En raison de la célèbre « théorie de la sérotonine », la plupart des patients souffrant de dépression sont généralement traités avec des médicaments visant à augmenter le taux de l’hormone dans le cerveau. Paradoxalement, le nombre de transporteurs de la sérotonine augmente à la fin d’un traitement antidépresseur, ce qui semble mettre en doute la réelle implication du neurotransmetteur dans le phénomène de la dépression. Aujourd’hui, une plus récente recherche confirme ce doute, grâce à la synthèse des études en amont, rassemblant les preuves réfutant la théorie initiale. Les résultats ont montré une absence de différence à la fois du taux de sérotonine et de transporteurs entre les individus « sains » et dépressifs. De plus, une diminution induite de la sérotonine chez les personnes saines ne provoquerait pas forcément la dépression. Ces nouvelles preuves pourraient potentiellement bouleverser la compréhension des mécanismes de la maladie et des recherches sur les moyens de la traiter.
Depuis les années 60, il est généralement admis que la dépression serait liée à un déséquilibre (notamment une baisse) du taux de sérotonine dans le cerveau. Comme ce neurotransmetteur est impliqué dans la régulation de l’humeur, la plupart des traitements contre la dépression visent à augmenter son taux cérébral, dont les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) — qui bloquent les molécules qui transportent l’hormone loin des neurones. D’autres thérapies ciblent également la noradrénaline, mais les preuves scientifiques selon lesquelles celle-ci est impliquée dans l’induction de la dépression sont encore plus faibles que celles impliquant la sérotonine.
Bien que toujours plus d’études semblent réfuter la théorie de la sérotonine, celle-ci est encore très largement approuvée au niveau des institutions de santé et du grand public. Les ISRS figurent toujours parmi les principaux traitements de première intention contre la dépression.
Certains experts ont appuyé l’idée qu’il n’existait pas assez de preuves sur le fait que le taux anormalement bas de sérotonine pouvait induire la dépression. De plus, les essais cliniques des médicaments existants n’auraient montré que peu de différence d’efficacité avec les placebos. Les antidépresseurs auraient davantage des effets « anesthésiants » qui peuvent influer sur l’humeur des patients.
Ce manque de preuves solides pour la théorie de la sérotonine constitue la principale limite des traitements antidépresseurs actuels. Le mécanisme réel de la dépression n’étant pas ainsi complètement compris, la nouvelle étude anglaise, parue dans la revue Molecular Psychiatry, est l’une des premières à effectuer une synthèse des recherches pouvant lier ou non la sérotonine à la dépression.
D’après l’étude en question, la croyance populaire selon laquelle la maladie serait d’origine neurochimique serait très probablement erronée, et son origine serait peut-être davantage organique. Les résultats fournissent en effet des preuves supplémentaires réfutant la liaison entre la baisse de la sérotonine et la dépression. Ces recherches pourraient ainsi appuyer les décisions à la prise d’antidépresseurs, pour la sécurité des patients.
Aucune différence entre témoins sains et malades
Les premières séries d’études analysées par les chercheurs anglais concernent la comparaison des niveaux de sérotonine et de ses métabolites présents dans le sang ou dans le liquide cérébro-spinal de personnes souffrant de dépression ou non. Globalement, ces recherches n’auraient montré aucune différence entre les individus sains et malades.
De plus, un échantillon de 10 études impliquant des centaines de volontaires a révélé qu’un abaissement artificiellement induit du taux de sérotonine n’a engendré une dépression que chez 1 participant sur 75 en moyenne.
Des études impliquant des dizaines de milliers de patients ont également pris en compte les variations génétiques, telles que la régulation du gène précurseur du transporteur de la sérotonine. Résultat : aucune différence dans la fréquence de ce gène n’a été décelée chez les témoins sains et malades. Bien qu’une célèbre étude préliminaire ait mis en évidence une certaine corrélation entre ce gène et le stress quotidien, d’autres suggèrent plutôt le contraire et estiment qu’une telle relation n’existe pas.
Par ailleurs, la comparaison des taux de transporteurs de la sérotonine a montré une activité accrue de l’hormone chez les personnes souffrant de dépression. Cependant, ces personnes prenaient en amont des traitements antidépresseurs classiques. En l’absence de traitement, les taux de ces transporteurs ne seraient donc pas différents, que l’on soit malade ou non. Au contraire, certaines études suggèrent que la prise d’antidépresseurs pourrait au contraire induire une réduction du taux de sérotonine.