Le télescope spatial James Webb de la NASA, lancé avec succès le 25 décembre 2021, apporte des preuves définitives de la présence de dioxyde de carbone dans l’atmosphère d’une exoplanète. Il s’agit de WASP-39b, une planète géante gazeuse en orbite autour d’une étoile semblable au Soleil située à 700 années-lumière de la Terre. La découverte démontre qu’à l’avenir, Webb pourrait être en mesure de détecter et de mesurer le dioxyde de carbone dans les atmosphères plus minces de petites planètes rocheuses, dans le contexte de la recherche de vie extra-terrestre.
James Webb est un télescope spatial servant d’observatoire fonctionnant principalement dans l’infrarouge, développé par la NASA avec la participation de l’Agence spatiale européenne et de l’Agence spatiale canadienne. Après son lancement en décembre 2021, il a rejoint son orbite de travail il y a 6 mois. Celle-ci est située sur le point de Lagrange L2 du système Terre-Soleil, à environ 1,5 million de km de la Terre dans la direction opposée au Soleil, ce qui permet au télescope de garder ses panneaux solaires tournés vers ce dernier et de pointer ses instruments vers l’extérieur du système solaire.
Les scientifiques tentent, grâce à lui, de déterminer la composition des exoplanètes, dans le contexte de la recherche de vie extra-terrestre et de planètes habitables, similaires à la Terre. Ainsi, en raison de son rôle clé dans la régulation du climat, le dioxyde de carbone (CO2) est un composant central de l’atmosphère terrestre. Détecter clairement sa présence dans l’atmosphère d’exoplanètes lointaines est donc une étape essentielle dans la recherche de mondes propices à la vie.
Récemment, un consortium international de plus de 200 chercheurs, exploitant conjointement le télescope James Webb, a pour la première fois apporté la preuve claire de la détection du CO2 dans l’atmosphère de WASP-39b, une planète située en dehors du système solaire. Leur travail sera bientôt publié dans la revue Nature.
Filtrer la lumière des étoiles
Il faut savoir que les planètes en transit — lorsqu’une planète passe juste devant son étoile — comme WASP-39 b offrent aux chercheurs des opportunités idéales pour sonder les atmosphères planétaires. En effet, lors d’un transit, une partie de la lumière de l’étoile est complètement éclipsée par la planète et une autre est transmise à travers l’atmosphère de la planète.
Monika Lendl, co-auteure de l’étude, professeure au sein du Département d’astronomie de l’UNIGE (Genève, Suisse) et membre du PRN PlanetS, explique dans un communiqué : « L’atmosphère filtre certaines couleurs plus que d’autres, ceci en fonction de la matière dont elle est composée, de son épaisseur et de la présence ou non de nuages. En utilisant le télescope James-Webb pour décomposer la lumière en ses couleurs, nous pouvons identifier des ‘empreintes digitales’ caractéristiques de différents gaz et déterminer la composition de l’atmosphère ». Avec sa combinaison d’atmosphère gonflée et de transits fréquents, WASP-39 b est une cible idéale pour la spectroscopie de transmission.
Effectivement, WASP-39 b est une géante de gaz chaud avec une masse comparable à celle de Saturne et un diamètre 1,3 fois plus grand que celui de Jupiter. Son gonflement extrême est lié en partie à sa température élevée (environ 900 degrés Celsius). Contrairement aux géantes gazeuses plus froides et plus compactes de notre système solaire, WASP-39 b orbite très près de son étoile — seulement environ un huitième de la distance entre le Soleil et Mercure — effectuant un circuit en un peu plus de quatre jours terrestres.
Première détection claire du dioxyde de carbone
De manière concrète, l’équipe de recherche a utilisé le spectrographe proche infrarouge de Webb (NIRSpec) pour ses observations de WASP-39b. Ainsi, Webb a observé ce système stellaire pendant plus de huit heures, commençant environ trois heures avant le transit et terminant environ deux heures après la fin du transit. Le transit lui-même a duré environ trois heures. La série de courbes obtenues comprend un total de 500 mesures de luminosité individuelles — environ une par minute.
Dans le spectre résultant de l’atmosphère de l’exoplanète, un petit pic entre 4,1 et 4,6 microns présente la première preuve claire et détaillée de dioxyde de carbone jamais détectée sur une planète en dehors du système solaire.
Aucun observatoire n’a jamais mesuré des différences aussi subtiles dans la luminosité de tant de couleurs individuelles dans la gamme de 3 à 5,5 microns dans un spectre de transmission d’exoplanète auparavant. L’accès à cette partie du spectre est crucial pour mesurer l’abondance de gaz comme l’eau et le méthane, ainsi que le dioxyde de carbone, dont on pense qu’ils existent dans de nombreux types d’exoplanètes.
Natalie Batalha de l’Université de Californie à Santa Cruz, dirigeant l’équipe, déclare dans le communiqué de la NASA : « La détection d’un signal aussi clair de dioxyde de carbone sur WASP-39 b est de bon augure pour la détection d’atmosphères sur des planètes plus petites et de taille terrestre ».
Comprendre la composition de l’atmosphère d’une planète permet de reconstituer son origine et son évolution. Mike Line de l’Arizona State University, co-auteur explique : « Les molécules de dioxyde de carbone sont des traceurs sensibles de l’histoire de la formation des planètes. En mesurant cette caractéristique de dioxyde de carbone, nous pouvons déterminer la quantité de matière solide par rapport à la quantité de matière gazeuse qui a été utilisée pour former cette planète géante gazeuse ».
Cette découverte démontre les capacités exceptionnelles de Webb, qui sera clairement en mesure de caractériser de manière précise les atmosphères plus minces de petites planètes rocheuses, donnant un aperçu des détails de la formation des planètes et du caractère unique de notre propre système solaire.
Une découverte pour un projet immense
L’observation NIRSpec de WASP-39b n’est qu’une partie d’un grand projet d’observation mené avec le télescope James-Webb. Celui-ci comprend d’autres observations de WASP-39b ainsi que d’autres planètes hors de notre système solaire. Ces observations s’inscrivent dans le cadre du programme Early Release Science, développé pour mettre à la disposition de la communauté scientifique internationale les données scientifiques du télescope James-Webb le plus rapidement possible et assurer ainsi la meilleure utilisation scientifique possible du télescope spatial.
Vivien Parmentier, co-chercheur de l’Université d’Oxford, conclut : « L’objectif est d’analyser rapidement les observations de Early Release Science et de développer des outils open source que la communauté scientifique pourra utiliser. Cela permet des contributions du monde entier et garantit que la meilleure science possible sortira des prochaines décennies d’observations ».