Les recherches explorant l’utilisation des psychédéliques pour le traitement de la dépression ont vu un regain de terrain sans précédent ces dernières années. Des essais cliniques préliminaires ont notamment démontré une grande efficacité de la psilocybine pour traiter les troubles dépressifs, et ont suscité beaucoup d’espoir pour les patients résistants aux antidépresseurs conventionnels. Cependant, ces essais cliniques n’ont jamais abouti au-delà de la phase 2. D’ici la fin de l’année, Compass Pathways compte entamer les essais de phase 3 pour son traitement à base de psilocybine sur près de 1000 volontaires souffrant de dépression. S’ils sont concluants, l’approbation de la FDA devrait avoir lieu d’ici 2025.
La psilocybine a démontré une efficacité potentielle pour un large éventail de troubles mentaux et du comportement tels que l’alcoolisme, l’anxiété et la dépression. Les mécanismes biomoléculaires régissant cette dernière sont encore incompris, d’autant plus que les traitements actuels présentent de nombreux effets secondaires et ne démontrent que peu d’efficacité sur le long terme. Pour pallier le problème, la psilocybine constitue une piste de choix, notamment pour les patients développant une tolérance aux traitements conventionnels et à la psychothérapie.
Compass Pathways aurait enregistré des résultats positifs significatifs lors des derniers essais de phase 2B sur la psilocybine pour la dépression, en fin d’année 2021. Il s’agit notamment de l’étape où l’on détermine la dose nécessaire à l’efficacité optimale d’un médicament potentiel, conjuguée avec un maximum d’innocuité. Pour ce faire, le laboratoire avait recruté 233 volontaires souffrant de dépression résistante aux traitements conventionnels, et chez qui l’on a administré une fois et au hasard trois catégories de doses différentes : 25 mg, 10 mg et 1 mg. Au bout de 12 semaines, la dose de 25 mg a démontré une réduction significative des symptômes de la dépression chez les patients.
Cependant, des effets indésirables ont été enregistrés chez cinq (6,3%) des patients ayant reçu la dose à 25 mg, tels que l’apparition d’idées suicidaires. Toutefois, Compass Pathways affirme qu’un seul des patients volontaires aurait eu des idées suicidaires 24 heures après l’administration de la dose de psilocybine, et les autres n’auraient ressenti ce trouble que 62 jours plus tard. « Par conséquent, il n’est pas clair qu’il existe un lien direct avec l’administration du médicament », indiquait un représentant de l’entreprise en 2021.
Pour les prochains tests, l’entreprise a exposé un programme réparti en trois phases, destiné aux patients présentant des troubles dépressifs sévères et ayant développé une résistance aux traitements classiques et à la psychothérapie. Le premier (baptisé Pivotal 1) consistera à un essai clinique sur 378 patients, et comparera une dose unique de 25 mg (considérée comme la plus efficace) à un placebo. Le deuxième (Pivotal 2) retestera les trois doses sur 568 participants et explorera la possibilité d’administration d’une deuxième dose trois semaines après les premières administrations. La troisième phase sera un suivi psychologique à long terme pour tous les participants.
Des essais en trois phases
Pour la première phase des essais comparant la psilocybine à un placebo, un obstacle à considérer sera la quasi-impossibilité de l’effectuer en double aveugle. Les effets induits par la molécule active sont si directs et si évidents que les patients sauront immédiatement s’ils l’ont reçue, ou au contraire s’ils ont reçu un placebo. Dans ce sens, les résultats attendus risquent d’être biaisés, les patients sachant presque exactement les effets qu’ils sont censés obtenir.
« L’expérience psychédélique conduit nécessairement à une certaine levée de l’aveugle, quel que soit le comparateur », explique Guy Goodwin, directeur médical de Compass Pathways. Mais, « nous utilisons un placebo dans notre programme de phase 3, car il est nécessaire de comprendre le véritable profil d’innocuité de la thérapie à la psilocybine COMP360 à notre dose préférée de 25 mg », ajoute-t-il.
Concernant la deuxième partie des tests, les chercheurs souhaitent estimer l’efficacité de la molécule à deux doses de 10 mg, où ils auraient notamment enregistré des effets presque similaires à ceux obtenus avec 25 mg en dose unique. Bien que cette dernière ait démontré une efficacité importante, 10 mg deux fois est une option intéressante pour les patients, réduisant peut-être par la même occasion les risques d’effets secondaires.
Par ailleurs, à l’instar de la plupart des essais concernant la psilocybine, un protocole de suivi psychothérapeutique sera établi avant et après les deux essais susmentionnés. À savoir toutefois que le soutien psychologique de préparation ne comprend que trois séances : une supervision le jour de l’administration pendant six à huit heures et deux autres séances d’intégration, visant à expliquer aux patients le but et le processus des essais. C’est relativement court compte tenu de l’état de dépression sévère des volontaires. Néanmoins, Compass Pathway assurera un suivi sur le long terme en évaluant périodiquement l’évolution de la réduction de la dépression selon l’échelle de Montgomery – Åsberg (MADRS), six semaines après les premières doses.