L’industrie du transport, notamment de fret maritime, commence à peine à se remettre de la crise COVID que les prix des combustibles fossiles ont quintuplé depuis le conflit en Ukraine. En vue de la crise climatique mondiale, il est également plus qu’urgent de réduire au maximum les émissions de carbone, au risque de conséquences dramatiques et irréversibles. Le transport maritime étant responsable d’une grande partie des émissions de CO2 mondiales, les exportateurs commencent à aborder des solutions moins polluantes, en remplaçant notamment les cargos porte-conteneurs par… des voiliers ! Prise de conscience ou stratégie commerciale ? Cette solution serait à la fois moins coûteuse que l’approvisionnement par porte-conteneurs conventionnels et entièrement décarbonée.
Maillon fondamental du commerce mondial, le transport maritime représente près de 80% des transports de marchandises dans le monde. Dans ce sens, il serait responsable de 2 à 3% des émissions de CO2 mondiales. En réponse aux enjeux climatiques, des technologies de décarbonation toujours plus avancées voient le jour, comme les moteurs hybrides à hydrogène ou électriques. Grâce à ces avancées, les émissions de carbone du fret maritime auraient eu tendance à baisser ces dernières années.
D’un autre côté, les consommateurs sont plus demandeurs de productions plus responsables. Pour satisfaire ces demandes, les entreprises adoptent des mesures telles que l’affranchissement aux énergies fossiles. De plus, depuis l’envolée des prix du gaz et du pétrole due à la guerre en Ukraine, le transport par porte-conteneurs standard est devenu très coûteux.
« Nous avions l’habitude de payer entre 7 et 10 centimes pour expédier une livre de café sur un cargo porte-conteneurs », explique Serge Picard, propriétaire de la société de café équitable Café William. « Puis, tout d’un coup, le monde devient complètement fou et le prix du transport par conteneur quintuple pendant une bonne période ».
Selon l’entrepreneur, les coûts commenceraient à descendre progressivement, mais restent tout de même élevés. L’approvisionnement par porte-conteneurs classique prend également trop de temps. Il arrive même souvent que les porte-conteneurs restent coincés pendant des mois au niveau de grands ports commerciaux comme celui de Hong Kong, le trafic étant trop intense et les procédures très lourdes.
Quelques entreprises, dont Café William, se tournent alors vers d’anciennes technologies, peut-être un peu moins rapides mais beaucoup moins polluantes. Comme un véritable retour aux sources, elles optent pour des voiliers pour remplacer les porte-conteneurs conventionnels.
Moins chère et plus efficace
Il faut savoir que les « solutions vertes » sont également, à l’instar de beaucoup des décisions d’entreprise, des stratégies commerciales. Les consommateurs, ayant un rôle à jouer dans les enjeux climatiques, veulent acheter de produits plus durables, quitte à payer plus. Les entreprises peuvent ainsi s’assurer de bons retours sur investissement grâce à la décarbonation. De plus, Café William affirme que transporter les marchandises par voiliers est actuellement moins cher et plus efficace que par porte-conteneurs conventionnel.
L’entreprise veut en effet utiliser des voiliers cargo fonctionnant principalement à l’énergie éolienne. Un seul des voiliers dispose d’un moteur électrique (chargé par énergie solaire et par l’énergie produite par les hélices du navire) pour pouvoir naviguer plus facilement dans les ports et rester actif par vent faible.
Ce dernier pourra transporter jusqu’à 250 tonnes de fret et voyager à une vitesse de 14 nœuds (26 km/h), soit un peu moins vite que les porte-conteneurs standard (20 noeuds en moyenne). Cependant, ces navires ont généralement tendance à ralentir intentionnellement jusqu’à environ 15 noeuds en moyenne afin d’économiser leur carburant.
Cependant, lorsque le prix du carburant reviendra à la normale, le transport par voiliers sera légèrement plus couteux que les moyens de transport conventionnels, d’après les responsables de Sail Cargo, le prestataire de construction navale pour Café William.
Une technologie plus durable ?
Avant de pouvoir affirmer qu’une technologie est vraiment durable, beaucoup de paramètres doivent être pris en compte. Il faut par exemple considérer que la construction de tels voiliers nécessite beaucoup de bois. Sail Cargo affirme que la récolte de ce bois est compensée par des reboisements, mais le rythme de croissance des arbres pourra-t-il vraiment compenser à temps la consommation de bois ? Sans compter que si les nouvelles plantations sont effectuées avec des arbres à croissance rapide, cela risquerait de bouleverser les écosystèmes.
De plus, bien que Sail Cargo n’ait pas mentionné leur origine, les terres rares utilisées pour les panneaux solaires de certains voiliers hybrides pourraient également être extraites de mines pour lesquelles des milliers d’hectares de forêts auraient pu être rasés.