Plusieurs cas de pneumonie se sont déclarés la semaine dernière dans une clinique privée de San Miguel de Tucumán, dans le nord-ouest de l’Argentine. Onze cas ont été recensés à ce jour, la majorité étant des membres du personnel soignant. Hier, une sixième personne est décédée de cette infection ; elle présentait des comorbidités (tout comme les cinq autres personnes décédées). Samedi, la ministre argentine de la Santé, Carla Vizzotti, a déclaré lors d’une conférence de presse quelle était la source de cette infection.
Vomissements, fièvre, courbatures, souffle court, c’est le lot de symptômes présentés par les personnes infectées. La coupable: une bactérie du genre Legionella, dont l’espèce exacte reste à déterminer. Il apparaît que les personnes ayant des problèmes de santé préexistants peuvent présenter un risque plus élevé de complications. « Tous les patients ont un certain type de comorbidité, comme le tabagisme, une BPCO [bronchopneumopathie chronique obstructive], des antécédents de symptômes respiratoires, une obésité, un diabète ou de l’hypertension artérielle », a déclaré jeudi Luis Medina Ruiz, ministre de la Santé de la province de Tucumán.
Le monde entier était rivé sur cette mystérieuse série d’infections, craignant une nouvelle épidémie. Des analyses préliminaires, effectuées à l’Institut Malbran de Buenos Aires, ont permis d’écarter rapidement plusieurs virus tels que ceux de la COVID-19, de la grippe et des hantavirus (des virus dangereux transmis par les rats et les souris). La légionellose est une infection pulmonaire grave, dont la contamination peut se faire par voie respiratoire (par inhalation de la bactérie), à travers l’eau (sous forme d’aérosol) ou l’air conditionné. Des analyses sont actuellement en cours pour identifier le foyer précis de l’infection (circuit d’eau ou d’air).
Des cas qui restent très localisés
Les symptômes — qui comprennent des difficultés respiratoires sévères — de même que l’imagerie pulmonaire, sont assez similaires à ceux de la COVID-19. Cette piste a toutefois été rapidement écartée par les experts, tout comme l’éventualité d’un virus émergent. « Il n’a jamais été question d’un ‘virus inconnu’, mais plutôt d’une pneumonie bilatérale d’origine inconnue », a souligné la ministre de la Santé samedi.
La bactérie incriminée pourrait être de type Legionella pneumophila, mais d’autres examens sont nécessaires pour le confirmer. Six personnes sont mortes en une semaine. Bien que la maladie soit particulièrement agressive, il semblerait que la contamination interhumaine soit faible, voire nulle : en effet, des contacts proches de personnes infectées ne montrent aucun symptôme. Aucun cas n’a par ailleurs été signalé en dehors de la clinique.
Suite à la pandémie de COVID-19, de nombreux infectiologues ont averti du fait que nous serons sans doute amenés à croiser de nouveaux virus dans les années à venir, en particulier des virus provoquant des zoonoses, du fait d’un « rapprochement » des populations avec les animaux sauvages — comme en témoignent les récents cas de variole du singe et les infections au virus Langya.
Le Dr Michael Osterholm, expert en maladies infectieuses à l’Université du Minnesota, se veut rassurant : il a déclaré que des « maladies mystérieuses » se produisent parfois, et le plus souvent, elles peuvent s’expliquer par une épidémie locale, qui n’a pas d’implications pandémiques.
Nous ne sommes pas ici en présence d’un virus, mais d’une bactérie. Celle-ci n’en est pas moins agressive : trois personnes sont toujours sous assistance respiratoire. Le traitement comprend l’administration d’antibiotiques pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Rappelons que les bactéries peuvent elles aussi constituer de sérieuses menaces, de par leur résistance croissante aux antibiotiques existants.
Une bactérie omniprésente dans le monde entier
Les bactéries de type Legionella prolifèrent dans tout type d’environnement d’eau douce (notamment lorsque l’eau est chaude) ou dans les terres humides, à des températures comprises entre 20 et 50 °C. On peut ainsi les retrouver dans les pommeaux de douche et les robinets, les spas, les tours de refroidissement, les réservoirs d’eau chaude, les fontaines décoratives ou les systèmes de plomberie des grands bâtiments. En Europe, 90% des légionelloses sont liées à l’espèce L. pneumophila.
L’inhalation (et non l’ingestion) de gouttelettes d’eau contaminée déclenche l’infection, qui peut prendre la forme de « la maladie du légionnaire » — une grave infection respiratoire, qui s’accompagne de troubles neurologiques et digestifs et d’une insuffisance rénale — ou une forme plus bénigne, dénommée « fièvre de Pontiac ». La maladie du légionnaire a été signalée pour la première fois en 1977, à Philadelphie, lorsque près de 200 personnes assistant à une convention de la légion américaine ont été atteintes d’une pneumonie sévère.
L’Organisation mondiale de la santé explique que « la probabilité de maladie dépend des concentrations bactériennes dans la source d’eau, de la production et de la dissémination d’aérosols, de facteurs liés à l’hôte, comme l’âge et des affections préexistantes, et de la virulence de la souche particulière de Legionella ». À noter que la plupart des infections n’entraînent pas de maladie ; en outre, sur l’ensemble des cas signalés dans le monde, 75 à 80% ont plus de 50 ans et 60 à 70% sont des hommes.
Il n’existe à ce jour aucun vaccin contre la légionellose. La prévention repose essentiellement sur des mesures visant à réduire la multiplication de la bactérie et la dissémination d’aérosols — qui comprennent l’entretien et la désinfection réguliers des installations d’eau et des appareils de climatisation. Les autorités sanitaires argentines ont déclaré qu’elles s’efforçaient de localiser au plus vite l’agent bactérien pour que la clinique puisse à nouveau fonctionner sans risque.