Pendant les rapports sexuels et jusqu’à l’orgasme, les femmes expulsent des fluides plus ou moins abondants et de diverses compositions. Le phénomène de « l’éjaculation féminine » est encore aujourd’hui parfois controversé, le terme « éjaculation » étant plutôt réservé à une substance bien spécifique. Une nouvelle étude apporte aujourd’hui quelques précisions : il se trouve que les femmes expulsent des fluides de deux façons différentes et que l’un de ces fluides provient de la vessie.
On a longtemps cru que les fluides sécrétés par les femmes lors de la stimulation sexuelle vaginale étaient assimilables à une forme d’éjaculation féminine. Mais depuis quelques années, les spécialistes en urologie distinguent l’éjaculation du « giclement » (ou « jaillissement »). Une étude menée en 2011 a en effet mis en évidence le fait que les deux phénomènes étaient caractérisés par deux fluides différents : le fluide expulsé lors de l’éjaculation féminine est d’aspect laiteux et biochimiquement comparable à certains composants du sperme masculin ; le liquide expulsé lors du giclement/jaillissement présente quant à lui les caractéristiques de l’urine diluée et est produit en plus grandes quantités (les femmes concernées sont parfois caractérisées de « femmes fontaine »).
Dès lors, il était établi que la véritable éjaculation féminine est la libération d’un liquide épais et blanchâtre produit par la prostate féminine (de l’ordre de quelques millilitres), tandis que le giclement est l’expulsion d’un liquide dilué de la vessie (d’une dizaine de millilitres ou plus). Le giclement est donc défini comme l’expulsion involontaire de liquide par l’urètre féminin suite à la stimulation de la paroi vaginale antérieure avant ou pendant l’orgasme. Mais le mécanisme qui sous-tend ce giclement n’a pas été établi. Des chercheurs japonais ont donc mené une nouvelle étude pour mieux cerner le phénomène.
Un fluide qui provient de la vessie
On estime que 5% des femmes sont concernées par le giclement ; les volumes expulsés au moment de l’orgasme peuvent atteindre plusieurs centaines de millilitres. Le phénomène est cependant à différencier de l’incontinence urinaire : ce giclement, tout comme l’éjaculation, ne survient que pendant les rapports sexuels.
Des chercheurs français ont examiné la nature et l’origine de ce giclement féminin. Les résultats de leurs travaux ont fait l’objet d’un article publié en 2015 dans The Journal of Sexual Medicine. On y apprend que les échantillons de liquide sécrété par les participantes (sept femmes ayant rapporté une émission de liquide récurrente et massive lors de la stimulation sexuelle) présentaient des concentrations comparables d’urée, de créatinine et d’acide urique — les mêmes que celles mesurées dans des échantillons urinaires prélevés avant la stimulation sexuelle et après l’éjaculation.
Une échographie réalisée avant et après l’éjaculation a montré que la vessie était vide juste après l’acte. En outre, l’antigène spécifique de la prostate (PSA) avait été détecté chez cinq participantes sur sept, suggérant une « contribution marginale des sécrétions prostatiques au liquide émis » lors des rapports sexuels.
Cinq femmes (deux dans la trentaine, deux dans la quarantaine et une dans la cinquantaine) ont été recrutées pour cette nouvelle étude ; toutes étaient capables de giclement pendant l’acte sexuel. Pour l’expérience, la vessie a été vidée avant la stimulation sexuelle et les chercheurs ont introduit un colorant dans la vessie (un mélange de 10 mL d’indigo carmin et de 40 mL de solution saline) à l’aide d’un cathéter urétral. Une stimulation sexuelle a été effectuée pour faciliter l’expulsion des sécrétions ; celles-ci ont été recueillies dans des coupes stériles.
Un sujet encore tabou, qui reste explorer
Les cinq femmes de l’étude ont toutes fini par sécréter un liquide (trois lors d’une stimulation sexuelle manuelle et deux lors d’une stimulation avec pénétration). Dans tous les cas, le liquide en question était bleu, ce qui confirme que la vessie en était bien la source. Toutes avaient un bon contrôle de leur vessie, il ne s’agissait donc pas d’incontinence urinaire. Le PSA et le taux de glucose ont été mesurés dans chaque échantillon. Le liquide était positif au PSA chez quatre des participantes.
Ces résultats confirment ainsi que le principal composant de la substance émise lors du giclement est bien de l’urine (celle-ci est néanmoins incolore et inodore). Mais elle peut également contenir du liquide provenant des glandes de Skene — ou glandes para-urétrales, qui sont situées tout le long de l’urètre chez la femme et qui constituent l’équivalent de la prostate chez l’homme.
Dans le cas des quatre femmes ayant expulsé un liquide positif au PSA, il n’était cependant pas clair si cette substance était excrétée au même moment ou si elle était libérée avant le liquide urinaire, car les deux fluides se mélangent dans l’urètre. Certaines questions restent sans réponse, comme le fait de savoir pourquoi certaines femmes sont sujettes à ce phénomène et d’autres non.
D’autres recherches sont nécessaires pour expliciter davantage cette « double éjaculation » féminine. Elles permettront également de lever le tabou qui entoure le sujet. Une étude examinant le ressenti des femmes par rapport au giclement, souligne en effet que certaines voient le phénomène comme une sensation de plaisir ultime et en sont très fières, mais d’autres éprouvent des sentiments d’inconfort, d’embarras et de honte — des sentiments essentiellement liés à une méconnaissance du phénomène et aux incertitudes de la composition du liquide.