Les maladies cardio-vasculaires sont la première cause de mortalité dans le monde. Les greffes de vaisseaux sanguins permettent de contourner une artère défaillante et de réoxygéner le cœur. Cependant, les prothèses actuelles ne présentent pas le degré de compatibilité nécessaire pour en faire une solution à long terme. Récemment, des chercheurs ont mis au point un matériau qui imite la structure complexe des vaisseaux sanguins naturels, avec de grandes implications pour l’avenir de la chirurgie.
Lorsque le cœur bat, il pompe le sang à travers le système circulatoire. Ce réseau de vaisseaux sanguins transporte le sang vers toutes les parties du corps. Il est composé d’artères, de veines et de capillaires, et mesure plus de 100 000 km au total, soit assez pour faire plus de deux fois le tour de la Terre !
Le sang est bien sûr essentiel pour maintenir en vie les organes, leur apportant oxygène et nutriments et évacuant le dioxyde de carbone ainsi que les déchets des tissus. Mais lorsqu’un des vaisseaux principaux du réseau se retrouve obstrué ou défaillant, l’apport en sang se trouve compromis, tout comme l’intégrité de l’organe associé. Dans le cas du cœur, la conséquence de l’obstruction d’une artère coronaire est la crise cardiaque (ou infarctus du myocarde).
Il en résulte la destruction d’une partie plus ou moins importante du cœur. En France, ce sont près de 80 000 personnes qui subissent un infarctus du myocarde chaque année, dont 12 000 qui décèdent des suites. Des greffes cardiaques sont pratiquées, mais aussi de vaisseaux sanguins, afin, dans ce dernier cas, d’éviter autant que faire se peut l’issue qu’est l’infarctus.
Principalement réalisée en autogreffe — prélèvement de vaisseaux sanguins dans la jambe du patient notamment, les chirurgiens ont, néanmoins, souvent recours à des prothèses d’artères qui ne répondent pas à tous les critères pour être intégrées de manière définitive dans le corps. Ces greffes interviennent également dans le cadre du diabète, afin de remplacer des vaisseaux détériorés.
Récemment, un consortium international de chercheurs dirigé par l’Université de Sydney a développé une technologie permettant la fabrication de matériaux qui imitent la structure des vaisseaux sanguins vivants. Les prothèses ainsi synthétisées permettent une régénération rapide des tissus sanguins dans le corps de façon pérenne. L’étude est publiée dans la revue Advanced Materials.
Une question d’élastine
L’auteur principal et bio-ingénieur, le Dr Ziyu Wang du Centre Charles Perkins de l’Université de Sydney, a été le pionnier de la technologie, développée dans le cadre de sa thèse de doctorat. Il s’est appuyé sur les travaux antérieurs de la Dr Suzanne Mithieux, également au Centre Charles Perkins.
Les parois des vaisseaux sanguins naturels comprennent une série d’anneaux concentriques d’élastine — une protéine qui donne aux vaisseaux l’élasticité et la capacité de s’étirer — (comme des poupées gigognes), alternant avec des couches de cellules musculaires lisses. Cela rend les anneaux élastiques, ce qui permet aux vaisseaux sanguins d’être solides mais flexibles afin de se dilater et de se contracter avec le flux sanguin.
Concrètement, les chercheurs ont utilisé seulement deux biomatériaux, sans problème de rejet par l’organisme, pour fabriquer leurs vaisseaux synthétiques. Le premier est la tropoélastine, constituant « le bloc de construction » naturel de l’élastine. Elle est emballée dans le second, une gaine élastique, fournissant un modèle pour la croissance, puis « qui se dissipe progressivement et favorise la formation d’imitations naturelles hautement organisées des vaisseaux sanguins fonctionnels », comme l’explique le Dr Wang dans un communiqué.
Les tests précliniques ont révélé qu’après la transplantation de la structure dans l’aorte abdominale de la souris — l’artère principale transportant le sang du cœur aux vaisseaux sanguins —, le corps acceptait le matériau, avec de nouvelles cellules et de nouveaux tissus se développant aux bons endroits, le transformant essentiellement en un « vaisseau sanguin vivant ».
Plus précisément, en 8 semaines, des profils cellulaires naturels distincts et des structures environnantes avaient colonisé la structure. Après 8 mois, les fibres matures s’étaient installées et l’artère avait une épaisseur et des performances comparables à celles d’une aorte naturelle et saine.
C’est la première fois que les scientifiques voient les vaisseaux se développer avec un degré aussi élevé de similitude, avec la structure complexe des vaisseaux sanguins naturels. Le professeur Weiss déclare : « La nature convertit ce tube manufacturé au fil du temps en un tube qui ressemble, se comporte et fonctionne comme un véritable vaisseau sanguin ».
Contrairement aux procédés de fabrication actuels des matériaux synthétiques utilisés en chirurgie, qui peuvent être longs, complexes et coûteux, ce nouveau procédé de fabrication est rapide et bien défini. Sans compter que le vaisseau fabriqué peut également être stocké en toute sécurité dans un sac en plastique stérile jusqu’à la transplantation.
Avenir de la chirurgie pédiatrique
Le co-auteur, le Dr Christopher Breuer du Center for Regenerative Medicine du Nationwide Children’s Hospital et du Wexner Medical Center de Columbus, aux États-Unis, s’est dit enthousiasmé par le potentiel de la recherche pour les enfants.
Il souligne : « Actuellement, lorsque les enfants souffrent d’un vaisseau anormal, les chirurgiens n’ont d’autre choix que d’utiliser des vaisseaux synthétiques qui fonctionnent bien pendant une courte période, mais inévitablement, les enfants ont besoin de chirurgies supplémentaires à mesure qu’ils grandissent ».
En effet, les prothèses actuelles ne s’intègrent que très difficilement au fonctionnement du corps, elles sont bien trop rigides et surtout n’évoluent pas. Dans le cas de cette nouvelle technologie, l’intégration du vaisseau sanguin artificiel dans le système naturel signifie qu’il peut grandir et s’adapter avec le corps. Par conséquent, pour les enfants, cela signifie leur éviter maintes opérations pour remplacer des vaisseaux devenus dysfonctionnels et inappropriés dans leur corps.
Malgré de nombreuses questions auxquelles les scientifiques doivent encore apporter des réponses avant une utilisation clinique, les auteurs sont optimistes quant au potentiel de leurs vaisseaux sanguins artificiels pour l’avenir de la chirurgie.