Les liaisons covalentes, conférant une très grande résistance aux polymères composant la plupart des plastiques, font que ces derniers représentent aujourd’hui l’un des plus grands problèmes environnementaux. Afin de pallier cet inconvénient, une nouvelle génération de plastiques dits à polymères supramoléculaires commence à voir le jour. Grâce à des liaisons non covalentes, ils se dégraderaient beaucoup plus facilement. Cependant, ces technologies se heurtent encore à des obstacles, notamment en matière de performances mécaniques à l’utilisation. Récemment, des chercheurs finlandais ont peut-être trouvé une solution, grâce à une technique de séparation de phase liquide-liquide (LLPS). La technologie leur a permis de développer un nouveau « superplastique », aussi résistant que le plastique conventionnel, mais à liaisons réversibles — donc hautement décomposable ou recyclable. Malgré ses multiples perspectives d’utilisations, les applications potentielles de cette nouvelle génération de plastiques sont encore peu explorées.
La plupart des plastiques utilisés au quotidien par les ménages et dans les chaînes de production industrielle sont composés de polymères dont les unités de monomères sont assemblées par de très stables et très solides liaisons covalentes. Ces liaisons leur confèrent une telle stabilité qu’ils se dégradent très difficilement dans l’environnement tout en étant ultralégers. Le temps de décomposition peut aller jusqu’à mille ans pour certaines bouteilles en plastique standard.
De plus, comme des températures et des pressions élevées sont nécessaires à leur transformation, il revient souvent plus coûteux aux industriels d’en recycler que d’en produire. Ces problèmes de coût expliquent la production chaque année croissante de plastique dans le monde. D’après des statistiques officielles, elle aurait presque doublé entre 2000 et 2019, passant de 234 millions à 460 millions de tonnes.
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Cette surproduction conduit inévitablement à d’immenses rejets dans la nature (353 millions de tonnes en 2019), qui infiltrent profondément et menacent la biosphère. Des recherches ont même révélé que les microplastiques constituent aujourd’hui l’un des plus grands enjeux de santé publique du siècle. Et bien que des efforts de recyclage soient fournis, les liaisons covalentes des polymères conventionnels ne se décomposeront jamais complètement.
Les scientifiques ont alors tenté d’atténuer les problèmes liés à l’environnement en concevant du plastique qui dégrade plus facilement. Ce nouveau type de plastique à base de polymères supramoléculaires est composé de macromolécules dont les monomères sont liés par liaisons non covalentes. Ces dernières confèrent au matériau plus de malléabilité que les polymères conventionnels, grâce à des interactions secondaires réversibles.
Ces liaisons plus faibles et plus réversibles permettent alors aux polymères supramoléculaires de se décomposer plus rapidement dans l’environnement et d’être recyclés plus facilement. Ce nouveau plastique a également la propriété incroyable de s’autoréparer presque instantanément en cas de fissure, et d’être utilisé en tant qu’adhésif en lui attribuant la bonne teneur en eau.
Cependant, ces interactions plus faibles impactent grandement les performances mécaniques, limitant les applications. Des chercheurs de l’Université de Turku ont alors trouvé le moyen de conserver cette grande malléabilité tout en développant les mêmes performances de solidité que les polymères conventionnels.
« Comparables aux plastiques conventionnels, nos nouveaux plastiques supramoléculaires sont plus performants, car ils conservent non seulement des propriétés mécaniques solides, mais réservent également des propriétés dynamiques et réversibles qui rendent le matériau autoréparable et réutilisable », explique dans un communiqué Jingjing Yu, co-auteur principal de la nouvelle étude, parue dans la revue Angewandte Chemie, et chercheur à l’Université de Turku.
Une technique de séparation de phase liquide-liquide
La nouvelle technique des chercheurs finlandais consiste à séquestrer et à concentrer des solutés pour renforcer les liaisons non covalentes et former des molécules macroscopiques. Le polymère résultant possède des propriétés mécaniques comparables à celles des polymères conventionnels. Ces performances ont notamment été obtenues grâce à une molécule issue d’un procédé chimique complexe. Ladite molécule permet ensuite de « former des matériaux d’hydrogel ‘intelligents’ avec des cations métalliques de magnésium », indique Jianwei Li, chercheur principal de l’étude.
De plus, si le matériau est fissuré, il cicatrise spontanément. Par ailleurs, en y ajoutant une quantité précise d’eau, il peut être déformé et modelé à volonté. Ses capacités étant ainsi fortement corrélées à sa teneur en eau, il peut devenir un puissant adhésif capable supporter une pression de 139,5 MPa. La technologie est prometteuse en matière de perspectives d’utilisation, mais il faudra l’appliquer à grande échelle pour espérer des impacts positifs mesurables sur l’environnement.