la réduction du bruit, mettant en évidence tout le potentiel de cette technologie. Malgré ce potentiel, force est de constater que la technologie n’a pas été plus largement exploitée depuis. Créée en 2018, la start-up Greenfluidics s’est intéressée à cette technologie et présente aujourd’hui un nouveau concept de biopanneaux.
Du carbone pour augmenter la conductivité thermique
La technologie de Greenfluidics se distingue essentiellement par ses processus de capture et de conversion thermiques. Ses panneaux reposent sur des nanofluides à base de carbone, qui sont ajoutés à l’eau afin d’accroître leur conductivité thermique. Cette eau circule d’un côté du panneau, tandis que les microalgues sont cultivées de l’autre côté. La chaleur est directement transformée en électricité par un générateur thermoélectrique — tout comme les panneaux solaires traditionnels.
L’autre atout de ces panneaux réside dans leur design : selon leurs concepteurs, ils peuvent prendre différents aspects, très esthétiques, s’intégrant parfaitement à une architecture moderne. Greenfluidics affirme, en outre, que l’effet d’ombrage procuré par ses panneaux permettrait d’économiser « jusqu’à 90 kWh/m2 » chaque année en matière de climatisation.
Après avoir testé les premiers panneaux en condition réelle l’an dernier, la start-up a pu tester sa technologie dans différentes régions du monde. Elle espère à présent commercialiser ces panneaux, en priorité auprès des industries qui émettent beaucoup de CO2 et également auprès du secteur agricole — qui pourrait utiliser les microalgues comme engrais biologique pour le sol.
Le concept est prometteur, mais plusieurs questions restent encore sans réponse, à commencer par la longévité de ces panneaux. Se pose également la question de l’entretien et du nettoyage, ou encore de la lumière teintée de vert qui illuminera l’intérieur des bâtiments. Est-il possible, par ailleurs, de trouver des souches d’algues qui persistent toute l’année et sous tous les climats ?
Sans oublier que ce type d’installation représente un certain coût : pour le BIQ, ces biopanneaux ont multiplié le coût de la façade par 10 ! Cet investissement est-il réellement compensé par les économies réalisées en matière d’énergie électrique ? Ces panneaux sont-ils plus efficaces que des panneaux solaires classiques combinés à une bonne isolation ? Si la start-up indique que ses panneaux peuvent en théorie générer chaque année jusqu’à 328 kWh/m2, seule une utilisation à grande échelle permettra de confirmer que cette technologie est (ou non) économiquement viable.