Depuis 2002, les familles de soldats israéliens morts au combat peuvent prélever le sperme du défunt afin de (peut-être) leur donner un enfant quelques années plus tard. Si la pratique permet à certains de garder l’espoir d’être parent ou grand-parent, d’autres la contestent en la qualifiant « d’orphelinat planifié ».
Après la mort d’un soldat, ses spermatozoïdes — vivant jusqu’à 72 heures — peuvent être récupérés par une incision dans le testicule, puis congelés. Il faut ensuite attendre quelques années avant de pouvoir utiliser le sperme pour la procréation. La pratique n’est pourtant pas si courante, puisque seulement quelques dizaines d’enfants sont nés de cette façon en Israël d’après Bloomberg.
Mais cela pourrait bientôt évoluer, car le parlement israélien a adopté une législation préliminaire soutenant cette pratique en mars dernier. Le projet de loi exige que l’on demande à chaque militaire ce que l’État doit faire de son sperme, dans le cas où il mourrait en uniforme. « Si vous ne pouvez pas rester dans ce monde et devez le quitter à l’âge de 19 ou 20 ans, une compensation que vous pouvez avoir est de laisser un être humain ici », confie à Bloomberg Zvi Hauser, auteur du projet de loi.
« Nous pourrons éventuellement étendre cela au reste de la société, mais nous commençons par l’armée, parce que nous engageons des personnes de 18 à 21 ans en leur disant : ‘Vous devez servir votre pays selon la loi. Si quelque chose vous arrive, nous prenons soin de vous, et si vous mourez, nous prenons soin de vos parents et de vos enfants. Nous avons maintenant la technologie pour que, si vous n’avez pas d’enfant et que vous voulez en laisser un, nous puissions le donner à votre femme ou à vos parents‘ ».
Pas d’allocations prévues pour les enfants nés après le décès d’un soldat
En revanche, si l’Etat apporte un soutien financier aux orphelins militaires, il ne semble pas avoir l’intention de faire de même pour les enfants post-mortem. « Nous ne voulons pas en faire un événement monétaire où les gens le font pour obtenir une allocation du gouvernement », a déclaré Hauser. Il justifie ce choix en expliquant que l’allocation existante pour les orphelins est destinée à compenser la perte de revenu du père, causée par l’État. Dans le second cas, c’est différent, car l’enfant n’existait pas encore au moment du décès.
Quelques dizaines de familles de l’armée sont désireuses de reproduire l’expérience et beaucoup d’autres (en dehors de l’armée) sont intéressées, notamment les proches de victimes de maladies, d’accidents et d’attaques terroristes. Si la procédure est interdite dans plusieurs pays (comme l’Allemagne, l’Italie et la Suède), elle est autorisée dans certains États américains.
Grand-parentalité posthume
En réalité, ce sont principalement les parents des soldats décédés qui font pression sur l’État israélien pour avoir des petits-enfants. Deux sociologues expliquent ce concept de « grand-parentalité posthume » dans le cadre d’une étude sur le phénomène. Selon eux, la pratique converge avec celle — désuète — où les parents choisissaient l’époux et l’épouse de leur enfant en fonction du statut social et économique de leur famille. « Mais à la différence des temps anciens », écrivent-ils, « ils ne choisissent pas pour leur fils, qui est décédé, mais pour eux-mêmes ».
Bien évidemment, la procédure déplait à certains, comme Gil Siegal, directeur du Centre de droit médical, de bioéthique et de politique de santé du Collège académique Ono d’Israël. Selon lui, il s’agit d’un abus de l’enfant, qui doit avant tout « naître de parents vivants et non dans un orphelinat planifié». Il ajoute à Bloomberg : « Le discours sur la fertilité et la naissance doit commencer par la relation mère-père-enfant, et non par la relation grand-mère-grand-père-enfant. Lorsque vous récupérez le sperme d’un homme mort, vous essayez de restaurer quelque chose de perdu dans des circonstances tragiques. C’est comme ériger un monument vivant ».
Israël : le taux de natalité le plus élevé au monde
Pourtant, la grande majorité des Juifs israéliens (qui représentent 80% de la population en Israël) semble favorable à cette mesure qui sacralise l’armée et l’importance d’avoir des enfants. Dans le monde, Israël est de loin le pays où le taux de natalité est le plus élevé, avec plus de trois enfants par femme — suivi par la Turquie et le Mexique, avec presque un enfant de moins.
À titre de comparaison, les États-Unis présentaient ce même taux de fécondité au milieu des années 60 ! Le nombre d’israéliens ne cesse d’augmenter chaque année, sa population ayant presque doublé au cours des 30 dernières années. Là où d’autres pays tentent de freiner le taux de natalité (pour raison écologique par exemple), Israël ne semble pas aller dans ce sens.