Ce week-end, le 10 septembre à 21h20 (HAE), le satellite BlueWalker 3 a été mis en orbite avec succès par une fusée Falcon-9 de SpaceX. La firme spatiale vient non seulement d’envoyer un nouveau lot de satellites Starlink dans le ciel, mais elle embarquait également à son bord le nouveau satellite conçu par AST SpaceMobile : le BlueWalker 3 doit servir de démonstration pour la future constellation de satellites « BlueBird », qui comprendra 110 satellites en orbite terrestre basse.
L’objectif d’AST SpaceMobile est de fournir une connexion haut débit 4G et 5G depuis l’orbite directement vers les téléphones mobiles (sans tours cellulaires) ; le déploiement complet de la constellation BlueBird devrait être terminé d’ici 2024. Mais le lancement du BlueWalker 3 soulève déjà pas mal d’inquiétude du côté des astronomes : cet engin de 1500 kg est en effet équipé d’une antenne réfléchissante d’environ 64 m2 (soit approximativement la taille d’un court de squash) susceptible de nuire largement aux observations.
Situé en orbite à 500 kilomètres d’altitude, l’engin réfléchira immanquablement beaucoup de lumière solaire ; il pourrait même devenir plus brillant que la planète Vénus, éclipsant toutes les lumières du ciel nocturne excepté celle de la Lune. Et il ne s’agit que d’un exemplaire parmi la centaine de satellites homologues à venir ! En outre, le BlueWalker 3 n’a été conçu qu’à des fins de test et les satellites BlueBird pourraient être plus de deux fois plus gros, et donc encore plus brillants dans le ciel. Les images des télescopes postés au sol pourraient devenir inexploitables.
De la lumière et des ondes radio parasites
« La raison pour laquelle notre satellite est grand est que pour communiquer avec un téléphone à faible puissance et à faible force interne, il suffit d’une grande antenne sur un côté avec beaucoup de puissance, c’est donc une partie essentielle de notre infrastructure », a déclaré à Space.com Scott Wisniewski, directeur de la stratégie d’AST SpaceMobile. Il faudra plusieurs semaines et quelques contrôles de routine avant que la société ne commande à BlueWalker 3 de déployer son antenne.
En attendant, l’Union astronomique internationale est inquiète : les satellites BlueBird pourraient créer des traînées lumineuses sur la plupart des clichés capturés par les télescopes terrestres et de ce fait, rendre impossible l’observation d’objets plus éloignés. Mais ce n’est pas le seul problème causé par ces engins : il se trouve que la technologie nécessite un puissant faisceau radio pour se connecter au téléphone d’un utilisateur. Par conséquent, ces communications pourraient perturber toute la radioastronomie, qui repose sur des instruments très sensibles.
Les astronomes du « Centre pour la protection du ciel sombre et silencieux contre les interférences des constellations satellitaires » de l’Union astronomique internationale (IAU CPS) appellent l’ensemble des astronomes amateurs à enregistrer la luminosité du BlueWalker 3, afin de sensibiliser les autorités de régulation à l’impact de ces objets brillants sur les recherches en astronomie.
À ce jour, il n’y a aucune restriction en vertu du droit international sur la taille des satellites. « Les nations spatiales incluent dans leur réglementation certains aspects de l’exploitation et du cycle de vie d’un satellite, mais ne prennent pas en compte l’utilisation de l’espace en tant qu’environnement ni l’impact potentiel que les objets spatiaux peuvent créer sur les activités au sol », précise l’IAU CPS. Ce nouveau lancement pourrait mettre en évidence les limites des réglementations existantes et aider à la mise en place d’une nouvelle politique, reposant sur une coordination entre les sociétés spatiales et les observatoires.
À noter que la Federal Communications Commission (FCC) des États-Unis a délivré une licence expérimentale pour le lancement du BlueWalker 3, mais l’obtention de la licence pour les satellites ultérieurs d’AST SpaceMobile dépendra des performances et de l’impact de l’engin.
Plusieurs projets spatiaux de haut débit cellulaire
AST SpaceMobile est pour le moment la seule à proposer le haut débit cellulaire depuis l’espace. Elle s’est associée à 25 fournisseurs de services cellulaires, dont 10 participeront à l’essai de six mois du BlueWalker 3. Mais elle ne restera pas seule bien longtemps et de nombreux satellites viendront sans doute s’ajouter aux plus de 3700 satellites de constellations déjà en orbite.
En effet, SpaceX et T-Mobile ont récemment annoncé que les satellites Starlink lancés l’année prochaine pourront se connecter directement aux téléphones de l’opérateur sur les bandes cellulaires existantes. À travers ce projet baptisé « Coverage Above and Beyond », les deux partenaires espèrent offrir une connectivité partout où la couverture satellite existe, et éliminer définitivement les zones blanches dans le monde.
Une nouvelle génération de satellites, Starlink V2, sera donc lancée dès l’année prochaine pour fournir ce nouveau service. Ils devraient être dotés d’une antenne de près de 25 m2 ; 30 000 de ces appareils sont en attente de l’approbation de la FCC. « Nous fabriquons des antennes spéciales, les antennes à réseau phasé les plus avancées au monde. […] Il s’agit d’un matériel et d’un logiciel assez complexes, car les antennes se déplacent très rapidement – elles se déplacent au-dessus de nos têtes à 17 000 miles par heure. Normalement, une tour de téléphonie cellulaire ne se déplace pas à 17 000 miles par heure ! », a expliqué Elon Musk. Le débit ne dépassera pas les 4 Mb/s, a précisé Elon Musk sur Twitter, mais sera amplement suffisant pour les SMS, MMS et les appels vocaux.
Apple a, quant à elle, annoncé la semaine dernière un partenariat avec la société de satellites Globalstar pour fournir une messagerie d’urgence par satellite aux nouveaux iPhone 14 — les utilisateurs pourront en bénéficier dès lors qu’ils ne sont pas couverts par le réseau terrestre. Ce service sera activé dès le mois de novembre, uniquement aux États-Unis et au Canada dans un premier temps.